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Citations de Savinien de Cyrano de Bergerac (92)


Mais, environ ce temps-là, comme déjà la douleur d'une amère tristesse commençait à me serrer le cœur, et désordonner ce juste accord qui fait la vie, j'entendis une voix laquelle m'avertissait de saisir la perche qu'on me présentait.
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Une belle découverte. Je n'attendais rien de cette lecture dont je ne connaissais aucun élément. C'est donc avec plaisir que j'ai découvert ce qui semble être un des premiers ouvrages de sciences fictions. Il y a effectivement certaines longueurs sur les considérations scientifiques, philosophiques ou morales, le renversement des perspectives est néanmoins jouissif pour une oeuvre du 17ème siècle. Personnellement, j'y ai trouvé du Swift, du Voltaire ou du Cervantès. Pour le coup, on a vraiment marché sur la lune ou bien on y marche déjà.
C'est une pique, une claque que dis-je une oeuvre majuscule (j'exagère un peu mais ça va bien avec la référence à la pièce de théâtre)
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Là de tous côtés les fleurs sans avoir eu d’autre Jardinier que la Nature respirent une haleine si douce, quoique sauvage, qu’elle réveille et satisfait l’odorat ; là l’incarnat d’une rose sur l’églantier, et l’azur éclatant d’une violette sous des ronces, ne laissant point de liberté pour le choix, font juger qu’elles sont toutes deux plus belles l’une que l’autre ; là le Printemps compose toutes les Saisons ; là ne germe point de plante vénéneuse que sa naissance ne trahisse sa conservation, là les ruisseaux par un agréable murmure racontent leurs voyages aux cailloux ; là mille petits gosiers emplumés font retentir la forêt au bruit de leurs mélodieuses chansons ; et la trémoussante assemblée de ces divins musiciens est si générale, qu’il semble que chaque feuille dans le bois ait pris la langue et la figure d’un rossignol ; et même l’Écho prend tant de plaisir à leurs airs, qu’on diroit à les lui entendre répéter, qu’elle ait envie de les apprendre. A côté de ce bois se voient deux prairies, dont le vert-gai continu fait une émeraude à perte de vue. Le mélange confus des peintures que le Printemps attache à cent petites fleurs en égare les nuances l’une dans l’autre avec une si agréable confusion, qu’on ne sait si ces fleurs agitées par un doux, zéphyr courent plutôt après elles-mêmes, qu’elles ne fuient pour échapper aux caresses de ce vent folâtre. On prendroit même cette prairie pour un Océan, à cause qu’elle est comme une mer qui n’offre point de rivage, en sorte que mon œil épouvanté d’avoir couru si loin sans découvrir le bord y envoyait vitement ma pensée ; et ma pensée doutant que ce fût l’extrémité du monde, se vouloit persuader que des lieux si charmans avoient peut-être forcé le Ciel de se joindre à la Terre. Au milieu d’un tapis si vaste et si plaisant, court à bouillons d’argent une fontaine rustique qui couronne ses bords d’un gazon émaillé de bassinets (40), de violettes, et de cent autres petites fleurs, qui semblent se presser à qui s’y mirera la première : elle est encore au berceau, car elle ne vient que de naître, et sa face jeune et polie ne montre pas seulement une ride. Les grands cercles qu’elle promène en revenant mille fois sur soi-même, montrent que c’est bien à regret qu’elle sort de son pays natal ; et comme si elle eût été honteuse de se voir caressée auprès de sa mère, elle repoussa en murmurant ma main qui la vouloit toucher. Les animaux qui s’y venoient désaltérer, plus raisonnables que ceux de notre monde, témoignoient être surpris de voir qu’il faisoit grand jour vers l’horizon, pendant qu’ils regardoient le Soleil aux Antipodes, et n’osoient se pencher sur le bord, de crainte qu’ils avoient de tomber au Firmament[8].
