AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Shiki Masaoka (6)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Cent sept haiku

La brise fraiche du printemps me caresse le corps. Les pruniers sont en fleur. Tout est si calme et propice à la contemplation quand dans le lointain résonne les cloches. Le temple solitaire se détache comme une ombre diffuse sur le flan de la montagne, se perd derrière la brume tombante.



Une pivoine blanche au clair de lune perd un pétale.



Dans la quiétude de l'hiver, alors que la neige glisse lentement de l'épaule du grand Bouddha, la glace qui recouvre le ruisseau rompt le silence en craquant doucement.



Ces tableaux se dressent dans une succession de Haiku. En quelques mots les paysages prennent vie, les lumières glissent sur le bruit de l'eau. Il y a le concentré de la contemplation d'un homme dans ces vers et toute la compréhension de la simplicité de la beauté.
Commenter  J’apprécie          563
Cent sept haiku

Masaoka Shiki est l'un des quatre maîtres classiques usuellement reconnus ayant donné ses lettres de noblesse au haiku. A la fin du 19ème siècle, son influence est immense pour moderniser cet art, alors encore sous le souvenir tutélaire des Bashô puis Buson et Issa. Il s'implique dans cette mission non seulement en produisant sans relâche (il en aurait écrit près de 25 000 !), mais aussi en créant une revue spécialisée qui fera autorité. Etant tombé malade très tôt, son combat jusqu'au-boutiste pour poursuivre son travail et réformer d'autres pans de la poésie japonaise comme le waka, en quasi essayiste (voir Un lit de malade de six pieds de long, paru aux Belles Lettres), malgré la souffrance dont il se plaint très peu, en font une figure littéraire et humaine marquante, célébrée par son ami Sôseki.



Les éditions Verdier donnent à lire un bel échantillon de cent sept haiku de Shiki. Ces haiku sont pour beaucoup un plaisir de lecture, même si ce qu'ils gagnent, heureusement, en modernité, ils le perdent peut-être un peu en tendresse, en nostalgie (ce qui me fait lui préférer justement Sôseki). L'énorme point fort de cette édition, est qu'elle présente chacun de ces haiku sous trois formes : caractères japonais, traduction en rômaji (la transcription du japonais en caractères romains), et en Français. Pour moi c'est essentiel, car cela permet de percevoir les sonorités originelles dans cette belle langue japonaise, et d'apprendre des mots. C'est pourquoi je préfère cette publication à celle des éditions Moundarren (Le mangeur de kakis qui aime les haïku), qui bien qu'ayant l'avantage d'expliquer l'oeuvre, fait l'impasse sur le rômaji. du reste, j'ai tenu, comme personne ne l'a fait à ma grande surprise, à citer aussi le rômaji pour chacun des haiku cités ici. le japonais n'étant guère difficile à prononcer, avec son goût pour les voyelles, un peu à l'italienne, cela m'a semblé potentiellement intéressant même pour les non-initiés à cette langue.



Chez Verdier, c'est un peu aride, les haiku sont livrés bruts, sans la moindre explication de texte. Pas d'intro, pas de commentaires, on pourra le regretter, et pourtant quelqu'un a dit que le haiku ne s'explique pas, ne s'analyse pas, c'est un ressenti de l'instant, un éclair de l'esprit. Donc, le lecteur est libre devant la page, débarrassé des scories, et parfois de la tentation futile du commentaire incessant. Le déroulé avance cependant très classiquement dans le cadre de l'almanach des saisons, les quatre saisons s'offrent successivement à nous, avec leurs mots de saison que sont les fleurs de cerisiers, les kakis, les temples, l'eau pure…



Un recueil de lecture très agréable, en compagnie d'un des grands maîtres du genre.

