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Critiques de Ricardo Menéndez Salmón (22)
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La nuit féroce

Par cette nuit féroce de l'hiver 1936, une chasse à l'homme s'organise dans un petit village des Asturies en Espagne. Dans le rôle de la proie : le ou les assassins d'une fillette ; et dans celui des chasseurs : le curé du village et quelques paroissiens. Quelques heures plus tôt, l'un de ceux-ci avait reçu à sa table Homero, surnommé le "pique-au-pot", comme tous les instituteurs de village payés par les habitants eux-mêmes, et invité chaque soir dans une famille différente pour y partager un frugal repas. Frugal, car à l'aube de la guerre civile, les temps sont durs et les paysans sont pauvres, à l'exception du notable du lieu, Irizábal, propriétaire d'un grand domaine.



Alors que Homero est rentré chez lui et que la battue a commencé, deux étrangers perdus et affamés frappent à sa porte. Homero les accueille le temps de les laisser avaler un croûton de pain, avant de leur conseiller de se cacher dans la forêt. Il est clair que ces deux-là n'ont rien à voir avec le meurtre odieux de la petite fille, mais il est tout aussi évident qu'ils seront désignés coupables par le village avide de vengeance. L'issue de cette nuit cruelle semble inéluctable et tant Homero que Irizábal sont impuissants à endiguer le flot de haine. La tension monte, révélant la brutalité des chasseurs. Celle du curé, en particulier, auto-érigé en justicier impitoyable et despotique. L'ambiance est à l'oppression et au mystère, le mal est partout.



"La nuit féroce" est un très court roman, un peu étrange, une fable pleine de noirceur, d'un auteur (et d'un éditeur) que je ne connaissais pas. La découverte est intéressante mais pas totalement convaincante, en raison d'un style un peu trop pompeux et de personnages proches de la caricature, et d'un goût de trop peu : j'aurais aimé que le passé de Homero et la psychologie des personnages soient davantage développés.
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L'île Réalité

De manière inhabituelle, je me suis laissée guider, pour acheter ce livre... par le traducteur, Jean-Maie Saint-Lu, que j'admire tant dans ses prouesses lorsqu'il rend non seulement intelligible mais surtout tellement attachante la prose d'un de mes auteurs favoris, Javier Marìas.



L'on sent bien ce qui a pu le séduire ici. C'est une belle recherche littéraire. Mais comme dans le seul autre livre lu de cet auteur, « Enfants dans le temps », que j'avais commenté par un premier tiers magistral, souffle qui ne s'était pas retrouver ensuite, ici, il y a des tas de bonnes idées mais, le tout reste un peu confus, lent et, tout en se lisant sans peine, on reste sur sa faim, ce qui empêche d'y voir un coup de coeur ou un livre à recommander.
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L'Offense

Offense, Vx ou littér.= Action causant un dommage ou un trouble corporel à quelqu'un ou portant atteinte à l'intégrité de quelque chose.



C'est donc bien une offense que subit Kurtz Krüwel. C'est donc bien une offense que je souffris aussi à la relecture de ce livre (tombé dans ma pile à lire sous l'effet conjugué de mon chat en délire et de la linotte qui me sert de tête). Si Ricardo Menendez Salmon n'était pas écrivain, il serait chirurgien. Spécialiste en chirurgie ambulatoire: cent-trente-huit petites pages d'un récit clinique à valeur de parabole. Ou médecin légiste: Cent-trente-huit pages d'autopsie d'un traumatisme de guerre avec scalpel et bistouri, sans tampon d'ouate douce ni gaz hilarant.



Kurtz Krüwel ne sera pas tailleur. Son compatriote Adolf en décida autrement. Enrôlé dans le 19° corps blindé de la 6° armée, le placide Kurt se distingue par son adresse à conduire un side-car garni de l'Hauptmann Löwitsch. Jusqu'au jour où la garniture coléreuse de son side-car brûle une petite centaine de villageois bretons dans une église, à titre de représailles. Löwitsch n'avait pas supporté la mise à mort de quelques soldats du Reich par la Résistance. Kurtz, lui, ne supporte pas l'exaction commise par sa propre armée. Face à l'horreur, il retire de sa chair toute forme de sensibilité.