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J’avois attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, sur lesquelles le Soleil dardoit ses rayons si violemment, que la chaleur qui les attiroit, comme elle fait les plus grosses nuées, m’éleva si haut, qu’enfin je me trouvai au-dessus de la moyenne région. Mais comme cette attraction me faisoit monter avec trop de rapidité, et qu’au lieu de m’approcher de la Lune, comme je prétendois, elle me paroissoit plus éloignée qu’à mon partement, je cassai plusieurs de mes fioles, jusques à ce que je sentis que ma pesanteur surmontoit l’attraction, et que je redescendois vers la terre. Mon opinion ne fut point fausse, car j’y retombai quelque temps après, et à compter de l’heure que j’en étois parti, il devoit être minuit. Cependant je reconnus que le Soleil étoit alors au plus haut de l’horizon, et qu’il étoit là midi. Je vous laisse à penser combien je fus étonné : certes je le fus de si bonne sorte, que ne sachant à quoi attribuer ce miracle, j’eus l’insolence de m’imaginer qu’en faveur de ma hardiesse, Dieu avoit encore une fois recloué le Soleil aux cieux (26), afin d’éclairer une si généreuse entreprise. Ce qui accrut mon étonnement, ce fut de ne point connoître le pays où j’étois, vu qu’il me sembloit qu’étant monté droit, je devois être descendu au même lieu d’où j’étois parti. Équipé pourtant comme j’étois, je m’acheminai vers une espèce de chaumière, où j’aperçus de la fumée ; et j’en étois à peine à une portée de pistolet, que je me vis entouré d’un grand nombre d’hommes tout nus. Ils parurent fort surpris de ma rencontre ; car j’étois le premier, à ce que je pense, qu’ils eussent jamais vu habillé de bouteilles. Et pour renverser encore toutes les interprétations qu’ils auroient pu donner à cet équipage, ils voyoient qu’en marchant je ne touchois presque point à la terre : aussi ne savoient-ils pas qu’au moindre branle que je donnois à mon corps, l’ardeur des rayons de midi me soulevoit avec ma rosée, et que sans que mes fioles n’étoient plus en assez grand nombre, j’eusse été possible à leur vue enlevé dans les airs. Je les voulus aborder ; mais comme si la frayeur les eût changés en oiseaux, un moment les vit perdre dans la forêt prochaine. J’en attrapai un toutefois, dont les jambes sans doute avoient trahi le cœur. Je lui demandai avec bien de la peine (car j’étois tout essoufflé), combien l’on comptoit de là à Paris, et depuis quand en France le monde alloit tout nu, et pourquoi ils me fuyoient avec tant d’épouvante. Cet homme à qui je parlois étoit un vieillard olivâtre, qui d’abord se jeta à mes genoux ; et joignant les mains en haut derrière la tête, ouvrit la bouche et ferma les yeux. Il marmotta longtemps entre ses dents, mais je ne discernai point qu’il articulât rien : de façon que je pris son langage pour le gazouillement enroué d’un muet.
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Savinien de Cyrano de Bergerac
Peut-on être innocent, lorsqu'on aime un coupable?
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Ces dieux que l'homme a faits et qui n'ont point fait l'homme.
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Je demeurai si surpris, tant de voir un livre qui s’était apporté là tout seul, que du temps et de la feuille où il s’était rencontré ouvert, que je pris toute cette enchaînure d’incidents pour une inspiration de faire connaître aux hommes que la lune est un monde.
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Mais direz vous, toutes les lois de notre monde font retentir avec soin ce respect qu'on doit aux vieillards? Il est vrai; mais aussi tous ceux qui ont introduit des lois ont été des vieillards qui craignaient que les jeunes ne les dépossédassent justement de l'autorité qu'ils avaient extorquée et ont fait comme les législateurs aux fausses religions un mystère de ce qu'ils n'ont pu prouver.
