AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Tara Westover (81)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Une éducation

Idaho, dans les années 90. Tara n’a pas d’acte de naissance, n’a jamais fréquenté l’école ou consulté un médecin. Ses parents mormons et survivalistes vivent de l’exploitation d’une casse , dans l’attente de la fin du monde. C’est avec un bagage extrêmement réduit et presqu’entièrement autodidacte, qu’elle décide à seize ans de postuler pour l’université, ce qui la conduira au titre de docteur en histoire, elle qui n’ait jamais entendu parler de l’Holocauste lorsqu’elle assiste à ses premiers cours d’histoire!



Le parcours est édifiant, mais au cours du récit c’est surtout le conflit entre la loyauté à sa famille et ses aspirations de développement personnel (pas au sens mystique de recherche de la félicité) qui ressort. Consciente de la folie de cette famille détraquée, entre la pathologie du père et la violence extrême de l’un de ses frères, la rupture est quasi-impossible. Malgré la place qu’elle s’est faite dans le milieu universitaire, amplement méritée, la tentation est grande de faire allégeance avec les siens, au risque de se perdre corps et âme.







Cette autobiographie plébiscitée outre-atlantique a pour première qualité de laisser place au doute de la narratrice quant à l’authenticité de ses propres souvenirs , parfois en contradiction avec les notes de son journal intime, ou avec les témoignages de ses frères et soeurs. Et c’est cette incertitude qui donne toute sa valeur au récit, que l’auteur n’a pas tenté d’embellir ou de noircir, et qui le rend encore plus convaincant.







Le récit est tellement impressionnant, qu’il n’est pas question de s’arrêter une seconde pour se poser des questions sur le style ou la traduction . On est tout simplement happé par l’énormité des faits, d’autant qu’ils sont contemporains. On repose aussi bien des questions sur ce qui peut amener une telle famille à avoir pignon sur rue, de nos jours, avec un discours si dément et un tel aveuglement.



Inutile de dire que c’est suffisamment fort pour ne pas tomber dans l’oubli rapidement





#Uneéducation #NetGalleyFrance
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          811
Une éducation

Une lecture coup de poing... que j'ai eu du mal à quitter ! Je remercie grandement la camarade-libraire qui a attiré mon attention sur ce témoignage uppercut... dont on ne sort pas indemne !!!



"Je n'avais jamais appris comment m'adresser aux gens qui n'étaient pas comme nous- ceux qui fréquentaient l'école et consultaient le docteur. Qui ne se préparaient pas, tous les jours, à la Fin du Monde. "(p. 133)



Une première phrase qui nous plonge directement dans l'univers très spécial d'une famille mormone....où notre auteure a vécu une jeunesse des plus "chahutées", perturbante !

Enfant, l'auteure, Tara , à cause d'un père fondamentaliste, n'a jamais fréquenté l'école, ni vu de médecins. Ce milieu sectaire aura démoli sa jeunesse; elle devra se décider à assumer une rupture douloureuse pour se reconstruire, faire des études, aller à l'université...échapper à un enfermement mental mortifère...



Parmi les aventures insensées de cette famille marginale, un épisode fort significatif : La mère doit faire subitement un parcours du combattant pour...enfin déclarer la naissance de ses enfants; ce qui ne paraissait

aucunement utile ni au père ni à la mère !. Tara, toute petite fille sera d'ailleurs fort intriguée par l'établissement et l'obligation sociale d'un acte de naissance lorsqu'un nouveau-né arrivait sur terre !!



"Nous sommes tous plus compliqués que les rôles qui nous sont attribués dans telle ou telle histoire. Rien ne m'a mieux révélé cette vérité que d'écrire ces mémoires – d'essayer de coucher les gens que j'aime sur le papier, de saisir toute leur signification en quelques mots, ce qui est naturellement impossible."



Ce qui est tout à fait remarquable c'est que l'auteure ne se place jamais dans le reproche, le larmoiement, l'aigreur...Elle parvient à transformer la toxicité de son milieu familial en "force", en résistance constructive... ! même si avec la violence récurrente,incontrôlable d'un frère aîné, niée par les parents, Tara doit se protéger toute seule... et fuir plusieurs fois...pour sauver "littéralement" sa peau !!



