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3.63/5 (sur 60 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , 1988
Biographie :

Née en 1988, Sara Bourre a étudié la philosophie et les lettres modernes, tout en se formant à la danse-théâtre. Elle participe régulièrement à des performances scéniques croisant texte, sons et musique. "Maman, la nuit" est son premier roman.

Source : Editions Noir sur Blanc
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VLEEL 241 Rencontre littéraire avec Sara Bourre, Maman, la nuit, Éditions Noir sur blanc Notabilia


Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
Souvent je parle seule. Je parle mal. Je laisse les mots couler de ma bouche, un à un, se perdre dans l’espace trouble de ma solitude. Ma séparation. Il faut bien veiller à être séparé, toujours. Séparé de soi-même avant tout. Pas coupé n’importe comment, non, mais séparé en beauté si j’ose dire, proprement, à l’endroit où toute confusion de soi avec soi deviendrait dangereuse. Séparé, et ainsi surveiller les lacs noirs qui parfois se mettent à gronder en silence.
Il faut maintenir l’ordre à l’intérieur de soi. Il faut se maintenir en vie aussi loin que possible. Et peu importe si pour cela on parle seul, on parle mal, on parle sans arrêt, sans réponse, sans écho. Ne pas avoir peur. Jamais. La peur, je la tiens dans mon poing s’il le faut, je la serre de toutes mes forces, je la broie s’il le faut. Je la hais. Je lui flanque une raclée, et une autre encore, je lui crève les yeux, je lui casse le crâne, je lui flanque la mort, je lui brouille les pistes, je la traque, je la crève, je l’oublie. La peur n’a jamais existé.
Je continue ma route. Tranquille.
Il faut rire beaucoup, très fort et très longtemps, pour venir à bout d’un tel adversaire. Il faut rire et décupler de rage et d’énergie, surtout ne pas prêter attention aux petits cris stupides de Maman. Continuer, encore et encore, frapper en plein cœur. Tenir la joie, la distance. Puis s’en aller. Ne pas se retourner.
Crier victoire.
Alors je peux continuer, tranquillement, à parler seule, à parler mal, à jouir sans limite de mon éloignement, je pourrais même dire de ma disparition. Mais ce mot-là fout la trouille. Un peu trop. Je me contenterai pour le moment d’un éloignement. D’une séparation.
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(...) dans ses yeux virevolte la fougue de ces étés que l'on croirait là pour toujours. Son coeur bat la chamade pour le regard fauve d'un clown aux idées noires. (...) Et maman a bien trop de joie dans les yeux pour voir les blocs de glace amassés à l'endroit du coeur.

(p.29)

Aujourd'hui c'est mon anniversaire et le ciel est aussi pâle que le visage de Maman. Nous sommes seules, flottantes, deux petits fantômes dans la salle à manger trop grande.

(p.21)


Presque chaque jour Maman vient me chercher à l'école en voiture. Et presque chaque jour dans des tenues toujours plus extravagantes que la veille. Maman clignote, multicolore, dans le paysage, comme effrayée de disparaitre, de devenir invisible soudain - si transparante qu'on pourrait passer au travers.
Ses bagues et ses colliers capturent la lumière du soleil. Maman plonge le monde autour d'elle dans l'obscurité.
Je ne vois rien. Je ne vois qu'elle.

(p.83)

Puis des rires. Mon coeur a cessé de battre pour se serrer - douloureux encore. Je sais . J'entends. Des rires et des mots que les autres parents s'échangent en douce. Tantôt amusés, tantôt offusqués par l'allure de Maman. De plus en plus encombrante, Maman. De plus en plus aveuglante, et bruyante même les lèvres closes, si bruyante que je finirai par n'entendre qu'elle, son souffle grave, son désir niché dans l'attente, son indifférence.

(p.84)


Quelle honte
le professeur maintenant il paraît
plusieures fois même c'est ce qu'on dit
vous vous rendez compte
c'est abominable
on ne peut pas le dire autrement
putain - déjà c'était une chose
mais avec le professeur alors là
on n'a jamais vu ca
pauvre petite pauvre petite

(p.89)

C'est un jour comme ca. Un jour qu'on prendrait pour un autre.
Maman est là, puis n'est plus là.

(p.140)

Ainsi j'ai grandi, très vite, comme par inadvertance.
Et à force, un beau jour, les robes de Maman me sont allées comme un gant.
(p.165)
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Je suis ouverte en grand. Et tout me rentre à l'intérieur, me passe à travers, me colle au coeur et aux poumons. Tout passe sans cesse du dehors au dedans. C'est écoeurant. Écoeurant. Je peux le redire encore. C'est écoerant.

