Après l'émigration causée par la guerre civile et la production de BD pour l'étranger par le biais d'agences sous le régime franquiste, on assiste depuis la fin du XXe siècle à un phénomène qui peut être considéré comme la troisième grande vague migratoire des auteurs espagnols vers les marchés étrangers, fondamentalement les marchés américains et francophones.
En utilisant différentes sources, tant françaises qu'espagnole (le site BDtheque.com et Bdoubliees.com, le groupe informel PIF, l'association ARC, etc.) l'auteur et chercheur en histoire de l'art Salva Rubio et Félix Lopèz, co-directeur de l'association Tebeosfera, on mené une étude quantitative et qualitative sur l'émigration des auteurs espagnols de bande dessinée en France.
Ils expliquent ici les moyens mis en oeuvre pour réaliser cette étude et en restituent une partie des résultats.
Cette intervention a eu lieu dans le cadre du 2e Symposium Tebeosfera, organisé à l'Institut Cervantes de Paris à l'occasion de l'édition espagnole du 13e SoBD. Organisation Félix Lopès. Interprétation David Rousseau.
+ Lire la suite
Les romans servent à apporter à la vie ce dont elle manque cruellement.
Déplacer des tonnes de terre n’est jamais un problème. Il suffit de se servir de pioches et de pelles. Mais pour celui qui a eu une vision du sublime, du gigantesque, de l’impossible… la vraie difficulté, c’est de convaincre les autres qu’il peut la réaliser. Comment persuader d’autres hommes que l’impossible est possible ?
(page 9)
Moi, un bohème ? Mon père n’a aucun souci à se faire. Rien ne me répugne plus que les chiens, ces animaux misérables et sales. Même si, réflexion faite, il y a pire que les chiens : les peintres bohèmes. Monet, Pissaro, Renoir. Des artistes fainéants, fantasques, modernes… Bref, de faux artistes. Ils prétendent rénover l’art, trouver la véritable nature, peindre avec sincérité. Quelle bande d’idiots ! en réalité, il y a pire que les chiens et les peintres bohèmes… Les peintres académiques. Cabanek, Barrias, Couture, Gérôme, Delaroche… Les sbires du Salon. Des esclaves du système. Des lèche-bottes, dont le seul et infâme objectif est de décrocher la Légion d’honneur. La bouse de l’art ! Aucun d’entre eux n’a compris ce que l’on entend par Grand Artiste. La voie n’est pas à trouver dans la rénovation de l’art, comme le prétendent les bohèmes. Ni dans la soumission à la tradition, comme le veulent les académiques. À chaque époque, son art. Son esthétique, ses thèmes, son style. Aucun artiste n’a encore trouvé l’art de notre époque, le XIXe siècle. Et c’est moi, Edgar Degas, qui le trouverai. Cependant, il me faut encore perfectionner ma technique. Le véritable artiste a été défini comme illustre mais inconnu. C’est le genre d’artiste que je veux être. Et si je veux trouver mon art, je dois étudier les grands maîtres. Comprendre que Raphaël était un dieu, un être inimitable, absolu, incorruptible. Et Poussin le plus parfait des hommes. Qu’en passant devant un Rubens, il faut porter des œillères. Je dois toutefois reconnaitre une chose. Parfois une distraction un rêve, une illusion me détourne de mon objectif. C’est peut-être la jeunesse ou la simple curiosité. Mais quelquefois, une sensation m’écarte du droit chemin. Et il arrive que je cède à la tentation. Mais Courbet disait : un homme marié est un réactionnaire en art. et Delacroix disait : Si vous l’aimez et qu’elle est belle, c’est encore pire, votre art est mort. Un peintre ne doit connaître d’autre passion que son travail et y sacrifier tout. Et les Goncourt disaient : Le célibat est le seul état qui laisse à l’artiste sa liberté, ses forces, son cerveau, sa conscience, c’est par la femme que se glissent, chez tant d’artistes, les faiblesses, et au bout du mariage il y a encore la paternité qui nuit à l’artiste. Je crois que le cœur est un instrument qui se rouille s’il ne travaille pas. Peut-on être un artiste sans cœur ? u milieu du désordre affreux cette rose me frappe les yeux. Je crois vous reconnaître. Je veux vous sauver pour vous préserver de ce péril extrême. Je vais vous saisir. Et j’ai le plaisir de vous rendre à vous-mêmes. Cependant, je dois essayer, calmement, de saisir le véritable artiste. Mais le véritable artiste ignore toujours quelle voie emprunter. J’ai beau copier, m’exercer, développer ma technique, je ne termine qu’une poignée de portraits. Où trouver cet art ? L’Art de notre temps ?
