Rencontre avec Lydie Salvayre à l'occasion de la parution de Depuis toujours nous aimons les dimanches aux éditions du Seuil.
Lydie Salvayre, née en 1946 d'un père Andalou et d'une mère catalane, réfugiés en France en février1939, passe son enfance à Auterive, près de Toulouse. Elle devient pédopsychiatre, et est Médecin Directeur du CMPP de Bagnolet pendant 15 ans. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014).
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09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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On peut donc tuer des hommes comme on le fait des rats ? Sans en éprouver le moindre remords ? Et s'en flatter ?
Mais dans quel égarement, dans quel délire faut-il avoir sombré pour qu'une "juste cause" autorise de telles horreurs ?
Rien de plus têtu, rien de plus tenace que l'espoir, surtout s'il est infondé. L'espoir est un chiendent.
le silence est l'âme d'une conversation, sa sœur, son ciel, son au-delà, sa promenade, son souffle, son mystère, l'enthousiasme me rend élégiaque, son soupir, sa défaite autant que sa victoire.
Je dis, Monsieur, que le Quichotte perçoit parfaitement la réalité, mais qu'il la perçoit depuis ce que victor Hugo appelle le promontoire du songe. Et depuis ce promontoire qui le porte aux confins du visible, la réalité qu'il découvre acquiert soudain une autre dimension. Elle se transme, s'élargit, se déploie, s'exorbite et prend parfois des aspects fantastiques.
(pages 11-12)
... Shopenhauer déclara en son temps que la vérole et le nationalisme étaient les deux maux de son siècle, et que si l'on avait depuis longtemps guéri du premier, le deuxième restait incurable.
Travailler moins pour lire plus, puisque la lecture s'acoquine merveilleusement à la paresse, puisque les bons et vrais lecteurs sont très souvent, sinon toujours, de fieffés paresseux.
Travailler moins pour lire immodérément, insatiablement, jouissivement, certains diraient dangereusement, voir la pauvre Bovary citée par Salvayre pour faire genre.
(page 66)
Rien de plus têtu, rien de plus tenace que l'espoir, surtout s'il est infondé. L'espoir est un chiendent.
"Pas pleurer "
La pensée lui vint qu'elle aurait beau, à l'avenir, se maquiller, se vêtir de robes coûteuses, se parer de bijoux précieux, apprendre les gestes de l'autorité en renvoyant les bonnes d'un revers de la main comme on chasse les mouches, elle garderait toute sa vie cet air modeste qui était un air intérieur, un air immaîtrisable, un air indélébile, un air qui autorisait tous les abus et toutes les humiliations, un air hérité d'une longue lignée de paysans pauvres, et son empreinte inscrite sur sa gueule et dans sa chair, une empreinte laissée par les acceptations sans gloire, les renoncements sans prestige, les révoltes sans cris, et cette conviction qu'on n'est sur terre que très peu de chose.
Josep et Joan
Ils ont tous deux dix-huit ans.
(...) Tous deux ont travaillé dans un monde lent, lent, lent comme la pas des mules, un monde où l'on cueille les olives à la main, où l'on pousse l'araire à la force des bras, et où l'on va remplir la cruche à la fontaine.
(...) Et brusquement, à Lerima, tous deux découvrent des thèses qui s'opposent furieusement à cette vision immuable qu'ils pensaient être la seule concevable. Ils apprennent que les choses peuvent se chambouler, se défaire, se foutre en l'air. Que l'on peut refuser, sans que le monde croule, les discours coutumiers. Que l'on peut dire non aux cuistres, aux arrogants, aux tyranniques, aux serviles, aux pleutres. Et tout balayer, putain, tout balayer, balayer toute cette misère qu'ils exècrent.
Et leur vitalité naturelle est attirée par cette vague houleuse qui fiche tout par terre et fait reverdir leurs désirs
Ils se laissent emporter par la crue. p 53-54
L'épiscopat espagnol n'a cessé au long des siècles de trahir, de dévoyer et de défigurer le message christique en se détournant des pauvres au profit d'une poignée de "canailles dorées". L'Eglise espagnole est devenue l'Eglise des nantis, l'Eglise des puissants, l'Eglise des titrés. Et ce dévoiement et cette trahison ont atteint un sommet en 1936 lorsque les prêtres espagnols, de mèches avec les meurtriers franquistes, ont tendu leur crucifix aux pauvres mal-pensants pour qu'ils le baisent une dernière fois avant d'être expédiés ad patres. Pour l'exemple.