Citations de Roy Jacobsen (149)
Evidemment, personne ne fait une pause d'un an pour son "développement personnel". Le "développement personnel", c'est un truc que l'obtient par la lutte, et ça ne s'appelle pas "développement personnel", ça s'appelle grandir et devenir adulte, et c'est synonyme de boulot, factures, une famille dont il faut s'occuper et autres valeurs de base.
... peut-être parce qu'il a été le premier à comprendre que le plus important n'est pas qu'une histoire soit vraie, mais de laisser aux gens la possibilité d'en remplir les blancs.
... une personne qui, pour une raison ou une autre, n'avait pas pu continuer là où elle était née, comme maman, qui était montée en ville pour recommencer à zéro, comme si elle s'extrayait de là en se tirant elle-même par les cheveux, pour se sortir de la guerre et de la misère, pour s'arracher de l'emprise brutale de l'Histoire sur ceux qui créent les valeurs, pour s'améliorer, pour offrir à ses enfants des possibilités supplémentaires, un paradoxe, évidemment, car ce n'est pas facile quand les rejetons commencent le lycée - car c'est là où ils vont - et que, soudain, ils en savent plus que les parents et se mettent à mettre en doute leurs valeurs, ces mêmes valeurs qui leur ont permis d'aller au lycée, et ça cause une sacrée pagaille pour les deux parties ...
Si la guerre appartenait aux puissants possédant la langue et l'argent, tout comme leur appartenait la paix passée, la paix nouvelle semble leur appartenir aussi, avec une évidence brutale. Dès l'été, ils détruisent le bonheur en rasant la tête de Dagny, car ce n'est pas seulement son manteau qui a été en contact avec les Allemands
Parce que les gamins, ils veulent rester où ils ont toujours vécu, et élever un enfant, ce n'est pas comme édifier une maison, les enfants, ils grandissent d'eux-mêmes, et ils grandissent vite dans leur tête, impossible de les redresser avec la règle et l'équerre quand ils vont de travers, impossible de combler les manques ou de couper ce qui dépasse, ils sont là, et ce sont des personnes dès le premier cri, ils ne comprennent pas la langue, ils sont bêtes et nus, étrangers et affamés, débordants de hurlements.
car tout le monde a le droit d'être le héros de sa propre vie, même les boiteux et les aveugles, même ceux qui ont des boutons purulents sur la figure, à condition de recevoir un petit coup de main, car que serions-nous sans un peu d'aide?
Regretter un rêve est la chose la plus destructrice que l'on puisse faire.
Gertha Sabina Tommesen réussi à appeler Barbro « l’idiote » trois fois pendant qu’elle lui montre la chambre où elle va dormir avec l’autre bonne, qui vient des îles elle aussi, mais qui est bien plus jeune que Barbro. Elle explique que l’idiote doit s’attendre à être appelée à l’usine quand il y a des arrivées de harengs, même au milieu de la nuit, comme les autres femmes de la maison.
Quand Barbro a grandi sur Barroy, les filles n’avaient pas de chaises. Elle mangeait debout.….
Mais Barbro se souvenait ce que c’était de ne pas avoir de chaise si bien que, le jour où elle eut la sienne, elle emporta partout avec elle, au hangar à bateaux, à la remise, et même dans les prés ; elle s’asseyait dessus et observait les animaux, le ciel, les pies huîtrières sur la rive. Un meuble à l’extérieur. C’est faire du ciel un toit et de l’horizon le mur d’une maison qui s’appelle le monde. Personne n’avait jamais fait cela. Ils ne parvinrent jamais à s’y habituer.
Quel soulagement de voir un homme rentrer sain et sauf chez lui, même s’il arrive à l’improviste. Il y a la crise dans le pays et dans le monde, des faillites et des budget réduit, des gens doivent quitter leurs ferme, d’autres perdent leur travail, et les gars de l’équipe d’artificier dans laquelle il était le contremaître a été renvoyer chez eux avec mon salaire à peine de quoi couvrir ce qu’il avait déjà dépensé.
Ingrid n'habitait plus sur ses propres terres, au fait de tous ses trésors et de tous ses secrets, mais elle était l'invitée stupéfaite dans le grand oeuvre d'autres personnes, tel qu'il était autrefois et tel qu'il serait toujours, car aucune enfance ne peut disparaître.
Hans n'a pas seulement voulu vivre sur Barrøy, il a également voulu l'aménager, comme tout héritier souhaite laisser davantage que ce qu'il a reçu, c'est dans le cours des choses, dans la chaîne de la vie, une loi.
C'est désormais une maison avec de l'écho et des moutons de poussière gris qui filaient le long des plinthes comme des rats effrayés.
La plupart des gens de la région ont pitié de moi, quand ils ne sont pas agacés par mon apparence, ou quand ils ne se paient pas ma tête pour une raison ou pour une autre. Mais je ne m'en suis jamais soucié, parce que ce sont souvent les mêmes qui ont pitié de moi et, qui l'instant d'après, se moquent de moi, comme si leur compassion les fatiguait. Un jour, ils me traitent d'idiot et, le lendemain, ils me donnent du lait ou du lard, c'est rare que j'aie les deux en même temps, je suis du genre à qui on donne un peu à la fois. Et ça veut dire que j'ai dû apprendre à économiser le peu que j'ai, même si, aux yeux des autres, ça ne vaut rien.
Regretter un rêve est la chose la plus destructrice que l'on puisse faire.
C'était aussi la première chose qu'ils faisaient le matin: sortir et contempler la maison,elle leur donnait des forces, de l'espoir et de la bonne humeur.
Il arrive qu’ils aient des visiteurs des autres îles. On leur sert le café et à manger, on parle vite, on se coupe la parole car les mots s’accumulent chez les îliens et, un beau jour, il faut bien qu’ils sortent. Quand ils se sont vidés, ils rentrent chez eux et entassent de nouvelles phrases.
Quand Barbro a grandi sur Barrøy, les filles n’avaient pas de chaises. Elles mangeaient debout.
Ingrid ne comprend pas. Ne pas pouvoir rire quand on en a envie, c’est comme être privé d’une jambe.
En février, la mer peut-être un miroir turquoise. Barrøy, couverte de neige, ressemble à un nuage dans le ciel. C’est le froid qui rend l’eau verte et plus claire, calme et visqueuse, comme de la gelée. Elle peut se figer entièrement, se couvrir d’une pellicule, changer d’apparence. L’île a un liseré de glace qui entoure également les îlots les plus proches, elle s’est agrandie.