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Citations de Sylvain Trudel (56)


Nous voulions nous envoler avec les âmes et les oiseaux, c’était plus fort que nous : les ailes ont toujours figuré la solution rêvée des éternels insatisfaits.
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Au fond, c'est triste un parc. Chacun vit dans son rêve: les enfants ont la lumière; les jeunes ont l'amour; les vieux ont l'enfance.
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[Cette chaise] avait été sculptée dans le bois de son arbre généalogique. C’est sur cette chaise que… qu’il est monté pour se pendre…
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Personne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c'est l'exil et que chacun a l'exil qu'il désire. Habéké et moi, on s'était promis de visiter nos exils un beau jour.
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L'union de l'eau et du ciel était si parfaite que le ruban de l'horizon semblait avoir été rompu par un ciseau, comme un ruban coupé pour l'inauguration d'une ère neuve. Ça nous a donné une vague de courage et on s'est assis sur les rails du milieu du pont avec les jambes en balance dans le vide. En jouant les pendules, on sentait glisser le temps entre nos orteils.
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Tu accosteras sur une île en forme de joue et ce sera le bout de tes peines parce que c'est sur les joues que meurent les larmes.
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Mes yeux fatigués voyaient Nathalie, dehors, dans la nuit, sous un lampadaire, qui prenait une douche sous le jet de lumière et se savonnait avec la lune.
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Habéké Axoum, c'était le plus intelligent de tous, parce qu'avec ça il avait la naïveté et tout chez lui pouvait se faire. Il a toujours été un peu plus vieux que ses artères, à cause de la chienne de vie qui fait vieillir avant le temps, mais il avait gardé tous ses pouvoirs secrets. Comme moi je dois dire, et ça fait que j'ai des yeux pour voir. Par exemple, dans mon assiette, un brocoli c'est un orme, les patates pilées font un château et la sauce brune c'est l'eau boueuse des fossés. Et les haricots dans la sauce sont des cro­codiles qui font peur aux ennemis. Dans le château, il y a un radis qui règne sur le royaume, et une tour qui emprisonne une petite carotte marinée avec laquelle je suis en amour. Moi, je suis le Bien et la Jus­tice, et je veux tuer le radis parce qu'il a beaucoup d'écus et que les paysans crèvent de faim. Et c'est un impur et je le hais, et je le bombarde avec les petits pois et une cuillère-catapulte. Quand ça ne suffit pas, je saisis la poivrière et je la fais neiger sur le château. Ensuite de quoi, je fais tomber la fourchette-grille, je mange un crocodile en passant, puis je tue le radis qui éternue. Je grimpe alors dans la tour pour déli­vrer la carotte marinée que j'aime plus que tout au monde. Comme je ne suis pas un hypocrite, je dévore le château, les ormes, les crocodiles. Je ne veux rien laisser dans mon assiette, aucune ruine du vieux royaume, aucune trace des choses de ce monde, pour ne pas souffrir inutilement, mais c'est impossible de vraiment tuer la mémoire, et après le souper je re­plonge la carotte marinée dans son vinaigre parce que toute ma vie je voudrai la sauver.
Ma pauvre mère déteste me voir tripoter dans mon assiette, vu mon âge, et chaque fois j'essuie des volées de reproches parce qu'elle n'a pas les yeux assez perçants pour voir mon royaume. Il faut com­prendre que, quand on accumule les années dans sa tête, tout devient de plus en plus vrai, tellement vrai que bientôt l'invisible ne se voit plus et que les royau­mes s'effondrent. C'est alors qu'arrive l'adultère avec son hypocrisie. L'adultère, c'est l'ère adulte avec un passé d'enfant figé dans la roche. L'ère adulte an­nonce les glaciers et la fin des mammouths. C'est l'hi­ver et le froid qui engourdissent tous les pouvoirs et c'est là que commence le commencement de la fin. Autrement dit, c'est la vieillesse qui s'installe pour de bon dans le creux de nos os. Il y a eu un exemple un jour qui s'appelait le roi Midas et qui changeait en or tout ce qu'il touchait. Pourtant, malgré son vœu exaucé par un dieu, ce roi était malheureux à cause de l'ère adulte. C'est qu'il changeait aussi son pain en or, et jusqu'à son eau, qui devenait de l'eau d'or mais non potable, et Midas ne pouvait s'arrêter de tout transformer