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Châteaufort
Il est vrai ; et dès lors ma complexion prenant part à ce salmigondis de Rois et de Dieux, mes actions ont été toutes héroïques ou divines, car si je regarde, c'est en Basilic ; si j'engendre, c'est en Deucalion ; si je pleure, c'est en Héraclite ; si je ris, c'est en Démocrite ; si je vomis, c'est en Mont-Etna ; si j'écume, c'est en Cerbère ; si je dors, c'est en Morphée ; si je veille, c'est en Argus ; si je marche, c'est en Juif-Errant ; si je cours, c'est en Pacolet ; si je vole, c'est en financier ; si je m'arrête, c'est en Dieu Terme ; si je mange, c est en gangrène ; si je bois, c'est en éponge ; si j'ordonne, c'est en Destin ; si je baise, c'est en Judas. Enfin vous voyez celui qui fait que l'Histoire du Phoenix n'est pas un conte.
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[...] le merveilleux, c'est lorsque, par son ministère, nous sommes émus tantôt à la joie, tantôt à la rage, tantôt à la pitié, tantôt à la rêverie, tantôt à la douleur.
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Que peut donc estre devenue cette union, ou plutôt cette unité de la clémence des souverains et de l’amour des sujets ?
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« Joignant la plume à l’épée », en faveur de la Fronde, Cyrano se fait porte-parole d’un discours politiquement issu de la noblesse, centré sur quelques-uns des lieux communs de la propagande.
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Savinien de Cyrano de Bergerac
À révéler mon nom, mon nom relèvera.
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Ils conclurent tous d’une commune voix, que je n’étois pas un homme, mais possible quelque espèce d’autruche, vu que je portois comme elle la tête droite, que je marchois sur deux pieds, et qu’enfin, hormis un peu de duvet, je lui étois tout semblable ; si bien qu’on ordonna à l’Oiseleur de me reporter en cage. J’y passois mon temps avec assez de plaisir, car, à cause de leur langue que je possédois correctetement, toute la Cour se divertissoit à me faire jaser.
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On nous servoit tous les jours à manger à nos heures, et le Roi et la Reine prenoient eux-mêmes assez souvent la peine de me tâter le ventre, pour connoître si je n’emplissois point, car ils brûloient d’une envie extraordinaire d’avoir de la race de ces petits animaux.
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Il sourit de cette raillerie, et, environ un quart d’heure après, le Roi commanda aux gardeurs de singes de nous ramener, avec ordre exprès de nous faire coucher ensemble, l’Espagnol et moi, pour faire en son Royaume multiplier notre espèce.
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Ethnocentrisme, p. 240 :
C’est une imagination de vous autres hommes qui, à cause que vous laissez commander aux plus grands, aux plus forts et aux plus cruels de vos compagnons, avez sottement cru, jugeant de toutes choses par vous, que l’aigle nous devait commander. Mais notre politique est bien autre ; car nous ne choisissons pour nos rois que les plus faibles, les plus doux, et les plus pacifiques ; encore les changeons-nous tous les six mois, et nous les prenons faibles, afin que le moindre à qui ils auraient fait quelque tort, se pût venger de lui.
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Que les grands de votre monde sont enragés de faire parade d’un instrument qui désigne un bourreau, qui n’est forgé que pour nous détruire, enfin l’ennemi juré de tout ce qui vit ; et de cacher, au contraire, un membre sans qui nous serions au rang de ce qui n’est pas, le Prométhée de chaque animal, et le réparateur infatigable des faiblesses de la nature ! Malheureuse contrée, où les marques de génération sont ignominieuses, et où celles d’anéantissement sont honorables. Cependant vous appelez ce membre-là les parties honteuses, comme s’il y avait quelque chose de plus glorieux que de donner la vie, et rien de plus infâme que de l’ôter ! (148)
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Comment ! parce que votre père fut si paillard qu’il ne put résister aux beaux yeux de je ne sais quelle créature, qu’il en fit le marché pour assouvir sa passion et que de leur patrouillis vous fûtes le maçonnage, vous révérez ce voluptueux comme un des sept sages de Grèce !
[...]
Votre père consulta-t-il votre volonté lorsqu’il embrassa votre mère ? vous demanda-t-il si vous trouveriez bon de voir ce siècle-là, ou d’en attendre un autre ? si vous vous contenteriez d’être le fils d’un sot, ou si vous auriez l’ambition de sortir d’un brave homme ? Hélas ! vous que l’affaire concernait tout seul, vous étiez le seul dont on ne prenait point l’avis !