Ce qui offre à Ricardo Menendez Salmon l'occasion de commettre trois pleines pages sur les liens qui unissent le corps et l'esprit (pages qui ne viendront pas compléter un manuel de philosophie ni un traité de neurologie). Ce qui le conduit à confondre quelque peu sensibilité sensorielle et sensibilité émotionnelle au fil de son récit toujours aussi froid qu'un morceau de banquise dans un bloc opératoire.



Ce qui m'a amenée à m'agacer (et non pas me glacer). La douleur psychologique doit-elle siéger dans un organe ou s'inscrire dans un lieu corporel? A la page 95, les émotions se concentrent dans la nuque, ce qui prive Kurtz, l'insensible physique, de savourer sa paternité future; à la page 115, ce pauvre Kurtz ne peut sentir la peur qui lui aurait mordu la nuque, elle aussi (il n'attrapera pas la rage. C'est un mal pour un bien). A priori tout se passe dans la nuque chez Menendez Salmon. Mais à la page 118, voilà Kurtz devenu "crabe rapide et heureux", ravi par la musique (un mollusque mélomane n'est pas si fréquent) . Alors qu'à la page 124, il éprouve de l'effroi.

J'ergote peut-être. Mais le pivot de ce roman est la perte de la sensibilité physique pour cause d'horreur. Pas la perte des émotions. Et j'y perds mes sensations.



Je vous fais grâce de l'histoire de Kurtz qui parvient à jouer de l'orgue alors que la pulpe de ses doigts est aussi morte que les quatre-vingt-onze villageois ou qui engrosse une Ermelinde sans sensibilité et sans difficulté majeure. Cette histoire se veut allégorique, le corps de Kurt est devenu réceptacle de l'atrocité de 39-45. Gros soupir.



Pourtant, la scène finale, onirique, semble avoir été imaginée par David Lynch. Pourtant quelques belles trouvailles littéraires émaillent le récit "Sur eux, implacable et anglaise comme la monarchie, la pluie continuait à tomber".



Mais (encore) la verve métaphorique de l'auteur m'a, parfois, déprimé la pupille. "(Il) regardait la pluie tomber en délicates vagues mauves telle une averse de vin rouge".

Ce n'était pas soirée pochtronnage, pourtant. Et comme j'étais sobre comme trois chameaux et un dromadaire, la délicatesse de l'averse de pinard m'échappait. Je me mis à boire. A force d'émettre des réserves, celle du patron s'imposait.

Après quelques bouteilles, je ne sus dire si ce bouquin était génie ou imposture.

Remise de ma gueule de bois, je n'en sais pas plus.
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Enfants dans le temps

Il est indiqué en quatrième de couverture que le livre comprend trois fragments d'une même histoire, ce n'est pas faux, mais j'y ai davantage vu une triple nouvelle qu'une trame continue autour de l'enfance. Et autant j'avais aimé la première partie qui m'a semblé magistrale, autant le reste m'a moins convaincue.



La première partie est une vraie claque, magnifique ! La façon d'aborder le deuil d'un jeune enfant par touches incisives et percutantes, réparties en courts chapitres, vaut vraiment le détour. Puis dans la seconde partie, l'auteur crée une enfance fictive de Jésus, ce qui m'a laissée fort dubitative, pour relever le niveau dans la troisième partie, mais la fin n'est pas exempte d'un soupçon de pédanterie, ai-je trouvé.



J'ai coté le tout, grâce au début étincelant du livre, à quatre étoiles, mais je me suis ainsi montrée généreuse, je pense.
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Débâcle

