Au fond du Danube, dans des pots de confiture, languissent les âmes des noyés, à l'écoute des mesures de trois quarts de temps qui bruissent dans l'air au-dessus de l'eau comme un avertissement. Là se trouvent aussi les âmes de ceux que l'on avait jetés dans le fleuve encore vivants.
Il semblait qu'il était tout simplement dangereux d'être juif.
Être tout simplement un homme, c'était déjà impossible.
Mais voici quelle fut l'histoire de ce cimetière :
Dès l'automne 1945, les nouvelles autorités avaient voulu "retourner" les tombes allemandes. À quoi bon des tombes s'il n'y a plus de vivants? Qui les entretiendrait, qui paierait pour elles? Les Allemands qui sont rentrés chez eux n'ont rien à faire de ces tombes. N'ont-ils pas aussi laissé leurs maisons?
La première idée fut d'y installer un transformateur électrique. Un poste de transformation est en soi une chose utile. Faire venir l'électricité sous chaque toit est une belle idée. Le socialisme a eu de belles idées et il a réussi à en réaliser certaines.
Il n’y a pas de responsabilité sans liberté !
L’Histoire se résume finalement à cette simple et unique formule : le plus fort gagne ! Ou encore, plus explicitement : celui qui a la force détient aussi le pouvoir. Tout, mais vraiment tout le reste, n’est qu’un enjolivement de cette abjecte vérité.
Lorsque l’Europe veut dormir et tire le ciel au-dessus d’elle, c’est toujours la même couverture : le Scorpion, avec ses pinces, essaie d’attraper la Vierge, cette effronterie remplit de colère le rouge Antares car depuis des millions d’années lui aussi tente la même chose sans y parvenir. N’est-ce pas l’image d’une passion insatisfaite ? C’est pourtant la vérité : chacun peut lire dans le ciel quelque chose de son destin si l’éclat de la Lune le lui permet.
La beauté doit rester sans aucune finalité concrète. Ce n’est qu’ainsi qu’elle est vraie. L’homme doit se garder d’avoir pour la beauté un intérêt autre qu’elle-même.
C’est pourquoi l’on doit se tenir aux aguets : chaque jour peut être le dernier, chaque mot, même prononcé au hasard, peut exprimer une dernière volonté.
Abandonnons le monde aux femmes, c’est ce que nous avons de mieux à faire. C’est bon pour nous et pour le monde.
Kempf avait échoué partout : selon les Souabes du coin, il était un mauvais Allemand ; selon les Croates nourris aux idées de Frank, il était un piètre Croate. Pour les communistes, il n'était rien du tout. Les adeptes de Macek considéraient que ce jeune homme était en quelque sorte des leurs, mais lui boycottait leurs clins d’œil. Plus qu'à tout cela, Kempf s'intéressait à ce que pensaient de lui les jeunes filles avec lesquelles, dans les vignes et les fermes autour de Nustar, il faisait ses premières expériences amoureuses, les seules qui vaillent dans la vie en général. Et alors, la Waffen-SS, convaincue que ce jeune homme lui appartenait précisément à elle, avait frappé à sa porte. Mais lui ne voulait appartenir à personne.