[...]
Je sais bien que j’ai penché du côté des enfants plus que la justice ne demande, et que j’ai parlé en leur faveur un peu contre ma conscience ; mais, voulant corriger cet insolent orgueil dont les pères bravent la faiblesse de leurs petits, j’ai été obligé de faire comme ceux qui veulent redresser un arbre tortu, ils le retortuent de l’autre côté, afin qu’il revienne également droit entre les deux contorsions.
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Envol à Colignac

Une nuit des plus fâcheuses qui fut jamais, ayant succédé à un des jours les plus agréables que nous eussions eus à Colignac, je me levay aussi-tost que l’aurore : et pour dissiper les inquiétudes et les nuages dont mon esprit estoit encor offusqué, j’entrai dans le jardin où la verdure, les fleurs et les fruits, l’artifice et la nature, enchantoient l’âme par les yeux; lors qu’en mesme instant j’apperceus le marquis qui s’y promenoit seul dans une grande allée, laquelle coupoit le parterre en deux; il avoit le marcher lent et le visage pensif. Je restay fort surpris de le voir contre sa coutume si matineux : cela me fit haster mon abord pour luy en demander la cause. Il me répondit que quelques fâcheux songes dont il avoit esté travaillé, l’avoient contraint de venir plus matin qu’à son ordinaire guérir un mal au jour que luy avoit causé l’ombre. Je luy confessay qu’une semblable peine m’avoit empesché de dormir, et je luy en allois conter le détail; mais comme j’ouvrois la bouche, nous apperceûmes, au coin d’une palissade qui croisoit dans la nostre, Colignac qui marchoit à grands pas. De loin qu’il nous apperceut : «Vous voyez, s’écria-t-il, un homme qui vient d’échaper aux plus affreuses visions dont le spectacle soit capable de faire tourner le cerveau. À peine ay-je eu le loisir de mettre mon pourpoint que je suis descendu pour vous le conter; mais vous n’estiez plus ny l’un, ny l’autre, dans vos chambres; c’est pourquoy je suis acouru au jardin, me doutant que vous y seriez.» En effet, le pauvre gentilhomme estoit presque hors d’haleine. Si-tost qu’il l’eut reprise, nous l’exhortâmes de se décharger d’une chose qui, pour estre souvent fort légère, ne laisse pas de peser beaucoup. «C’est mon dessein, nous répliqua-t-il, mais auparavant assoiyons-nous.» Un cabinet de jasmins nous présenta tout à propos de la fraischeur et des siéges; nous nous y retirâmes, et chacun s’estant mis à son aise, Colignac poursuivit ainsi : «Vous sçaurez qu’après deux ou trois sommes durant lesquels je me suis trouvé parmy beaucoup d’embarras, dans celuy que j’ay fait environ le crépuscule de l’aurore, il m’a semblé que mon cher hoste que voilà estoit entre le marquis et moy, et que nous le tenions étroitement embrassé, quand un grand monstre noir qui n’estoit que de testes nous l’est venu tout d’un coup arracher. Je pense mesme qu’il l’alloit précipiter dans un bûcher allumé proche de là, car il le balançoit déjà sur les flammes : mais une fille semblable à celle des muses qu’on nomme Euterpe, s’est jettée aux genoux d’une dame, qu’elle a conjuré de le sauver (cette dame avoit le port et les marques dont se servent nos peintres pour représenter la nature). À peine a-t-elle eu le loisir d’écouter les prières de sa suivante, que toute étonnée : «Hélas! a-t-elle crié, c’est un de mes amis.» Aussi-tost elle a porté à sa bouche une espèce de sarbatane, et a tant soufflé par le canal sous les pieds de mon cher hoste, qu’elle l’a fait monter dans le ciel, et l’a garanty des cruautez du monstre à cent testes. J’ay crié après luy fort longtemps, ce me semble, et l’ay conjuré de ne pas s’en aller sans moy, quand une infinité de petits anges tous ronds qui se disoient enfans de l’aurore m’ont enlevé au mesme païs, vers lequel il paroissoit voler, et m’ont fait voir des choses