Un tueur en série terrorise la ville. Des étudiants nihilistes jouent aux apprentis terroristes et font sauter un centre de loisirs. Mais tout ceci n'est que la façade, l'apparence d'un roman subjugué par le Mal, ceux qui le font et ceux qui le subissent, ce par quoi il s'insinue et se propage. Débâcle, de l'espagnol Ricardo Menendez Salmon, explore les angoisses du monde moderne dans un faux roman noir et policier qui se contrefiche de ses intrigues pour se concentrer sur la perversité ou les angoisses de ses personnages dans un climat glauque et délétère. Divisé en trois parties distinctes qui communiquent entre elles, Débâcle ne convainc absolument pas par son récit mais impressionne par son style qu'il est bien délicat de qualifier. La beauté y côtoie la laideur, les moments tendres ne peuvent faire oublier l'insoutenable réalisme de certaines scènes. Sous prétexte de montrer toutes les facettes du mal, Menendez Salmon se complait parfois dans des descriptions scabreuses. Brièvement, mais tout de même. A travers ce roman aux accents sadiens, l'auteur délivre un message ambigu mais féroce contre la société de consommation. Pour le reste, on ne supputer quelles sont ses intentions les plus profondes. Mais si son but est de créer un malaise persistant, il est atteint. Cela ne fait pas de doute.
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L'Offense

Petit mais percutant !!!

La vie de Kurt Crüwell est un long fleuve tranquille dans cette Allemagne provinciale de la fin des années 30. Il reprendra la boutique de tailleur que tiennent ses parents, fera sa vie aux cotés de Rachel et continuera à jouer de l'orgue lors de la messe du dimanche dans l'Eglise de son quartier.

Oui mais un certain Adolf Hitler que les allemands ont porté au pouvoir quelques années plus tôt en a décidé autrement, et Kurt devra rejoindre les rangs de la Wehrmach.

Mais le jeune homme qui est parti en promettant fidélité et amour toujours à Rachel est loin, très loin même d'embrasser les idéaux nazis.

C'est donc avec le plus grand détachement qu'il entrera en France avec les troupes allemandes, mais il ira par contre à Paris qui l'enchantera. Paris où il ira voir, à l'insu de ses supérieurs, les oeuvres des peintres, tels que Picasso, honnis en Allemagne.

Il n'éprouvera aucune envie de retourner en permission en Allemagne, se contentera d'écrire à ses parents qui au détour d'une lettre lui apprendront la déportation en Tchécoslovaquie de son amie Rachel arrêtée avec tant d'autres juifs.

Mais, c'est alors qu'il est en garnison à Roscoff que se produira l'événement de sa vie.

Kurt témoin impuissant de l'horreur déployée par son supérieur, qui pour venger la mort de 4 soldats du Reich, n'hésitera en représailles pas à faire brûler vifs tous les habitants d'un village.

Ce jour-là Kurt perdra toute sa sensibilité.

Admis dans un sanatorium breton, il s'éprendra d'Ermelinde l'infirmière en charge de le soigner.

Et tous deux, grâce à la complicité du médecin de Kurt et directeur du sanatorium ainsi que de la Résistance française, pourront gagner Londres en novembre 1941.

Alors qu'en ce matin de l'hiver 1946, premier hiver de paix au cours duquel Ermelinde devenue l'épouse de Kurt lui annonce qu'ils vont être parents, Kurt voit ressurgir la bête immonde qui ne l'a pas oublié et qui souhaite se venger de lui

Tragédie d'un homme noyée au milieu de la tragédie qu'ont vécu des millions d'autres.

Et la question reste posée : lorsque le destin a choisi notre voie, pouvons-nous vraiment essayer d'en changer le cours ou ne faisons-nous que retarder l'inéluctable ?

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Horde

Ce texte est court et remarquablement bien écrit, selon moi. Il n'est en aucune façon virulent et ne constitue pas une charge contre la société actuelle mais, il représente bien le monde dans lequel nous évoluons: celui dominé par l'instant, l'image immédiate, sans cesse renouvelée et la non-pensée, la non-critique, la non-analyse qui s'ensuit. Comme dans "Le poids du coeur" ou "Larmes sous la pluie" de Rosa Montero, l'univers de SF dans lequel se déroule l'ouvrage ne constitue qu'un décor de fond.
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Débâcle

C’est un récit un peu étrange que nous propose Ricardo Menéndez-Salmón avec cette Débâcle, une manière de thriller dont la dimension polar est à la fois présente et effacée. Un récit qui n’est pas sans créer un certain malaise chez le lecteur qui suit les deux principaux narrateur de ce roman noir de noir, un tueur en série particulièrement imprévisible, Mortenblau, et l’un des policiers qui enquête sur l’affaire, Manila, et qui pourrait aussi devenir une victime “collatérale”.