Commenter  J’apprécie          372
Cent sept haiku

Shiki, pseudonyme de Masaoka Tsunenori (1867-1902) est l'écrivain qui a redonné vie au haïku, genre devenu poussiéreux. Il avait commencé par le roman mais ses amis l'avaient dissuadé de continuer. Il voulait écrire, écrire, écrire. Il se savait atteint depuis longtemps d'une tuberculose osseuse, alors incurable. Aussi Il prend le pseudonyme de Shiki, qui signifie « coucou » en référence à la légende chinoise selon laquelle cet oiseau crache du sang en chantant et il se consacre à la poésie. En 1897, ses amis (dont Natsume Soseki) fondent pour lui une revue participative quasiment d'avant-garde, Hototogisu (Petit coucou). Son objectif principal est la promotion du haïku. Shiki demande aux lecteurs d'envoyer leurs textes, les publie, les critique. En l'espace de quelques années, de très nombreux groupes se créent à travers tout le Japon. La revue propose également des descriptions de la nature et de la littérature en prose (Je suis un chat).

Shiki ose s'attaquer aux messieurs du Bureau impérial de la poésie qui établissent une hiérarchie fondée sur l'origine entre les poètes. Il critique plusieurs ouvrages classiques. Il redécouvre des poètes oubliés de la période Edo, Yosa Buson en particulier. Il valorise l'aspect objectif et descriptif, la fidélité à la réalité extérieure et rejette le romantisme, celui d'Issa par exemple. Il ne crée lui-même aucune forme nouvelle mais il ouvre le chemin aux modernes.

Le recueil traduit du japonais par Joan Titus-Carmel paru chez Verdier donne un très léger aperçu de ce style descriptif et sobre. Rien de révolutionnaire, des bestioles, des fleurs, la lune, bouddha et la solitude de l'homme. Je regrette qu'il n'y ait quasiment aucun accompagnement à la lecture, quelques notes mais ni préface, ni dates.

Commenter  J’apprécie          333
Un lit de malade six pieds de long

Ce beau livre commence assez mal, avec la préface oiseuse et égocentrique d'un certain Philippe Forest qui parle de lui en croyant imiter le style si personnel de l'auteur qu'il est censé introduire. Mais le principal vient après, à savoir le journal de maladie tenu par Masaoka Shiki tout au long de ses derniers mois de vie : chaque jour, il envoyait un texte, billet, chronique, remarque, au journal qui l'avait employé et qui publiait ses notes jour après jour, sous le titre "Un lit de malade six pieds de long". Cette pratique participe du journal intime, de l'écriture de soi, mais la publication journalière ôte presque tout caractère intime aux textes, dont la brièveté ne convient pas non plus à la méditation ni à l'essai approfondi. Enfin, une précieuse postface du traducteur décrit et analyse les trois entreprises autobiographiques de Shiki dans des journaux quotidiens, "Notes éparses d'un homme couché", "Une goutte d'encre" et "Un lit de malade six pieds de long", seul traduit ici. D'abondantes notes aident aussi le lecteur à s'orienter dans ce Japon de l'ère Meiji, parmi les amis de l'auteur et dans son univers culturel si particulier.



Première observation : ce journal "extime" (et non intime) est un vrai traité informel sur le bon usage de la maladie. Très honnêtement, Shiki nous prévient qu'il souffre, hurle, et passe par des moments atroces, sans aucun espoir de guérison. Il n'en profite pas pour prendre des poses, comme beaucoup de mourants (Céline a écrit une belle page là-dessus), mais explique comment il arrive à prendre, quand même, de petits plaisirs au milieu même de la douleur et du désespoir. Nous sommes loin du satori et du culte spectaculaire de la mort, images d'Epinal et caricatures courantes du Japon en Occident. Ce qui frappe dans la sagesse de Shiki, sagesse qu'il retire de la maladie, c'est sa simplicité et son honnêteté. Telle est la figure de malade qu'il se construit au fil des pages. Le lecteur en quête d'émotions, de claques et de ressentis bouleversifiants, comme il y en a tant sur Babelio, ira chercher ailleurs de plus vulgaires divertissements.