Parfois de la fantaisie, de l'affection, des rassemblements familiaux autour du chant ... et de la musique, Tara possédant une voix extraordinaire... cela amadouera un moment le Père, très fier...mais très vite, les reproches, les insultes, les crises de violence reprennent...



La sérénité ne peut exister dans cet univers où le Père contrôle,soumet, terrorise tout son monde entre sa religion et un comportement bi-polaire...Une mère double, ambiguë, sous la coupe de son mari, même si elle est indépendante par son métier de sage-femme et ses dons pour les plantes médicinales...elle est dans les fluctuations permanentes envers ses enfants: la tendresse , le déni , la peur du mari, mais aussi son extrême attachement envers lui, et l'abandon, la négation des besoins basiques de protection de ses "petits" , tour à tour...



La personnalité maternelle semble plus opaque à saisir...Le Père nous apparaît plus comme un bloc... terrifiant et indestructible, englué dans sa religion mormone comme ses déséquilibres personnels ...!!



Tara, heureusement, sera aidée de son incroyable volonté personnelle, mais aussi du soutien de professeurs, et d'une partie de la fratrie (plus tardivement)...



"Admettre l'incertitude, c'est reconnaître la faiblesse, l'impuissance, et croire en soi-même en dépit de l'une et l'autre. C'est une fragilité, mais il y a dans cette fragilité une force: la conviction de vivre dans sa propre tête, et non dans celle de quelqu'un d'autre. Je me suis souvent demandé si les mots les plus forts que j'ai écrits ce soir-là ne m'étaient pas venus non de la colère ou de la rage, mais du doute : je ne sais pas. Je ne sais tout simplement pas.

Ne rien savoir avec certitude, mais refuser de céder à ceux qui revendiquent cette certitude, c'était un privilège que je m'étais jamais accordé. le récit de ma vie était généré par d'autres. Leurs voix étaient fermes, catégoriques, absolues. Il ne m'était jamais venu à l'esprit que ma voix pourrait être aussi forte que les leurs." (p. 289)



Un parcours hors du commun que le chemin assumé par Tara, sa soif d'apprendre, de réfléchir, d'étudier l'histoire, de passer un doctorat, de s'interroger sur le mormonisme en le reliant à une réflexion plus vaste de la pensée et de l'histoire humaine...

Tara restera combative, déterminée, dans son double refus de trop accabler ses parents; de ne pas se complaire dans une victimisation stérile...La force des livres, des études, des rencontres bienveillantes, amicales et culturelles...



On ne peut qu'éprouver du soulagement et une immense admiration pour cette femme qui, en dépit des déchirements, d'une période de dépression intense...tombera, se relèvera, et cela, à moul treprises...finira par décider la séparation définitive avec ses parents et avec ce frère malfaisant...pour aller vers sa vie... et vers l'ouverture au monde !



Témoignage terrifiant de la toxicité que peut revêtir La Famille... sans omettre les pressions moralisantes excessives de la religion, infiltrant le péché ainsi q ue le mal dans tous les interstices de l'enfance de cette nombreuse fratrie...



Alors ...quel bonheur d'accompagner Tara dans ses batailles, ses réussites, l'obtention de bourses pour poursuivre ses études dans les universités les plus prestigieuses...Je vais achever ces lignes avec une brève citation...qui ouvre l'horizon , en offrant l'espoir et une vie autre pour Tara, grâce à son amour de la vie et de la Connaissance !!



"Toutes mes années d'études avaient existé afin que je puisse m'offrir ce privilège : voir et vivre plus de vérité que celles qui m'étaient données par mon père, et me servir de ces vérités-là pour me construire mon propre esprit."



Témoignage d'une grande force... difficilement oubliable !



© Soazic Boucard- Février 2019

Commenter  J’apprécie          7013
Une éducation

Une jeune fille mormone se bat pour s'instruire

*

Je trouve que c'est une autobiographie qui a réussi à me chambouler, à me faire naître des émotions si diverses. Pour moi, le pari est réussi.