Le malaise vient sans doute de ce qu’il n’y a pas de logique, pas de projet ou d’obsession clairement appréhendable dans les actes du tueur, sa folie meurtrière n’obéit à aucune logique, si ce n’est celle d’une pulsion qui l’effraye lui-même et qui prend la forme d’un lion qui l’envahit auquel il ne peut échapper. Dépourvu de stratégie, saisissant les opportunités, Mortenblau introduit dans la cité une irrationalité monstrueuse et impitoyable qui convoque la peur et la sacralise comme principe vital. Mais comme tout monstre, celui-ci est aussi humain, victime autant que bourreau et incarnation simple, brute et brutale, du mal. Le mal, un mot aussi court qu’ancien, tapi au cœur de l’humain et de toutes nos sociétés.

[plus sur le blog filsdelectures.fr]
Lien : http://filsdelectures.fr/blo..
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Le Correcteur

Y a-t-il encore des frères à appeler lorsque l’horreur terroriste se double de son exploitation cynique par le politique corrompu ? La lame aiguisée de Ricardo Menéndez Salmón.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/04/16/note-de-lecture-le-correcteur-ricardo-menendez-salmon/



Le 11 mars 2004, dix bombes explosent entre 7 h 32 et 7 h 39 dans plusieurs gares et trains de banlieue de l’agglomération madrilène, provoquant 192 morts et 1 858 blessés. Tandis que la nouvelle se répand instantanément – et que le très néo-libéral et conservateur chef de gouvernement de l’époque, José Maria Aznar, avec la complicité brûlante de son ministre de l’Intérieur, Ángel Acebes, accuse immédiatement avec force l’ETA basque, avant que les attentats ne soient quelques jours plus tard attribués à Al-Qaida -, un écrivain devenu « uniquement » correcteur, spécialiste notamment de Dostoïevski, assiste impuissant à la sidération générale, au choc et à l’effroi, et à l’envahissement, très logique ou pleinement irrationnel, de l’intime par le politique.



Juste après la publication du petit chef-d’œuvre qu’était déjà sa « Nuit féroce » en 2006, Ricardo Menéndez Salmón se lançait dans une trilogie de courts romans consacrés à l’horreur du monde contemporain, que conclut en 2009 ce « Correcteur », traduit en français en 2011 chez Jacqueline Chambon par Delphine Valentin.



Face à l’horreur des attentats de Madrid de 2004, le grand romancier des Asturies s’intéresse pourtant moins aux phénomènes directs de sidération qui l’entourent (comme le fait avec une immense justesse le Pierre Demarty éruptif et songeur de « Manhattan Volcano »), mais plus profondément à ce qu’elle provoque plus insidieusement en nous, sur des terrains intimes souvent minés au préalable par des storytellings délétères, agencés intentionnellement ou non, et par une habitude du mensonge politique bien trop enracinée désormais, en Espagne comme ailleurs.



Ainsi, à travers ce narrateur inattendu, écrivain ayant volontairement renoncé à l’écriture, correcteur vivant en prise avec le contemporain mais plus encore avec Dostoïevski, Onetti, Kawabata ou Cheever en guise de véritable vademecum, Ricardo Menéndez Salmón réintroduit subrepticement du complexe là où la simplification voudrait tant régner, des ruses de la raison là où la pulsion brute cherche à prédominer, du cerveau qui pense un peu plutôt que de la moelle épinière qui agit par réflexe, et de la résonance intime – même joyeusement trafiquée vers un plus haut indice d’octane – plutôt que du salmigondis géopolitique.



Pour cette autre « Anatomie d’un instant » (le roi d’Espagne s’adressera à cette occasion pour la première fois directement à son peuple depuis le coup d’État avorté en 1981 qu’analyse si brillamment Javier Cercas), les échos construits par l’auteur se porteront ainsi plutôt, avec un brio et une ruse rares, vers les effondrements éthiques qui hantent le Mathieu Larnaudie des « Effondrés » et de « Acharnement », et davantage encore vers l’étude poétique de cas paranoïaque conduite, en Suède, par le Jonas Hassen Khemiri de « J’appelle mes frères » (2012). Lorsque le terrorisme parvient à conquérir les cœurs et les esprits avec la complicité de certains gouvernants apprentis sorciers, il a de facto déjà gagné – et souvent bien au-delà de ses attentes.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Horde

Une atmosphère semblable à Fahrenheit 451 pour cet ouvrage découvert par hasard en librairie (c'est dur de nos jours de trouver de quoi s'occuper).



