Citations de Rumaan Alam (27)
Vous ne saviez jamais quand c'était la dernière fois, car, si vous le saviez, vous ne pourriez pas continuer à vivre.
Il songeait qu'il lui arrivait encore de s'introduire en douce dans les chambres de ses enfants. Ils ne se réveillaient jamais au cours de ces visites nocturnes. On se dit que l'inquiétude prendra fin un jour. Quand ils feront leurs nuits, seront sevrés, sauront marcher, nouer leurs lacets, quand ils sauront lire, puis il y aura l'algèbre, le sexe, l'entrée à la fac, et alors on sera libéré, m'as c'est un mensonge. L'inquiétude est sans fin. L'unique tâche d'un parent est de protéger son enfant.
Mes enfants comptent sur leur téléphone pour leur dire le temps qu'il fait. Pour qu'il leur indique l'heure qu'il est, et tout ce qui se passe dans le monde. Ils ne sont plus capables de rien voir autrement qu'à travers ce prisme.
On se dit que si un holocauste se déroulait à l'autre bout du monde on en serait conscient, mais c'était faux. La distance le rendrait immatériel. Les gens n'étaient pas si connectés que ça. Des atrocités se produisaient en permanence, et cela n'empêchait personne d'aller manger une glace sur la plage, de fêter des anniversaires, d'aller au cinéma, de payer ses impôts, de baiser sa femme ou de s'inquiéter à cause de son crédit.
Cet appel était un soulagement. Elle voulait que ses collègues aient besoin d’elle, comme Dieu veut que les gens continuent à prier.
Parfois, quand il contemplait les siens, Clay était submergé par le désir de faire quelque chose pour eux. Je vous construirai une maison, je vous tricoterai un pull, ou tout ce qu'on attend de moi. Vous êtes pourchassés par les loups ? Je ferai un pont de mon corps pour que puissiez traverser ce ravin. Rien d'autre ne comptait à ses yeux, mais évidemment ses enfants n'en avaient pas réellement conscience car cela allait de soi, le contrat parental était ainsi fait.
"-Peut-être que la télé va revenir" Ruth essaya de paraitre optimiste.
-"Ou nos téléphones se remettre à fonctionner".
Amanda avait prononcé ces mots comme une prière. Les yeux baissés vers le plan de travail, elle remarqua, pour la première fois peut-être, la magnifique abstraction de la pierre. Elle ne semblait pas résistante ou solide, mais empreinte d'une beauté nouvelle. Ce n'était pas rien.
Le soleil brillait. C’était de bonne augure. Car les gens aiment transformer n’importe quoi en présage.
A ses yeux ce n'est pas le genre de maison où habitaient des noirs. Mais que voulait elle dire par la?
La voiture n’était pas assez récente pour être luxueuse, pas assez vieille pour faire bohème. Un objet de classe moyenne pour des gens de la classe moyenne, conçu pour ne pas déranger ni séduire, achetée dans un showroom avec des murs en miroirs, quelques ballons peu enthousiastes, et plus de vendeurs que de clients.
...les informations étaient là depuis le début, à leur disposition : la mort progressive des cèdres du Liban, la disparition des botos, ces dauphins d'eau douce, la renaissance d'une haine au parfum de guerre froide, la découverte de la fission, les embarcations remplies d'Africains qui chaviraient. Nul ne pouvait plaider l'ignorance autre que volontaire. Pas besoin de scruter la courbe pour savoir, pas même besoin de lire les journaux car nos téléphones nous rappelaient plusieurs fois par jour, et avec précision, la gravité de la situation.
Leurs corps savaient ce que leurs esprits ignoraient.Les enfants et les très vieux ont cela en commun. A la naissance, on comprend quelque chose du monde.Voilà pourquoi les tout petits affirment discuter avec les fantômes et perturbent leurs parents. Les très vieux commencent à s'en souvenir, mais peuvent rarement le formuler, et les très vieux, de toute façon, personne ne les écoute.
Clay alla chercher la clé.
(p.13)
Emmenez un enfant au parc, il ramassera un bâton. Une sorte de réflexe animal.
Rose n'était pas courageuse. Les enfants sont simplement trop jeunes pour savoir détourner le regard face à l'inexplicable.
L'art était impuissant à les protéger.
Vous vous êtes dit que vous pourriez loger ici ?
Amanda savait bien que ces gens voulaient quelque chose.
Mais c'est nous qui logeons ici !
(p.59)
[…] mais un ballet, ce n'est qu'un ensemble de petites choses plus ou moins organisées autour d'un thème qui n'a pas beaucoup de sens au départ." Comme la vie, songea Clay. Sans le dire.
Elle se tut. Un tel Bruit, comment l'accueillir, sinon en silence?
Il songe que le gouvernement envoyait des hélicoptères pour sauver les cinglés asociaux qui tenaient à vivre dans des montagnes sujettes au feux de forêt. Les gens voyaient ces incendies comme des drames, sans comprendre qu'ils constituaient une part importante du cycle de vie de la forêt. Ce qui était vieux brûlait. Les jeunes pousses grandissaient. Clay continua à rouler. Que pouvait-il fait d'autre ?