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Elisabeth Beyer (Traducteur)Aleksandar Grujicic (Traducteur)
EAN : 9782742785162
137 pages
Actes Sud (30/11/-1)
3.29/5   12 notes
Résumé :
Jeune tailleur, Kurt Cruwell paraît destiné à une paisible vie provinciale. Enrôlé sous les drapeaux, dans la Wehrmacht, il est envoyé en France. Témoin de son premier massacre, il est amené à déclarer forfait de tout son être : il perd sa sensibilité. Devant ce monde absurde, il n’a d’autre issue que le degré zéro de la douleur : ne plus rien ressentir, suspendre les liens avec la réalité, ne saisir la vie que par l’imagination et la mémoire, devenir une créature p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Offense, Vx ou littér.= Action causant un dommage ou un trouble corporel à quelqu'un ou portant atteinte à l'intégrité de quelque chose.

C'est donc bien une offense que subit Kurtz Krüwel. C'est donc bien une offense que je souffris aussi à la relecture de ce livre (tombé dans ma pile à lire sous l'effet conjugué de mon chat en délire et de la linotte qui me sert de tête). Si Ricardo Menendez Salmon n'était pas écrivain, il serait chirurgien. Spécialiste en chirurgie ambulatoire: cent-trente-huit petites pages d'un récit clinique à valeur de parabole. Ou médecin légiste: Cent-trente-huit pages d'autopsie d'un traumatisme de guerre avec scalpel et bistouri, sans tampon d'ouate douce ni gaz hilarant.

Kurtz Krüwel ne sera pas tailleur. Son compatriote Adolf en décida autrement. Enrôlé dans le 19° corps blindé de la 6° armée, le placide Kurt se distingue par son adresse à conduire un side-car garni de l'Hauptmann Löwitsch. Jusqu'au jour où la garniture coléreuse de son side-car brûle une petite centaine de villageois bretons dans une église, à titre de représailles. Löwitsch n'avait pas supporté la mise à mort de quelques soldats du Reich par la Résistance. Kurtz, lui, ne supporte pas l'exaction commise par sa propre armée. Face à l'horreur, il retire de sa chair toute forme de sensibilité.
Ce qui offre à Ricardo Menendez Salmon l'occasion de commettre trois pleines pages sur les liens qui unissent le corps et l'esprit (pages qui ne viendront pas compléter un manuel de philosophie ni un traité de neurologie). Ce qui le conduit à confondre quelque peu sensibilité sensorielle et sensibilité émotionnelle au fil de son récit toujours aussi froid qu'un morceau de banquise dans un bloc opératoire.

Ce qui m'a amenée à m'agacer (et non pas me glacer). La douleur psychologique doit-elle siéger dans un organe ou s'inscrire dans un lieu corporel? A la page 95, les émotions se concentrent dans la nuque, ce qui prive Kurtz, l'insensible physique, de savourer sa paternité future; à la page 115, ce pauvre Kurtz ne peut sentir la peur qui lui aurait mordu la nuque, elle aussi (il n'attrapera pas la rage. C'est un mal pour un bien). A priori tout se passe dans la nuque chez Menendez Salmon. Mais à la page 118, voilà Kurtz devenu "crabe rapide et heureux", ravi par la musique (un mollusque mélomane n'est pas si fréquent) . Alors qu'à la page 124, il éprouve de l'effroi.
J'ergote peut-être. Mais le pivot de ce roman est la perte de la sensibilité physique pour cause d'horreur. Pas la perte des émotions. Et j'y perds mes sensations.

Je vous fais grâce de l'histoire de Kurtz qui parvient à jouer de l'orgue alors que la pulpe de ses doigts est aussi morte que les quatre-vingt-onze villageois ou qui engrosse une Ermelinde sans sensibilité et sans difficulté majeure. Cette histoire se veut allégorique, le corps de Kurt est devenu réceptacle de l'atrocité de 39-45. Gros soupir.

Pourtant, la scène finale, onirique, semble avoir été imaginée par David Lynch. Pourtant quelques belles trouvailles littéraires émaillent le récit "Sur eux, implacable et anglaise comme la monarchie, la pluie continuait à tomber".