Nous suivons l'histoire de Il, homme coincé dans un univers dominé par le silence et régi par les enfants.

C'est une idée qui aurait valu que l'auteur s'y attarde histoire de nous pondre un véritable roman de science-fiction

A la place, cela se lit plus comme un pamphlet, une satyre du monde ou même comme un essai sur un monde réel

Il y a peut-être une morale dans la façon dont le personnage met fin à ses jours, dans une sorte d'envolée pathétique.

Je retiens que j'en aurais peut-être voulu plus, de façon plus "romancée" et élaborée comme moralisateur.



Mais ce n'est que mon avis après tout.
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La nuit féroce

Par une nuit d’hiver un instituteur itinérant. La noirceur plombée de l’Espagne de 1936 pour une fable cruelle et intensément belle.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/02/24/note-de-lecture-la-nuit-feroce-ricardo-menendez-salmon/



Une nuit d’hiver 1936 dans la campagne profonde des Asturies. Homero, instituteur itinérant, rémunéré selon la coutume en repas répartis avec plus ou moins de bonheur chez les habitants du village où il séjourne, pour les quelques mois d’une année scolaire, est justement en train de dîner chez un agriculteur, avec sa femme et sa fille enceinte. La guerre civile fait rage à l’extérieur, même si elle semble bien loin à la plupart des paysans locaux, arc-boutés sur leur quotidien famélique, comme hors du temps présent. La veille, une fillette a été retrouvée, violée et tuée, jetée au fond d’un puits du voisinage. Avec un certain nombre de chasseurs, et avec ses propres chiens, le curé du village organise en ce moment même une battue pour retrouver l’éventuel coupable. Un peu plus tard, dans l’école désertée où il tente comme chaque soir de donner un peu de corps à ses pensées et à ses rêves d’écriture, Homero voit débouler deux journaliers éperdus. Ne les jugeant d’emblée pas comme des coupables, il les prévient de ce qui pourrait les attendre, là, dehors, mais ne va toutefois pas jusqu’à leur proposer de les héberger. Les deux hommes disparaissent dans la nuit, et dans le périmètre de la battue en cours…



Publié en 2006 et traduit en français en 2020 par Jean-Marie Saint-Lu aux éditions Do, le quatrième roman de l’Asturien Ricardo Menéndez Salmón était déjà celui d’une consécration précoce. Dans cette nuit d’hiver hostile aux voyageurs, en à peine 100 pages, il nous offre peut-être l’une des plus terribles fables contemporaines – même située en 1936 – de culpabilité et de folie, de lâcheté et de nostalgie irréparable, qui puissent être, sous la chape de plomb durci de la guerre civile espagnole. Entre la subtile sécheresse du « Tu reviendras à Région » de Juan Benet et la froideur résolue du « Tableau de chasse » de Rafael Chirbes, entre l’ironie cinglante et désespérée du « Strange Fruit » d’Abel Meeropol et l’impavidité masculine de la « Scène de chasse en blanc » de Mats Wägeus, il trace ici une route distincte, très personnelle, par la puissance d’une écriture rare, maniant minutieusement le décharnement rugueux et le songe éveillé.
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La nuit féroce

« Dans les petits villages, l’enfer est toujours plus grand »



Dans un petit village espagnol des années 30 a lieu un huis clos offrant une vision fort peu charitable de l’être humain… Le village est en tension, et une cruelle chasse au meurtrier est en cours. Écrit avec une langue très littéraire, mais loin d’être fleurie, Nuit féroce est un roman concis, rugueux et profondément pessimiste.
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La nuit féroce

Tragédie sur le mal et la culpabilité pendant la guerre d’Espagne, le nouveau roman de l’écrivain espagnol ne montre pas une lueur d’espoir en l’homme.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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La philosophie en hiver

