Si tout comme moi, lecteurs blogueurs, vous vous calfeutriez adolescents sous la couette un soir d’orage, une lampe torche à la main et un tome de Chair de poule ou de Fais-moi peur dans l’autre, alors ce petit classique moderne du thriller fantastique est pour vous. The woman in black (La dame en noire pour la traduction française) est mon tout dernier coup de cœur littéraire, un roman admirablement bien écrit (en particulier en anglais) que je vous invite à découvrir dès maintenant, et ce avant de visionner l’adaptation cinématographique qui est bien décevante en comparaison de l’œuvre si originale de Susan Hill.
Cette romancière britannique, auteur de nombreux romans policiers et livres pour enfants, a reçu de nombreuses distinctions littéraires dont celle du Somerset Maugham Award. Dans The woman in black, Susan Hill nous livre un conte fantastique à la structure classique et au thème très victorien, dont l’intrigue principale se déploie sur quelques jours seulement. Le récit est « encadré », une histoire débutant à l’intérieur d’une autre.
Par un matin glacial et pluvieux de novembre, Arthur, jeune notaire londonien, raisonnable et tranquille, est envoyé en mission à Crythin Gifford, une petite bourgade isolée d’Angleterre, afin de régler la succession d’Alice Drablow. Cette veuve octogénaire récemment décédée était connue pour ses multiples excentricités. La dame aurait vécu solitaire et recluse durant de nombreuses années dans une bâtisse à la façade splendide mais plantée dans un décor sinistre. La demeure est en effet nimbée d’une brume persistante et est à marée haute encerclée par les marais, ce qui la coupe pour plusieurs heures du reste du monde, d’où son appellation sinistre de Manoir du Marais (The Marsh House).
A peine est-il arrivé dans la petite ville à l’atmosphère bien lugubre que d’étranges apparitions surviennent. A l’occasion des funérailles de Mrs Drablow, Arthur aperçoit pour la première fois une jeune femme mystérieuse à l’aspect décharné, postée au fond de l’église, le visage livide et les os tellement saillants que les ombres se reflétant sur sa peau luisante prennent une teinte bleutée. Son accoutrement d’un noir corbeau, démodé et même presque poussiéreux, intrigue le jeune homme qui tente de voir de plus près le visage de cette mystérieuse dame. Mais une coiffe également noire dissimule ses traits. Cette apparition aussi sinistre qu’énigmatique semble étrangement irradier de sa malveillance les malheureux venus se recueillir sur les tombes de leurs défunts. Dès lors, cette ombre maléfique ne cessera de poursuivre Arthur Kips qui la verra à nouveau dans le jardin de la vielle demeure du Marais, l’ancienne propriété désormais abandonnée de Mrs Drablow. La présence de cette dame en noir semble jeter un voile funèbre sur cette demeure. Notre héros d’abord confus, s’interroge. Est-ce un canular ? Lui jouerait-on des tours à ses dépends ? Et si tel est le cas, qui peut bien se cacher derrière la dame en noir ? Une curiosité morbide tout comme sa fierté juvénile le poussent à rester pour tenter de saisir l’inexplicable. Mais lorsque le notaire s’installe une nuit au manoir du Marais afin de trier les derniers effets de Mrs Drablow, le jeune homme se retrouve malgré lui confronté à une puissance invisible effroyable, mettant à rude épreuve son courage qu’il pensait inébranlable…Quel mystère plane sur cette demeure maudite ? Après quelques coups de théâtres, les langues des villageois restées jusqu’à présent muettes vont se délier peu à peu, accentuant l’horreur pour le plus grand plaisir du lecteur.
La difficulté d’écrire une roman d’angoisse est de ne pas s’essouffler et de procurer une impression de malaise constante, voire même croissante, afin que le doute persiste jusqu’à la dernière page avalée, et que l’histoire ou ses protagonistes nous hantent bien après avoir refermé le livre. Lorsque Sheridan Le Fanu clôturait Carmilla sur une note rassurante, je trouvais ce dénouement un peu trop expéditif… La dame en noir en revanche m’a glacé le sang jusqu’au bout. L’auteur tord le cou aux clichés de l'image moderne du fantôme pour revenir au mythe traditionnel du revenant de l’époque victorienne.
Susan Hill s’intéresse aux puissances obscures enveloppées de mystère, écho de nos propres angoisses tapies au plus profond de nous. L’écrivaine joue ainsi avec nos terreurs enfantines : la peur du noir, la vue d’une demeure austère et abandonnée, les ruines désolées d’un monastère ou d’un cimetière négligé, des sépultures aux inscriptions effacées et des grincements de bâtisses vétustes. Aussi me suis-je plongée avec délectation dans The woman in black, incontestablement mon roman d’angoisse préféré !
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