Stéphane Hessel

G.V. - Pensez-vous que la crise puisse repartir dans quelques années, voire quelques mois, faute d'une réelle compréhension et remise en cause du système global ?
S.H. - La prise de conscience de ce risque a été forte. Le G20 - même s'il n'a aucune légitimité - montre que ces vingt Etats pensent qu'il faut agir. Mais à l'évidence la prise de conscience ne suffit pas : il faut une stratégie de régulation, actée par tous les Etats de la planète, avec une insistance suffisamment forte de la part de la population pour la mettre en oeuvre.
Le monde déstabilisé dans lequel nous vivons depuis la crise mondiale - déstabilisé par les grands profiteurs de l'économie financiarisée mondiale -, ce monde-là est détestable. Il faut le transformer le plus rapidement possible en un monde où la justice, l'égalité pour tous, la liberté pour tous puissent trouver leurs assises.

Voilà ce que je dis à mes petits-enfants : luttez contre l'injustice sociale, fiscale, et protégez la terre contre ce qui la menace. La façon dont nous avons détérioré la planète est vraiment scandaleuse. L'autre défi, aussi grave, touche à la pauvreté, à l'écart entre les très riches et les très pauvres. Nous nous dirigeons vers une iniquité des conditions humaines dans le monde, et aussi en France.

(Le Monde des religions n° 100)

Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir un motif d’indignation. C’est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j’ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé.

On ose nous dire que l’Etat ne peut plus assurer les coûts de ces mesures citoyennes. Mais comment peut il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ?

Une véritable démocratie a besoin d’une presse indépendante ; la Résistance le sait, l’exige, en défendant « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères ». C’est ce que relaient encore des ordonnances sur la presse, dès 1944. Or, c’est bien ce qui est aujourd’hui en danger.

Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers. : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avons été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance.

La Résistance en appelait à – la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction la plus développée –, sans discrimination ; or, les réformes proposées en 2008 vont à l'encontre de ce projet. De jeunes enseignants, dont je soutiens l'action, ont été jusqu'à refuser de les appliquer et ils ont vu leurs salaires amputés en guise de punition. Ils se sont indignés, ont 'désobéi', ont jugé ces réformes trop éloignées de l'idéal de l'école républicaine, trop au service d'une société de largent et ne développant plus assez l'esprit créatif et critique.

Sur l'éducation : "réformes trop éloignées de l'idéal de l'école républicaine, trop au service d'une société de l'argent et ne développant plus assez l'esprit créatif et critique... Le motif de la résistance, c'est l'indignation "

"Un vent démocratique a besoin d'une presse indépendante... La liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'État, des puissances d'argent et des influences étrangères... C'est tout le socle des conquêtes socialees de la Résistance qui est aujourd'hui remis en cause"

Au sujet de la résistance (militant politique et résistant né en 1917) : " est créée la Sécurité sociale comme la Résistance souhaitait... visant à assurera à tous les citoyens des moyens d'existence... une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours... impliquant l'éviction des grandes féodalités, économiquees et financières... L'intérêt général doit primer sur l'intérêt public, le juste partage des richesses créées par le monde du travail primer sur le pouvoir de l'argent... Une organisation rationnelle de l'économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l'image des États fascistes."

"Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des dans papiers, des expulsions, des soupçons à l'égard des immigrés, pas cette société où l'on remet en cause les retraites, les acquis de la sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis"

Je suis convaincu que l'avenir appartient à la non-violence, à la conciliation des cultures différentes. C'est par cette voie que l'humanité devra franchir sa prochaine étape.

Le pouvoir de l'argent n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste. L'écart entre les plus pauvres et les plus riches n'a jamais été aussi important; et la course à l'argent, la compétition, autant encouragée."

Je crois en la valeur universelle des droits de l'homme et je considère que, quand le gouvernement d'Israël occupe les territoires palestiniens, il le fait en violation des principes énoncés par les Nations Unies en 1967.

«Si nous observons les hommes politiques, nous observons que les plus misérables d’entre eux sont obnubilés par le pouvoir.»

Le deuxième septennat ( de Mitterrand) commença par une surprise : le choix de Michel Rocard comme Premier Ministre - nomination dont les risques nous apparurent d 'emblée : le président, qui ne l'aimait pas, n'allait-il pas l'exposer à un laminage qui lui interdirait d'aspirer une fois de plus à la succession ?

A moi, Claude Cheysson réservait une surprise : l'élévation à la dignité d'ambassadeur de France. Ça n'a l'air de rien, mais pour un Berlinois devenu français à l'âge de vingt ans, c'est assez formidable.

En 1929, dans notre appartement très Bauhaus, aux meubles géométriques, aux murs peints de couleurs vives et contrastées, auxquels étaient accrochés quelques tableaux de cubistes, nous recevions la visite des amis de Roché, avec lesquels Helen s'était vite liée. Il y avait Marcel Duchamp et sa compagne, Mary reynolds, Man Ray, qui a fait d'helen un beau nu sur une plage, Le Corbusier et Philippe Soupault, Jules Pascin et Alexander Calder, Constantin Brancusi et Max Ernst, André Breton et pablo Picasso. Je trouvais un charme particulier à Man Ray, avec sa tête de petit chat et son goût des surprises. Impossible de s'ennuyer avec lui. Il aimait jouer. Moi aussi.

L’exaspération est un déni de l’espoir.

Je crois que les monothéismes que nous avons connus au cours de l'histoire de l'humanité représentent davantage de dangers pour l'humanité qu'un véritable progrès.