La philosophie en hiver, Ricardo Menendez Salmon,

trad.par Delphine Valentin, éd. Jacqueline Chambon



Il neigeait sur Amsterdam,

ou sur Spinoza,

je ne sais,

ou le professeur vieillissant dans la capitale

se perdait dans sa quête,

où se mêlait l'absurde,

ça n'aidait pas_

se perdait dans les temps,

trois cents ans, c'est un chemin très long



l'amour pourtant riait...



j'ai cherché des traces_

elles étaient déjà effacées



ne restait dans ma tête dépitée/

ou désorientée

qu'une traîtresse quatrième de couverture



je philosopherai en été

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Enfants dans le temps

Trois parties à ce roman, dans le premier la souffrance d'un couple confronté à l a perte de leur unique enfant. Cette tragédie les mène à la séparation et l'auteur nous narre ce chemin douloureux.

La deuxième partie est consacrée à l'invention des premières années du Christ qui aurait eu un frère jumeau décédé quelques heures après la naissance...

La dernière, la plus légère, met en scène la fuite solitaire d’une jeune femme enceinte en Crète.



3 chemins de deuil, menant à la séparation, à la Crucifixion et à la résurrection pour le troisième.



L'ouvrage métaphysique en diable, ne m'a pas accroché du tout. En tout cas on peut dire que ce n'est pas un livre léger et encore moins à la portée de tout un chacun.
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L'Offense

Un très bel ouvrage, de petite envergure, mais si profond... Une réflexion si forte sur la guerre, les horreurs et la violence de tous ces conflits armés. Mais au-delà de cela, la question posée reste celle de la reconstruction après le traumatisme...
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La lumière est plus ancienne que l'amour

La lumière est plus ancienne que l'amour de Ricardo Menéndez Salmón, dont j'avais évoqué L'Offense est un livre ambitieux qui, marotte des écrivains vivants les moins inintéressants, se joue de ses propres codes puisque l'écrivain Bocanegra (bouche noire, littéralement) qui reçoit en 2040 le Prix Nobel n'est autre qu'un Ricardo Menéndez Salmón plus ou moins transposé, qui évoque, lors du discours de l'intéressé devant un parterre de grands de ce monde, son livre en ces termes : «Bocanegra avait souhaité raconter aux autres mais aussi à lui-même le mystère de la création, en quoi consistent le don et le tourment d'être touché par la pesante main de l'art, quels seuils le créateur atteint à force de parcourir des couloirs sans fin, quels abîmes s'ouvrent des deux côtés du chemin pour ces esprits irrédimés, un peu sauvage qui, gagnés par la tristesse, ne consacrent pas leur vie seulement à procréer, manger, boire et déféquer, mais tentent de chercher un sens, un pourquoi, une dimension, au-delà des évidences, à cette pléthore éparpillée qu'est la vie des hommes».
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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La philosophie en hiver

Le livre de Ricardo Menéndez Salmon ne m'a pas séduite outre mesure, peut-être parce que l'auteur semble avoir un parti pris pour une certaine distanciation dans son propos. On peine à s'attacher à ce professeur un peu fou qui souhaite consacrer sa vie à Spinoza, souhaiterait en savoir plus sur le philosophe qui entre en scène (façon de parler) au moment de sa mort. Menées autrement, ces deux histoires qui se tissent l'une à l'autre auraient pu convaincre. Ici, on reste sur son appétit. Il reste une volonté de se réapproprier les pages de Spinoza et quelques images bien ficelées d'Amsterdam.
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L'Offense

Kurt Crüwell venait d'avoir vingt-quatre ans le jour où son compatriote Hitler décidait - sur un coup de tête et sans réfléchir aux conséquences à long terme - de reprendre à son compte et au nom d'un IIIème Reich millénaire, le corridor de Dantzig, préalablement concédé à la Pologne. Ce jeune homme ne le sait pas encore, mais lui et tant d'autres venaient d'être catapultés dans la 2ème Guerre Mondiale. Comme tous les jeunes de son âge, Kurt est sommé de se présenter au gradé de son quartier, Joseph Hepp, membre du NSDAP depuis ses origines, 1933. Kurt et sa famille n'avaient jamais adhéré à aucun parti politique. Seul comptait son métier de tailleur appris avec son père. Envoyé à Sarrebruck dans le 19ème Corps Blindé, Kurt tient à revoir auparavant Rachel Pinkus, mécanographe, sa petite amie, se promettant lettres et fidélité. Or, Rachel était juive.
Lien : http://dunlivrelautredenanne..
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Débâcle



