J’avais un peu peur que ce livre soit trop anxiogène vu le sujet qui y est traité mais Stéphanie Castillo-Soler réussit magistralement à nous faire oublier le bruit des lourdes portes qui se ferment, le va et vient des clés, le cri des détenus, les bagarres et le manque de liberté.
On entre en prison avec Romain qui doit payer pour la mort d’une dame âgée, ce n’est pas lui qui a porté le coup mortel, mais il était là avec deux autres copains quand c’est arrivé, il n’a rien fait pour l’empêcher, un vol qui a mal tourné. Romain n’est pas un mauvais garçon, il s’est laissé entraîner par de sales fréquentations. Il aurait pu dire non, il est trop tard maintenant, il a été jugé, 6 ans de prison dont deux avec sursis.
Romain va partager la cellule de Laurent, ils ont pratiquement le même âge mais pas le même vécu, Romain a été abandonné à la naissance, il a passé sa vie dans des familles d’accueil puis a fini par se retrouver chez Marinette et Fred qu’il considère comme ses parents. C’est une famille modeste, une famille aimante, Romain est désolé de leur faire autant de peine.
Laurent est issu d’une famille aisée, son père est directeur financier d’une multinationale, il a peu de temps à lui consacrer, sa mère les a abandonnés tous les deux quand il était petit. Son père s’est remarié, Laurent a une demi soeur, Manon qu’il aime plus que tout. Laurent ne vit plus chez ses parents quand il commet le pire, il vit dans sa chambre d’étudiant mais ce jour là, il décide d’intervenir pour sauver Manon du dealer qui lui fournit sa drogue, elle veut décrocher mais elle lui doit de l’argent alors Laurent décide de rencontrer le jeune homme, de régler la dette de Manon mais le rendez-vous ne se passe pas comme prévu, le ton monte, le dealer est sous l’emprise de stupéfiants, Laurent le bouscule, il tombe, se cogne la tête et décède.
Romain et Laurent vont devoir apprendre à cohabiter dans une pièce aux mesures réduites, où il fait parfois très sombre, où tout peut très vite devenir irrespirable si personne n’y met du sien. Les débuts sont difficiles, Laurent se plonge dans la littérature, il parle peu, ignore son codétenu et indirectement lui fait sentir qu’ils ne sont pas du même monde et qu’ils ont peu en commun. Romain se sent inférieur, il n’a pas fait d’études, il ne peut rivaliser avec les lectures de Laurent alors il dessine et grâce à Serge qui s’occupe de la bibliothèque, il commence à lire lui aussi.
Dehors la vie continue, dedans elle est rythmée par les sorties, les repas, les douches, la salle commune, les nouvelles de l’extérieur et la bibliothèque. Les deux garçons sont solidaires quand ils sortent ou quand ils se rendent aux douches, ils savent qu’entre détenus tout peut vite dégénérer. Romain a peu de visites, Laurent voit sa demi-soeur tous les 15 jours. Romain s’attarde souvent sur la photo de Manon placardée sur le mur de la cellule, Laurent n’aime pas ça, il le fait comprendre à Romain, « que Romain ne se fasse pas d’illusions, il n’est pas assez bien pour sa soeur ». Laurent entame une correspondance avec Clémentine, une jeune étudiante dont il ne tarde pas à tomber amoureux.
Romain va mal, il se laisse dériver, il n’a plus de goût à rien, ne dort plus, ne s’alimente plus, n’a plus aucune estime de lui. Laurent l’a profondément blessé. C’est peut-être le déclic qu’il faut pour que Laurent se rende compte qu’il est allé trop loin, qu’il a méprisé et rabaissé ce compagnon de cellule qui demandait juste un peu d’amitié et de compréhension.
Dès lors les choses changent, les deux hommes deviennent de véritables amis et font des projets d’avenir. On oublie l’enfermement et les murs de la prison, Romain et Laurent sont déjà libres dans leur tête, ils se remettent en question et regardent devant. On assiste à une vraie métamorphose, Romain devient plus sûr de lui, il s’instruit et de belles surprises arrivent. Laurent est beaucoup plus humble, à l’écoute des autres et surtout attentif à Romain, ce compagnon qui désormais est comme un frère pour lui.
Cet enfermement les transforme et s’avère bénéfique, en sortant ils auront encore du chemin à parcourir mais ils savent ce qu’ils veulent et ont chacun un projet de vie dans lequel ils ne seront jamais loin l’un de l’autre.
C’est beau, c’est doux, les mots se succèdent harmonieusement et nous donnent de belles émotions. Dans ce huis clos parfois brûlant, j’ai oublié que les jeunes hommes étaient privés de liberté, focalisée sur la naissance de leur amitié, sur cette complicité qui, je le savais, allait laisser place à une vraie amitié. Et il y a l’amour aussi, cet amour impossible que Romain nourrit vis à vis de Manon, cet amour possible que Laurent voudrait avec Clémentine. Peut-être que ce sont ces jeunes femmes qui détiennent les clés des coeurs afin de les déverrouiller.
J’ai adoré ce livre, on se laisse guider, presque sereinement malgré le contexte difficile qu’est l’enfermement. Un grand bravo à l’auteure qui signe ici son premier roman, le premier d’une longue série je l’espère.
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