que je ne vous raconteray point, parce que je les tiens trop ridicules.» Nous le suppliâmes de ne pas laisser de nous les dire. «Je me suis imaginé, continua-t-il, estre dans le soleil, et que le soleil estoit un monde. Je n’en serois pas mesme encore désabusé sans le hanissement de mon barbe (1), qui, me resveillant, m’a fait voir que j’estois dans mon lit.» Quand le marquis connut que Colignac avoit achevé : et vous, dit-il, Monsieur Dyrcona, quel a esté le vostre? – Pour le mien, répondis-je, encor qu’il ne soit pas des vulgaires, je le mets en conte de rien. Je suis bilieux, mélancolique, c’est la cause pourquoy, depuis que suis au monde, mes songes m’ont sans cesse représenté des cavernes et du feu. Dans mon plus bel âge il me sembloit en dormant que, devenu léger, je m’enlevois jusqu’aux nuës pour éviter la rage d’une troupe d’assassins qui me poursuivoient; mais qu’au bout d’un effort fort long et fort vigoureux, il se rencontroit toûjours quelque muraille, après avoir volé par dessus beaucoup d’autres, au pied de laquelle, acablé de travail, je ne manquois point d’estre arresté : ou bien si je m’imaginois prendre ma volée droit en haut, encor que j’eusse avec les bras nagé fort longtemps dans le ciel, je ne laissois pas de me rencontrer toûjours proche de terre; et contre toute raison, sans qu’il me semblast estre devenu ny las, ny lourd, mes ennemis ne faisoient qu’étendre la main pour me saisir par le pied et m’attirer à eux. Je n’ay guère eu que des songes semblables à celuy-là depuis que je me connois; horsmis que cette nuit, après avoir long-temps volé comme de coustume et m’estre plusieurs fois échapé de mes persécuteurs, il m’a semblé qu’à la fin je les ay perdus de veuë, et que dans un ciel libre et fort éclairé, mon corps soulagé de toute pesanteur, j’ay poursuivy mon voyage jusques dans un palais où se composent la chaleur et la lumière. J’y aurois sans doute remarqué bien d’autres choses, mais mon agitation pour voler m’avait tellement aproché du bord du lit que je suis tombé dans la ruelle, le ventre tout nu sur le plastre, et les yeux fort ouverts. Voilà, messieurs, mon songe tout au long, que je n’estime qu’un pur effet de ces deux qualitez qui prédominent à mon tempérament; car encor que celuy-cy difère un peu de ceux qui m’arrivent toûjours, en ce que j’ay volé jusqu’au ciel sans rechoir, j’attribuë ce changement au sang qui s’est répandu par la joye de nos plaisirs d’hyer, plus au large qu’à son ordinaire, a pénétré la mélancolie et luy a osté, en la soulevant, cette pesanteur qui me faisoit retomber; mais après tout, c’est une science où il y a peu à deviner. – Ma foy, continua Cussan, vous avez raison, c’est un pot pourry de toutes les choses à quoy nous avons pensé en veillant, une monstrueuse chimère, un assemblage d’espèces confuses, que la fantaisie qui dans le sommeil n’est plus guidée par la raison nous présente sans ordre, et dont toutefois en les tordant nous croyons épreindre le vray sens, et tirer des songes comme des oracles une science de l’avenir; mais, par ma foy, je n’y trouvois aucune autre conformité, sinon que les songes comme les oracles ne peuvent estre entendus. Toutefois, jugez par le mien, qui n’est point extraordinaire, de la valeur de tous les autres. J’ay songé que j’estois fort triste, je rencontrois partout Dyrcona qui nous réclamoit. Mais sans davantage m’alambiquer le cerveau à l’explication de ces noires énigmes, je vous développeray en deux mots leur sens mystique : c’est par ma foy qu’à Colignac on fait de fort mauvais songes, et que, si j’en suis crû, nous irons essayer d’en faire de meilleurs à Cussan. – Allons-y donc, me dit le comte, puisque ce trouble-feste en a tant d’envie. Nous délibérâmes de partir le jour même.
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