« Débacle » de Ricardo Menéndez Salmón, traduit par Jean-Marie Saint-Lu (2015, Jacqueline Chambon, 188 p.) commence comme une enquête policière, répartie sur trois chapitres. Sauf que dans la première partie « Mortenblau », dont on comprendra la signification du nom que bien plus tard, on en est déjà à huit cadavres, ou plutôt « Il n’y a que huit chaussures. / Seulement huit, oui. / Et il n’y a que huit corps. / Que nous sachions, oui. / D’accord ». Il y a donc du serial killer dans l’encrier. Fétichiste en plus puisque chaque victime est délestée d’une seule chaussure, double d’hommes par rapport aux femmes. Pas moyen non plus de les revendre, elles sont toutes du même pied.

Sans doute, s’agit-il d’une spécificité des Asturies d’où est originaire l’auteur. Quand on sait qu’en plus, il est licencié en philosophie de la Universidad de Oviedo et qu’il a reçu plus de 40 prix littéraires, dont le prix Juan Rulfo en 2003 et le prix de la nouvelle courte Casino Mieres en 2006 pour « La Nuit Féroce » traduit également par Jean-Marie Saint-Lu (2020, Editions Do, 122 p.). C’est aussi une histoire de meurtre, par une nuit de neige et de froid, dans le village de Promenadia, près de Gijon, dans les Asturies. Homero, instituteur est invité chez un fermier, son épouse, une jeune fille enceinte, un enfant écolier et un autre enfant, idiot.

On est à l’aube de la guerre civile, cet hiver 1936. Les temps sont durs, les paysans sont pauvres. Seul un notable, Irizábal, propriétaire d'un grand domaine, fait montre d’obscène opulence. C’est dans ce contexte qu’une chasse à l'homme s'organise dans le village pour retrouver le ou les assassins d'une fillette, Aguirre, massacrée et jetée dans un puits. Le groupe des chasseurs organisent des battues. Deux visiteurs, venus d’ailleurs, ont été aperçus dans les environs. « Dans les petits villages, l’enfer est toujours grand ». Il le sera effectivement, le groupe des chasseurs en quête de justice ont décidé de punir le crime quoi qu’il en coûte.

Se superposent aux villageois, l’instituteur, qui s’affiche comme « bolchevique », ainsi que les autres hommes du village, dont le prêtre, déterminé à « s’ériger en justice, en seigneur ». La raison contre le goupillon. Les premiers mangeurs de petits enfants, je tairai l’utilisation qu’en ont fait les second.



« Débacle » décrit la façon dont l’effroi entre parmi les humains, et s’insinue même dans les couples. Le roman est en fait constitué de trois histoires successives dans lesquelles on retrouve les principaux personnages, Manila, sa femme qui ronfle, l‘Inspecteur et ses hommes « Olsen, le plus maigre, Gudesteiz le gros qui louchait ». Pauvre Manila qui en a l’estomac tout retourné « Il vomit dans les toilettes, très raide, comme si on lui avait mis un balais dans l’anus ». Mais bon c’est le métier, non pas qui rentre, mais qui ressort. Un peu plus loin « Olsen était en train de vomir ». Puanteur d’un « cadavre de cinq, six jours tout au plus »

Il faut dire que la profession côtoie souvent la mort. « Le cercueil, de couleur noire, était poussé par deux hommes à casquette et extraordinairement soignés ». Jusque-là, rien d’anormal, mais la phrase suivante me laisse rêveur. « Il y avait dans la façon dont ils étaient rasés quelque chose que Manila trouvait inquiétant, comme s’ils l’avaient fait non pas avec des lames mais avec des guillotines ». Voilà une application que le bon docteur n’avait pas envisagée. Mais il est vrai qu’à l’époque, on ne se rasait point, on se poudrait. C’était bien avant de découvrir la différence entre la tangente et la sécante.