(p.16)
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Les phrases se jettent au hasard des rues, se faufilent sous les portes comme des courants d’air, entrent dans les oreilles et dans les yeux, crispent les traits du visage dans des attitudes de raillerie et de dégoût. Je ne peux pas éviter les mots qui fusent en tous sens autour de moi, où que j’aille.
Des femmes parlent. Comme on abat un arbre, elles parlent. (…)
J’ai le visage en feu. De l’eau me dégouline des yeux. Un instant je voudrais hurler – j’ai cru à de l’acide le long de mes joues et déjà je me voyais les os dessous. Déjà je me voyais la mort en dedans. Ça brûle, puis la douleur s’étire avant de lentement s’estomper. Ce sont les phrases qui me coulent dessus, liquides et épaisses, poisseuses. Et souvent je brûle, quand elles me rentrent dedans, les phrases, je brûle, le temps que mes yeux les recrachent une à une sur le sol.
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Maman est fatiguée. C’est comme ca. Elle dit je suis fatiguée, ou il faut que je dorme un peu, ou encore, si je m’allonge, c’est fini, je m’endors. Alors elle va. Elle éteint sa cigarette et monte dans sa chambre. Est ce possible de dormir autant? Non. Elle se cache. Elle en profite pour se taire sans avoir à s’excuser, ni à se mordiller les lèvres, ni à se gratter l’arête du nez. Elle se repose du monde
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Presque chaque jour Maman vient me chercher à l’école en voiture. Et presque chaque jour, dans des tenues toujours plus extravagantes que la veille. Maman clignote, multicolore, dans le paysage, comme effrayée à l’idée de disparaître, de devenir invisible soudain – si transparente qu’on pourrait passer au travers. Ses bagues et ses colliers capturent la lumière du soleil. Maman plonge le monde autour d’elle dans l’obscurité. Je ne vois rien. Je ne vois qu’elle. (…)
Puis des rires. Mon cœur a cessé de battre pour se serrer – douloureux encore. Je sais. J’entends. Des rires et des mots que les autres parents s’échangent en douce, tantôt amusés, tantôt offusqués par l’allure de Maman. De plus en plus encombrante, Maman. De plus en plus aveuglante, et bruyante même les lèvres closes, si bruyante que je finirai par n’entendre qu’elle, son souffle grave, son désir niché dans l’attente, son indifférence. Je plisse les yeux et je serre les poings, les ongles plantés très fort dans mes paumes. Je voudrais faire venir le sang dans mes mains, éclabousser les pierres du parvis, recouvrir les rires et les mots, jeter un voile redoutable sur Maman qui s’étale, enfle, s’affiche, indécente comme une lune en plein jour. J’enfonce mes ongles plus fort encore jusqu’à me faire couler les larmes au lieu du sang. Je voudrais courir, vite et loin. Je ne bouge pas. C’est comme si les contours du corps de Maman s’élargissaient à mesure que les miens se dissipent dans une brume légère et inconsistante. Bientôt ce serait le monde entier qu’elle avalerait. (…)
Je voudrais lui dire de ne plus venir me chercher à l’école. Si elle veut, elle pourrait m’attendre un peu plus loin. Ou s’habiller autrement, arrêter de venir déguisée, c’est insupportable. Ça me brûle les joues, me monte des pieds jusqu’à la tête : l’envie brutale de disparaître – s’en rendrait-elle compte au moins ? –, ne plus entendre les rires et les mots balancés comme des pierres sur le corps muet de Maman, ne plus voir ce qui chaque jour se casse en elle, l’ignorance qu’elle a de ses propres décombres. Je voudrais lui demander pourquoi cette façon de se tenir debout, immobile, et d’attendre. Je voudrais lui arracher les yeux quand monsieur le professeur foule le sol du parvis et qu’alors ses pupilles tremblent sous ses paupières charbonnées. Je voudrais lui demander pourquoi ça tremble autant, est-ce de joie ou de peur, d’amour ou de rage, ou autre chose encore que j’ignore ?
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Maman et moi avons sur l’épaule gauche la même marque brune. Nous sommes faites d’os en vrac et de morceaux de soleil volés. Nous partageons les ombres et les rais de lumière dans les plaines au matin.
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Maman a rendez-vous.
Elle traverse la Seine, son regard glisse sur les flaques de lumière que dessine le soleil à la surface de l'eau. Sa main droite posée délicatement sur son ventre arrondi. Parfois une infime grimace joue à tordre légèrement les lignes de son visage, c'est imperceptible. Maman s'engouffre d'un pas décidé dans une rouelle étroite gorgée d'ombres et de poussières. Ventre humide de la ville.
Premier matin du monde.

Page 41
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Maman marche dans les herbes hautes, avant la forêt qui bientôt ne sera plus qu’un grand gouffre noir au milieu du paysage. À mesure que Maman avance, le soleil tombe et s’étale sur la cime des arbres. Transpercé par une foule de branches dressées vers le ciel comme des cornes de taureau, le soleil éclate en une large flaque orange avant de fondre vers la terre et de disparaître tout à fait. (…)
Dans mon dos, la maison est noire et calme. Tout entière prête au sommeil. Les volets sont clos, aucune lumière ne passe. Seule la lune éclaire faiblement les alentours. Seule la lune fait danser les ombres et gémir les pierres sous la neige.
Loin derrière les grands arbres noirs, j’aperçois des lueurs roses, timidement dressées vers le ciel. Des morceaux d’aurore, déposés là au hasard de la nuit, et qui lentement grimpent dans l’hiver noir et blanc.
Je regarde.
Soudain, les étoiles dégringolent une à une, tombent dans la neige, mortes d’épuisement.
L’obscurité peu à peu s’intensifie autour. Le monde est noir et rose. Rien d’autre.
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J’occupe le temps. Il faut bouger son corps dans le temps pour qu’il passe, pour qu’il file plus vite, qu’il aille voir plus loin si nous y sommes encore.
Est-ce que nous y sommes encore ?
Voilà une question pleine d’épices et de ronces qu’il faut mastiquer longtemps, très longtemps, avant de pouvoir sentir son véritable goût de sang. Moi j’occupe le temps, depuis toujours je le pousse en avant, le temps gras de l’ennui, le temps sec du désir, le temps des eaux stagnantes et des feux de cheminée. Ce temps dans lequel rien n’a lieu, je le pousse loin là-bas, je le regarde se déployer, hors de moi. Parfois, il prend possession du corps de Maman, il grignote la peau, creuse des cernes et des sillons sur le visage, fait trembler discrètement les mains et le regard.
Je le pousse encore, plus fort et plus loin, et voilà qu’il s’attaque à l’intérieur, prend possession du cœur et des poumons, rampe entre les os. Je le pousse encore un peu plus loin, pour voir. Juste pour voir ce qui casse et ce qui résiste.
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