À l'époque, elle n'était qu'une enfant mais déjà, les livres étaient pour elle autant de miroirs. Reflets du monde, reflets d'elle-même. À Prague, dans les années 30, la seule peur qui la taraudait, c'était de manquer de temps pour lire tout ce qui lui plaisait. Son nom ? Edita Adlerova. Mais tout le monde l'appelait Dita. Les livres, c'était sa vie.
- Notre-Dame… combien d’heures y avons-nous passées ? (Lassus)
- Au moins… tu peux t’en aller en sachant que tu seras immortel. (Viollet-Le-Duc)
- Immortel ?
- Ton nom sera toujours lié à celui de Notre-Dame.
- C’est absurde, Eugène… Qu’est-ce que la vie d’un homme à côté d’une cathédrale. Toi et moi ne sommes… qu’une pierre parmi toutes les autres de cet édifice. Des pierres qui mourront un jour, elles aussi.
(page 49)
Le tout Paris l’acclame. L’une des plus violentes impressions artistiques de ma vie. Ses adeptes nihilistes la contemplent avec extase. Le museau vicieux de cette petite fille à peine pubère est inoubliable. Raffinée et barbare, cette petite danseuse est la seule tentative vraiment moderne que je connaisse dans la sculpture. Toutes ses idées sur la sculpture, sur ces froides blancheurs inanimées, sur ces mémorables poncifs recopiés depuis des siècles, se bouleversent. Le fait est que du premier coup, Degas a culbuté les traditions de la sculpture. Qui donc vous parle de Rodin ? Le premier sculpteur, c’est Degas. – La petite danseuse de quatorze ans. Une figure de cire partiellement peinte, portant des chaussons et des bas, vêtue d’un vrai tutu et d’un corsage en lin, les cheveux noués avec un ruban de soie. La position des bras, la tension des jambes, l’émotion contenue du visage, la chaleur de al cire donnaient une impression inédite de vivacité et de modernité. Avec cette première statue, Degas bouleversait la tradition de la sculpture.
Je suis comme le roi d’un pays lointain. Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux (…) Et les dames d’atour, pour qui tout prince est beau, ne savent plus trouver d’impudique toilette pour tirer un souris de ce jeune squelette. – Charles Baudelaire, Spleen, Les fleurs du mal, 1857
- Je suis navré que nous n’ayons pas assez d’argent pour les trois flèches. Même si pour être honnête je n’ai jamais été convaincu de… (Lassus)
- Tu croyais vraiment que je voulais trois flèches ? (Viollet-Le-Duc)
- Mais alors, pourquoi ?
- Si j’en avais demandé une seule, ils ne me l’auraient pas accordée… J’ai pensé qu’en en demandant trois…
- Ah ! Ah ! Ah ! Il semblerait qu’en effet tu aies appris les rudiments de la politique !
(page 41)
J’aime ces vieilles églises gothiques. Il y a quelque chose dans ces vieilles pierres qui s’adresse directement à mon âme. Les dessiner dans les moindres détails… apprendre à vraiment les connaître… c’est le métier de mes rêves, ma passion.
(page 9)
En ma qualité de scénariste, je dois sans cesse résister à la tentation d’accompagner les planches d’explication. Fort heureusement, en tant qu’historien et grâce à la complicité de mon éditeur, je peux inclure dans ce cahier final toute une série d’informations complémentaires, de détails savoureux, de curiosités et d’anecdotes qui, selon moi, rendront plus agréable la lecture ou la relecture de cet album. Ou, si vous me permettez une liberté classiciste, quelque peu pédante, mais si appropriée au XIXe siècle, engager un dialogue entre la Muse de la poésie, Calliope, et la Muse de l’histoire, Clio. Avant d’entamer cette description planche par planche, je tiens à apporter une précision sur la voix de monsieur Degas ou, à tout le moins, sur nombre de ses propos, pensées et écrits, qui pourraient sembler choquants, voire osés, au lecteur. Ses carnets ainsi que plusieurs de ses lettres ont été conservés, tout comme une série d’anecdotes, de critiques et d’information sur sa manière de parler, de se comporter et de s’adresser à son entourage. En façonnant le personnage de Degas, j’ai veillé à reproduire fidèlement son caractère, sa personnalité et son langage. Aussi ai-je repris, mot pour mot ou en les adaptant, un grand nombre de ses répliques, affirmations, notes et réflexions. Le lecteur peut donc être rassuré : la plupart des propos attribué dans cet album à Degas sont avérés et tirés de sources originales. D’autre part, de nombreux propos, phrases, annotations et déclarations d’autres personnages tels que Cassatt, Manet ou Morisot émanent, eux aussi, de sources historiques. En toute honnêteté, je dois admettre que j’aurais été bien incapable d’inventer les mots prononcés par Degas : son talent oratoire légendaire rend l’original toujours plus surprenant et insolite que n’importe quelle invention.