Mais (encore) la verve métaphorique de l'auteur m'a, parfois, déprimé la pupille. "(Il) regardait la pluie tomber en délicates vagues mauves telle une averse de vin rouge".
Ce n'était pas soirée pochtronnage, pourtant. Et comme j'étais sobre comme trois chameaux et un dromadaire, la délicatesse de l'averse de pinard m'échappait. Je me mis à boire. A force d'émettre des réserves, celle du patron s'imposait.
Après quelques bouteilles, je ne sus dire si ce bouquin était génie ou imposture.
Remise de ma gueule de bois, je n'en sais pas plus.
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Petit mais percutant !!!
La vie de Kurt Crüwell est un long fleuve tranquille dans cette Allemagne provinciale de la fin des années 30. Il reprendra la boutique de tailleur que tiennent ses parents, fera sa vie aux cotés de Rachel et continuera à jouer de l'orgue lors de la messe du dimanche dans l'Eglise de son quartier.
Oui mais un certain Adolf Hitler que les allemands ont porté au pouvoir quelques années plus tôt en a décidé autrement, et Kurt devra rejoindre les rangs de la Wehrmach.
Mais le jeune homme qui est parti en promettant fidélité et amour toujours à Rachel est loin, très loin même d'embrasser les idéaux nazis.
C'est donc avec le plus grand détachement qu'il entrera en France avec les troupes allemandes, mais il ira par contre à Paris qui l'enchantera. Paris où il ira voir, à l'insu de ses supérieurs, les oeuvres des peintres, tels que Picasso, honnis en Allemagne.
Il n'éprouvera aucune envie de retourner en permission en Allemagne, se contentera d'écrire à ses parents qui au détour d'une lettre lui apprendront la déportation en Tchécoslovaquie de son amie Rachel arrêtée avec tant d'autres juifs.
Mais, c'est alors qu'il est en garnison à Roscoff que se produira l'événement de sa vie.
Kurt témoin impuissant de l'horreur déployée par son supérieur, qui pour venger la mort de 4 soldats du Reich, n'hésitera en représailles pas à faire brûler vifs tous les habitants d'un village.
Ce jour-là Kurt perdra toute sa sensibilité.
Admis dans un sanatorium breton, il s'éprendra d'Ermelinde l'infirmière en charge de le soigner.
Et tous deux, grâce à la complicité du médecin de Kurt et directeur du sanatorium ainsi que de la Résistance française, pourront gagner Londres en novembre 1941.
Alors qu'en ce matin de l'hiver 1946, premier hiver de paix au cours duquel Ermelinde devenue l'épouse de Kurt lui annonce qu'ils vont être parents, Kurt voit ressurgir la bête immonde qui ne l'a pas oublié et qui souhaite se venger de lui
Tragédie d'un homme noyée au milieu de la tragédie qu'ont vécu des millions d'autres.
Et la question reste posée : lorsque le destin a choisi notre voie, pouvons-nous vraiment essayer d'en changer le cours ou ne faisons-nous que retarder l'inéluctable ?
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Un très bel ouvrage, de petite envergure, mais si profond... Une réflexion si forte sur la guerre, les horreurs et la violence de tous ces conflits armés. Mais au-delà de cela, la question posée reste celle de la reconstruction après le traumatisme...
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Kurt Crüwell venait d'avoir vingt-quatre ans le jour où son compatriote Hitler décidait - sur un coup de tête et sans réfléchir aux conséquences à long terme - de reprendre à son compte et au nom d'un IIIème Reich millénaire, le corridor de Dantzig, préalablement concédé à la Pologne. Ce jeune homme ne le sait pas encore, mais lui et tant d'autres venaient d'être catapultés dans la 2ème Guerre Mondiale. Comme tous les jeunes de son âge, Kurt est sommé de se présenter au gradé de son quartier, Joseph Hepp, membre du NSDAP depuis ses origines, 1933. Kurt et sa famille n'avaient jamais adhéré à aucun parti politique. Seul comptait son métier de tailleur appris avec son père. Envoyé à Sarrebruck dans le 19ème Corps Blindé, Kurt tient à revoir auparavant Rachel Pinkus, mécanographe, sa petite amie, se promettant lettres et fidélité. Or, Rachel était juive.
Lien : http://dunlivrelautredenanne..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Mais un corps peut-il démissionner de la réalité ? Face à l'agression du monde, face à la laideur du monde, fasse à l'horreur du monde, un corps peut-il se soustraire à ses fonctions, se refuser à être un corps, suspendre sa raison d'être, peut-il simplement abdiquer ; c'est-à-dire abdiquer son état de machine sensible ? Un corps peut-il dire : " Assez, je ne veux pas aller au-delà, c'est trop pour moi" ? Un corps peut-il s'oublier ?
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Pour se conformer à la tradition familiale et au souhait formel de son père tailleur, Kurt Crüwell devait reprendre son atelier de bonne réputation au numéro 64 de la Gütersloher Strasse dans la ville de Bielefeld, non loin du luxuriant Teutoburgerwald et à quelques pâtés de maisons seulement de l'endroit où des décennies plus tard, entre 1966 et 1968, Philip Johnson, architecte renommé de Cleveland, érigerait la fameuse Kunsthalle ; toutefois, le 1er septembre 1939, un événement traumatisant bien que prévisible compromit ses rêves paisibles de propriétaire - ainsi que son entrée dans la société petite-bourgeoise de Bielefeld - et rendit son destin bien moins paisible et infiniment plus hasardeux.
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Tente de toujours rester à l'arrière, commença par dire Joachim Crüwell. L'héroïsme a été inventé pour ceux qui manquent d'avenir.
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