Deuxième observation : on apprend beaucoup de choses sur le Japon de l'ère Meiji, du nom de l'empereur Mutsuhito qui lança la modernisation du pays en prenant l'Occident pour modèle, l'année même où naquit l'auteur. Le Japon est la seule nation non européenne à avoir gardé la maîtrise de sa modernisation sans renoncer à son identité propre, mais en choisissant les éléments pertinents à importer et à adapter. Le pays ne semble pas avoir eu à subir les pressions coloniales qui ravagèrent la Chine avant l'ère communiste, qui paracheva cette destruction en instaurant une dictature à la russe et à l'allemande. Le poète de haikus Shiki, justement, a fait partie des "acteurs culturels" qui tentèrent de moderniser la tradition littéraire et picturale, en renouvelant l'art du haiku et du waka, genres poétiques traditionnels. Il n'eut pas le temps de se consacrer à la prose.



Dernière remarque, que je me risque à faire : le genre littéraire que Shiki illustre, "les essais au fil du pinceau", est une forme de prose consacrée aux anecdotes, aux remarques faites en passant, incluant des vers et de menus propos apparemment sans prétention. Ce genre s'enracine peut-être dans la forme chinoise très ancienne, apparue au V°s sous le nom de "conversations pures" (qingtan), réunies en un premier recueil par Liu Yiqing (403-444), "Le nouveau miroir du monde" (Shishuo Xinyu, cf Ivan P. Kamenarovic, "La Chine Classique", Guide des Belles-Lettres p. 177). En racontant sa maladie et en donnant au genre canonique de l'essai au fil du pinceau son empreinte biographique personnelle, Shiki renouvelle la tradition de la prose comme il l'a fait pour la poésie, précédant d'une trentaine d'années Lu Xun ou Guo Moruo, essayistes et autobiographes chinois qui profitèrent, comme lui, de l'essor de la presse et des genres brefs. L'ère Meiji et le "nationalisme japonais" sont donc, culturellement, un univers bien plus complexe qu'on ne croit, et ce beau livre nous le fait sentir.
Commenter  J’apprécie          200
Cent sept haiku

Recueil par l'un des 4 maîtres classiques du haïku (les autres étant Bashō, Buson Yosa et Issa).

Traduit du japonais par Joan Titus-Carmel.

Version bilingue français/japonais.



Cent-sept haïkus qui font la part belle à la nature et aux quatre saisons dans l'ordre chronologique.

Ces haïkus respirent la tranquillité, la faune, la flore, les éléments, les différents moments de la journée, tout cela dans un univers bouddhiste.

Papillon, fleur de cerisier, lune, luciole, temple, froid, épouvantail, kaki, ne sont qu'une part des sujets abordés par Shiki.



Shiki m'a transportée dans son univers souvent serein, parfois onirique et toujours en véritable ode aux beautés de la nature.
Commenter  J’apprécie          70
Un lit de malade six pieds de long

Atteint par la tuberculose et cloué dans son lit depuis sept ans, le poète Shiki Masaoka entreprend de raconter ses humeurs quotidiennes pour le journal japonais Nihon (qui les publiera chaque jour). Ainsi, ce sont 127 billets qui seront livrés au grand quotidien avant que l'auteur Shiki Masaoka ne décède en septembre 1902 à l'âge de 34 ans. Au final, l'ensemble des textes forme une sorte de journal intime…



Les 127 billets rédigés par le poète japonais peuvent être rangés dans deux catégories bien distinctes. Ainsi, il y a les textes dans lesquels Shiki Masaoka parle de sa maladie et de son quotidien en tant que malade. Enfin, les autres récits sont essentiellement des réflexions sur la peinture, le théâtre, la poésie, mais aussi parfois sur la société, la politique…