maladivement. Il s'accrochait au petit enfant qu'il avait été, mais tout devenait tellement vrai autour de lui, la faim et la soif devenaient si dou­loureuses que Midas ne savait plus exister avec ses pouvoirs. Il a fini par renoncer à tout l'or du monde parce qu'il préférait boire et manger, et vieillir pau­vrement comme tout le monde. Il s'est donc lavé les mains dans un fleuve légendaire, le Pactole, et son don l'a quitté pour se perdre dans les eaux, et au­jourd'hui le Pactole roule de l'or et c'est une expres­sion en souvenir de ce roi. Non, le roi Midas n'a pas su grandir avec ses pouvoirs et c'est bien triste pour lui, mais c'est pas comme Habéké Axoum qui, lui, a toujours été plus fort que les rois. Tout petit, Habéké est resté cinquante jours sans manger à cause de la famine, oui, cinquante jours, dix de plus que le roi des rois, j'ai nommé Jésus-Christ tenté par le diable dans le désert biblique, et Habéké n'est pas allé se plaindre pour autant. Moi, quand je voyais ces tragé­dies à la télé, je me demandais pourquoi il fallait envoyer de la nourriture en Afrique, vu que les Afri­cains avaient le ventre enflé comme un ballon. Je ne savais pas que la nourriture n'avait rien à voir avec les gros ventres. C'est Habéké qui m'a expliqué que, quand le ventre est vide, l'estomac ronge ce qu'il y a de disponible tout autour, parce qu'un estomac ça n'ar­rête jamais vu les sucs. Quand le ventre est vide, ce qu'il y a de disponible ce sont les muscles autour, et, quand les muscles sont digérés, ils ne sont plus là pour garder les organes à l'intérieur, et les organes veulent s'échapper comme de raison, et c'est ce phénomène-là qui fait les ventres enflés.
Si Habéké est parvenu jusqu'à moi dans la vie, c'est grâce à l'eau pure qu'il a inventée pour survivre. Dans ce temps-là dont je parle, Habéké était haut comme trois crêpes de blé noir, mais il savait déjà créer de l'eau de son cru quand le soleil calcinait l'Afrique et que les Africains s'éteignaient par mil­liers. Une armée de caméras filmait tout ça naturelle­ment parce que c'était un horrible spectacle.
Plus tard, Habéké me parlerait parfois de Tana, sa sœur, avec sa voix grave et tout étranglée.
«Tana était tellement fatiguée qu'à la fin elle n'avait même plus la force de fermer les yeux. Elle est restée comme ça, des heures sans cligner sous les mou­ches, puis on a dû les fermer pour elle, ses yeux. On a pleuré, mais sans larmes, parce que nos yeux à nous n'avaient plus assez d'eau pour en fabriquer.»
En ce lointain soir-là, Habéké s'est hissé au som­met d'une colline, car il connaissait cet insecte in­croyable qui s'expose au vent nocturne qui souffle de la mer à l'est. Le jour c'est pas la peine d'espérer parce que le vent vient du désert, mais le soir, le voici chargé d'humidité, comme une haleine parfumée, et, quand ce vent glisse sur la carapace chaude de l'in­secte, il y dépose une rosée. Au bout d'une heure ou deux, une précieuse gouttelette dévale la carapace jusqu'à la bouche, et l'insecte boit enfin. Habéké a survécu comme ça, en se couchant sur le ventre et en offrant sa tête aux vents miraculeux du soir. L'eau se condensait lentement dans ses cheveux frisés, jusqu'à former des ruisseaux minuscules qui coulaient sur ses joues pour arroser le lac desséché de sa bouche. Habéké a bien tenté d'expliquer l'insecte à sa famille, mais personne ne voulait croire ses enfantillages. Et voilà comment le manque de croyances les a tous fait mourir de soif. Mais la guerre non plus ne les a pas
aidés, faut dire, parce que oui il y avait une guerre d'hommes là-bas qui s'ajoutait à la sécheresse de Dieu, et la guerre n'a jamais aidé les petites gens du bas peuple, rien que les grands seigneurs des hautes couches. Et les explosions étaient si épouvantables sur les lignes de feu que même les anges gardiens avaient fui à tire-d'aile dans les nuages avec tous les oiseaux du pays pour abandonner les enfants dans la misère de chien. Heureusement qu'il y avait ici et là des gens courageux qui se désâmaient pour la multi­tude, et pas que des femmelettes comme les anges aux ailes de poules mouillées, mais des personnes idéalisées qui voulaient vraiment sauver le monde, et, des semaines plus tard, des coopératifs internatio­naux remplis d'intentions ont exporté Habéké outre­mer, avec des certificats tamponnés et des titres de propriété, et c'est ainsi qu'un ami est tombé du ciel dans le matériel, ici même, comme un cheveu sur la soupe, dans la paix et l'abondance.
