Des pensées s'agitèrent en moi comme des papillons ivres. Je pourrais m'occuper de lui, préparer ses repas, passer le reste de ma vie à suivre son enseignement. Ces pensées resteraient à jamais des pensées, ne deviendraient jamais réalité, en ce monde où même le reconnaître en public était périlleux. Toutes ces choses qui semblaient aller de soi pour la plupart des gens.
"À quoi pensez-vous ?" demanda-t-il en bâillant.
Je répondis, rempli de tristesse à l'idée de l'ordre établi :
"À des papillons."
Les triades sont un phénomène historique singulier. Elles doivent leur nom à l'usage d'une figure triangulaire symbolisant la relation entre le Ciel, la Terre et l'Homme. À l'origine, il s'agissait d'un mouvement de résistance aux Mongols devenus maîtres de la Chine. Il était fortement influencé par le bouddhisme - en fait, la plupart des membres fondateurs étaient des moines. Mais les détails se sont perdus dans les brumes du passé.
Son père avait fait en sorte que ses enfants n'oublient jamais leur passé, si bien qu'Endo-san avait passé son enfance à s'initier aux talents des samouraïs : le combat au corps à corps, le tir à l'arc, l'équitation, le sabre, l'arrangement floral et la calligraphie.
"J'ai appris à faire avec. Qui peut regarder en arrière et prétendre sincèrement que tous ses souvenirs sont heureux ? Avoir des souvenirs est une bénédiction, qu'ils soient heureux ou malheureux, car ils sont la preuve que nous avons pleinement vécu. N'êtes-vous pas de cet avis ?"
La mer poussait un soupir chaque fois qu'une vague s'effondrait sur le rivage, comme un coureur de fond sur la ligne d'arrivée. J'ai toujours trouvé la mer plus attirante la nuit. Dans la journée, elle est magnifique, avec ses vagues puissantes et bruyantes, heurtant la plage avec toute la force de l'océan derrière elle. Mais quand la nuit tombe, cette force disparaît et les vagues déferlent sur le rivage avec le détachement d'un moine déployant un manuscrit.
"Représentez-vous votre souffle comme une longue corde, me disait-il. En respirant maintenant, tirez-la à l'intérieur de vous, dans les profondeurs. Plus loin que vos poumons, jusqu'à l'endroit juste sous votre nombril, votre "tanden". Faites une pause, laissez-la tournoyer puis imaginez-vous qu'on tire dessus pour la faire sortir à l'instant où vous expirez. Vous n'avez besoin de penser à rien d'autre, dans le "zazen". Plus tard, quand vous aurez progressé, vous n'aurez même plus à y penser. Vous ne remarquerez même pas que vous respirez. Cela viendra avec le temps."
N.D.L. : "zazen" = méditation assise du zen.
J'offris ma nuque à son coup de sabre. Puis je maîtrisai ma voix tremblante afin de parler clairement et fermement :
"Les amis se séparent à jamais
Oies sauvages perdues dans les nuages."
C'était un haïku de Matsuo Bashô, son poète préféré.
….we all had the power to change our pasts, our beginnings – or our perception of them, at least – but none of us could determine how our stories would end.
….nous avions tous le pouvoir de changer notre passé, nos débuts – ou du moins notre perception de ceux-ci – mais aucun d’entre nous ne pouvait déterminer comment nos histoires se termineraient.
"Une vieille maison garde toujours un trésor de souvenirs."
Sur un sommet au -dessus des nuages vivait jadis un homme qui avait été le jardinier de l'empereur du Japon.Peu de gens connaissaient son existence avant la guerre mais je savais qu'il avait quitté sa patrie aux confins du soleil levant pour s'installer dans la région montagneuse du centre de la Malaisie. J'avais dix -sept ans quand ma soeur me parla de lui pour la première fois.Une décennie devait encore s'écouler avant que je me rende dans les montagnes pour le voir.( Page 11).