Le chapitre suivant « Le monde sous le capuchon du fou », avec son titre prêtant à contrepèterie verse vite dans la philosophie. « De même que, lors de la grande peur de l’an 1000 prolifèrent superstitions et prophéties de toute espèce, l’euphorie de l’an 2000, euphorie qui se révéla bien vite vaine et même absurde, offrit, tout autour du globe, un éventail nourri de ces parcs qui célébraient la plasticité de la culture et la polyvalence du talent humain ». Et parmi ces parcs d’attractions, il y a Corporama, « né à Berlin pendant l’été 2003 pour célébrer le corps humain dans chacune de ses manifestations ». Puis, « deux mois plus tard, son clone se transporta à Promenadia ». Nous y voilà. Par chance le clonage s’est passé sans heurts, ni interversion dans le titre du parc, qui aurait pu donner lieu à ne plus savoir où mettre les pieds. Et c’est là que les trois étudiants, Humberto, Hugo et Menezes passent leur matinée.

Par contre, apparait un groupe qui se surnomme « Les Arracheurs » et qui « tels Bakounine et Netchaïev dans la doulce Suisse qui jadis fut un asile pour tous les illuminés de la Terre, les Arracheurs venaient de rédiger leur « catéchisme révolutionnaire ». Vilains copieurs du « Catéchisme du révolutionnaire » écrit en 1868, à quatre mains par les deux révolutionnaires russes qui s’étaient réfugiés à Genève. Même si Karl Marx lui-même a prétendu à propos de Netchaiev que « Toute l’histoire de Netchaïev n’est qu’un abominable mensonge. Netchaïev n’a jamais été détenu dans une prison russe, le gouvernement n’a jamais tenté de le faire assassiner ». Qui ment à propos de qui d’autre, on se rend compte que la révolution russe plonge ses racines, et a fait fructifier ses branches selon une botanique très mensongère. Heureusement que Netchaïev a été repris par Fiodor Dostoïevski dans « Les Démons ». Cela a permis à Ricardo Menéndez Salmón de le placer dans « La Nuit Féroce », comme livre de chevet de l’instituteur, Homero dit « le bolchevique ». « De l’autre côté du cahier, entre la bougie de spermaceti et une petite figurine en bois de santal qui représente une goélette à trois mâts, repose une édition in-octavo des Démons de Dostoïevski ».

Et que préconisent les Arracheurs ? De placer des aiguilles empoisonnées dans la nourriture et de saboter les parcs d’attraction tels que le Corporama. Par ailleurs l’auteur réussi à placer le mot « pygopage » dans son roman. Les deux groupes sont donc à égalité. Pour l’éducation des lecteurs, les siamois pygopages sont des êtres engendrés par la tératologie, ou non, et qui sont réunis en un seul individu dans la région fessière. Toujours utile à savoir pour les fans de Scrabble. « Il en va avec les monstres comme les fous ; en les voyant, les gens ont l’impression d’être meilleurs qu’ils ne sont en réalité ».

Actes de sabotage du parc d’attractions, explosions, bref un certain chaos. « Quand entre l’information A et l’information Z se tendait un réseau de concomitances, d’effets et de causes, de soupçons ».

Et on en arrive à la dernière partie « Parents sans enfants », la plus courte, une quarantaine de pages. Mais où l’on retrouve les personnages, Manilla, Olsen et Gudesteiz, Mortenblau, le Cinquième homme, alors qu‘ils sont six. Avec ce paragraphe, dans une police différente. « Le mal trouve sa justification dans son inexistence. Le mal n’a pas besoin de preuve ontologique, ni de réduction à l’absurde, ni de foi ni de prophètes. Le mal est sa propre expectative / Ma vie m’a appris que c’est le bien qui a besoin de justification. C’est le bien qui demande un pourquoi, une cause, un motif. C’est le bien qui, en fait, constitue la plus profonde des énigmes ». On dirait un extrait du catéchisme révolutionnaire.

Bref, un petit roman, bien ficelé, pas toujours clair dans qui est qui et qui fait quoi, mais agréable à lire.



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