À son arrivée dans notre pays riche où il fait si froid, Habéké n'avait que quelques maigres années derrière lui et on a pu le dénaturaliser pour son bien: on lui a enseigné le français, le hockey, la nage, la bicyclette, la politesse à table et le Ô Canada! et puis il a appris tous les mercredis à déposer des sous à la caisse populaire infantile dans le gymnase de son école très primaire, et il a découvert des dimanches sous zéro en motoneige, des maux de cœur de cabane à sucre, le mouton même pas noir du dernier char allégorique de la Saint-Jean-Baptiste, et naturelle­ment la télévision où des pareils à lui mouraient au téléjournal pour nous faire réfléchir un peu avant le western d'onze heures. Et Habéké a vu les épiphanies des crèches vivantes devant son église, il s'est fait crier des noms malpropres, a vomi des hot-dogs, de la tourtière et de la bûche de Noël, a régurgité du coca-cola par le nez et attrapé la picote, s'est étouffé avec le corps du Christ et quoi encore. Mais Habéké, bien roulé en boule au cœur de son pays intérieur, il a su résister à notre civilisation exagérée, parce que, malgré les envahissements et les déformations, il avait décidé d'être éternellement un Africain dans l'âme comme une roche est dure. Durant la vie en­tière sa pensée s'est faite en amharique comme il l'avait juré en secret à ses ancêtres bien-aimés. Per­sonne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c'est l'exil et que chacun a l'exil qu'il désire. Habéké et moi, on s'était promis de visiter nos exils un beau jour. J'aimais Habéké. Il avait l'intelligence humaine.
En Afrique, il y a des zébus dans la savane, mais on confectionne des chaussures avec leur cuir. C'est affreux de penser que l'exil des zébus est lié à nos souliers. Habéké ça l'enrageait, parce qu'il était ani­miste.
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j'ai bien vu que Marilou est à mon goût, qu'elle n'est pas belle comme le jour, mais mille fois plus belle que lui, et que si le jour était une feuille, Marilou serait un millefeuille.
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Je suis peut-être salaud et déloyal, mais c’est moi, le mort : c’est moi qui décide de tout jusqu’au bout. C’est à mon tour de dicter mes trente-six volontés et ceux qui ne sont pas contents ont juste à aller voler un cadavre à la morgue pour faire sur lui leurs expériences mystiques et leurs prières à la con. Moi, ça ne me tente pas de leur donner l’occasion de faire voir à la galerie combien ils sont sensibles. (p. 78)
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Tu ne peux même pas t'imaginer ce que c'est que d'ouvrir l'œil, le matin, en ayant encore en soi ce vieux réflexe de bonheur, puis de se rappeler soudainement qu'on est condamné
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Comme pour l'histoire de l'oeuf et de la poule, on sait pas si c'est l'hystérie ou la psychothérapeute qui est apparue en premier sur la terre.
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Céline était encadrée comme une nature morte dans la porte du salon et elle continuait à ne rien dire pour ne pas me défendre et ça m'a rendu sourd de rage, parce que ç'aurait été facile pour elle d'être quelqu'un pour moi en cette seconde-là, en ce moment de mort où j'étais seul comme un chien dans l'univers, sauf le respect à Pipo.
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L'âme serait toujours l'âme, et cette idée me décourageait. On serait toujours soi-même dans l'éternité, cette solitude serait un esclavage perpétuel, et j'essayais de fuir ces sensations terrifiantes que m'inspiraient le corps et l'âme.
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- Ta gueule , morveux, tu connais rien à la vie. L'école c'est rien qu'un piège à rats, c'est le portique d'un monde abrutissant où on travaille toute sa vie sans en avoir envie pour se payer péniblement de quoi oublier le travail.
(La mort heureuse)
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Magloire s'étrangla d'un rire convulsif qui ne laissait pas planer la moindre ambiguïté sur ses croyances religieuses.
"Mon garçon, si les romains avaient crucifié une petite prostituée de douze ans, un infirme ou un lépreux, quelqu'un qui aurait vraiment souffert le martyre toute sa vie, j'aurais eu la foi, mais parmi ceux qu'on pouvait tuer il a fallu qu'on tue le moins pitoyable : le Fils de Dieu ! C'est vrai : c'est quoi une couronne d'épines pour le Christ quand un trône l'attend à la droite de Dieu ? Et la lance dans le foie, les coups de fouets ? Pour le Fils de Dieu, c'est des enfantillages . Et au lieu de nous humilier il devrait nous remercier d'être des fous assoiffés de sang, parce que c'est notre cruauté qui a fait de lui un sauveur !" (Le quadrille à Maman Maïs)
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