Les passages dans lesquels le poète japonais parle de sa maladie sont singuliers. Effectivement, ces derniers sont empreints de mélancolie, mais en même temps l'auteur décrit de manière mécanique les problèmes liés à sa maladie, comme si elle ne le concernait pas. Aussi, le poète japonais explique sans ambages comment parfois il doit patienter des heures avant qu'on ne vienne l’aider, car il n'a pas les moyens de payer une aide ménagère afin de suppléer sa femme. Toujours est-il que dès les premiers paragraphes j'ai ressenti la solitude de l'homme derrière sa plume et après quelques dizaines de pages, l'auteur lui-même aborde la question… Certes, des amis parfois passent le voir, mais ces moments sont si courts alors que les journées sont si longues. Certains passages sont tristes et l'on ressentirait presque la douleur du poète. Cependant, jamais Shiki Masaoka ne pleurera sur son sort et jamais il n'ira utiliser son talent de conteur pour tirer des larmes à ses lecteurs. L'homme est résigné et parfaitement conscient du court chemin qui lui reste à parcourir… Aussi, on ressent parfois une pointe d'agacement et de lassitude dans les mots de l'auteur, mais c’en est presque imperceptible, comme un son que seule une oreille absolue peut entendre. De plus, le poète ne montre pas de colère, non, juste de la résignation. Et il faut distinguer cette dernière de l’abandon. Effectivement, sans victoire possible l'abandon n'existe pas et pour Shiki Masaoka tout est joué depuis longtemps.



« À l'époque où j'étais étendu sur mon lit de malade, mais où je pouvais encore bouger, je n'ai jamais trouvé la maladie amère et je restais paisiblement couché, mais maintenant que j'ai perdu la liberté de me mouvoir, les douleurs spirituelles ont surgi et j'endure chaque jour ou presque des souffrances insensées. Pour y échapper, j'imagine divers subterfuges et je tente en vain de déplacer tant bien que mal ce corps impotent. Je ne fais qu'augmenter mes tourments. Mon cerveau s'en trouve tout embrouillé. Quand cela devient insupportable, les liens du sac cèdent sous la pression, et finalement tout explose. Alors rien ne va plus. Ce sont des hurlements. Des sanglots. Et encore plus de hurlements. Et encore plus de sanglots. Ces souffrances, ces douleurs, j'échoue à les qualifier. Je me dis que ce serait un réconfort de devenir véritablement fou, mais c'est également impossible. Si je pouvais mourir… C’est ce à quoi j'aspire le plus ; mais cela m'est impossible, tout autant que de trouver quelqu'un qui aurait la bonté de bien vouloir mettre fin à mes jours. »



Quand le poète n’aborde pas la question de sa maladie, il rédige des critiques sur des peintures japonaises que je ne connaissais malheureusement pas pour la plupart. Ces parties du livre sont plus difficiles à aborder, mais elles sont aussi très intéressantes pour ceux et celles qui s'intéressent au Japon et à sa culture. L’auteur parle aussi du théâtre japonais et des haïkus. D’ailleurs, le livre est rempli de haïkus, il y en a presque à chaque billet. Il faut savoir que Shiki Masaoka est celui qui a révolutionné ce genre poétique en lui donnant sa forme moderne. Pour l'occasion, j'en ai rédigé un que voici :



Japon un été

Brule feu endiablé

Puanteur de mort



Ainsi, bien que le style d’écriture soit différent, les billets dans lesquels le poète japonais traite des différentes formes artistiques me font penser au livre « À rebours » de Joris-Karl Huysmans.



« Un lit de malade six pieds de long » est un livre aux multiples thèmes : la maladie, la mort, l’euthanasie, la vie, la beauté, l’art… Il s'agit d'un livre parfois difficile, mais beau et poétique. « On achève bien les chevaux », disait en son temps Horace McCoy. Shiki Masaoka, lui, patientera plus de sept ans dans d’horribles souffrances.



Qui aime les haïkus ? Qui aime les livres qui parlent d'art ? Qui aiment les histoires tristes et douloureuses ? Que pensez-vous de mon petit haïku ?
Lien : https://deslivresetdesfilms...
Commenter  J’apprécie          60


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Shiki Masaoka (49)Voir plus

Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20224 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur cet auteur

{* *}