*

Pas facile d'écrire sur Soi, sur son passé, de se souvenir de choses si enfouies dans le subconscient. Cette jeune fille, Tara Westover a sû trouver une force insoupçonnée en elle pour publier ses Mémoires. D'ailleurs on dit d'elle qu'elle est "mémoriste".

Et voilà, elle parle, elle chuchote, elle dévide toute son enfance passée dans sa famille mormone et survivaliste.

Dans la campagne de l'Idaho, au coeur des montagnes, la famille Westover s'est coupée des autres. Enfin, le père, patriarche, bipolaire et paranoiaque qui décide de tout et de tout le monde. La nombreuse fratrie dont on retiendra surtout le frère ainé (terrible et violent). Une mère compréhensive mais sous le joug du mari. Un métier ardu de ferblantier qui entraîne même les jeunes enfants dans une spirale de violence brute.

Bref, la vie de Tara n'est pas rose. Comment peut-elle s'émanciper de ce carcan de convictions rigoristes?

Elle y arrivera au terme d'une longue réflexion, d'un long travail sur soi sans perdre sa loyauté filiale. Certes, ses arguments envers une éducation libre s'ébranleront maintes fois. Mais elle garde le cap.

Toujours tiraillée, malgré le bannissement familial , Tara deviendra une femme apaisée et cultivée.

*

La force de ce récit réside dans cette absence de jugement. Ce n'est pas la religion ici qui est pointée du doigt mais bien plutôt l'histoire singulière d'une famille lestée d'un leader trop charismatique (le père). IL y a beaucoup d'amour dans ce clan.

Et surtout ce sont des souvenirs que Tara a déterrés, elle le précise régulièrement en notes de bas de page que justement les souvenirs ne sont pas toujours fiables. Elle est honnête.

La condition féminine est là en filigrane, à peine évoquée (la maman qui peut travailler sous certaines conditions édictées, les jeunes mères au foyer sans instruction, les jeunes hommes universitaires aux préjugés certains...)

*

Tout au long de cette lecture, je suis passée par des phases de colère, d'indignation, de stupeur, mas aussi d'espoir et de joie.

Un témoignage puissant qui montre que l'éducation familiale peut être aussi délétère que bienfaisante.

Une expérience qui instruit et nous apprend qu'ailleurs (les USA par exemple) l'herbe n'est pas aussi verte qu'on pourrait le penser.

*

Merci à Netgalley et JC Lattès.

Commenter  J’apprécie          550
Une éducation

Ce roman est un superbe témoignage de l'auteure sur sa vie, son éducation mormone, son choix d'entrer à l'université à 16 ans contre l'avis de ses parents.

J'ai commencé ce livre par curiosité sur le parcours atypique de l'auteure, j'avançais de surprise en surprise et une fois fermé, il a résonné pendant de longues heures dans ma tête.

Une grande fratrie de 7 enfants, une mère soumise au père, ce père a construit sa maison isolée, dans la montagne, la moitié des enfants n'a pas été déclarés à la naissance, et aucun ne va à l'école publique. L'éducation, à la maison est très succincte et se résume à la base (lire, ecrire, compter). Les enfants doivent aider le père qui recycle la ferraille et construit des hangars.

Tara comme ses frères et soeurs, est coupée du monde, à part ses grands parents "normaux", elle ne connaît que l'enseignement de sa mère et de son père, c'est à dire la médecine par les plantes et la bible mormone et surtout la Fin du monde, une vie en mode survivaliste bien poussé. Pas de médecin, pas d'école publique, rien qui n'a trait de prés ou de loin au Gouvernement.

Le père a une emprise sur sa famille impressionnante, il les commande, les soumet, exige d'eux une obéissance sans faille, il prêche à longueur de journée, il est intransigeant.

Et encore, ce résumé n'est qu'un survol du roman, il faut rajouter aussi un frère violent. Pas étonnant qu'a l'âge de 16 ans, contre l'avis de son père, elle décide d'entrer à l'université. Ce qui n'est pas gagné non plus car n'oublions pas qu'elle n'a jamais mis les pieds à l'école.

Il s'en suit une volonté de Tara impressionnante pour poursuivre sa voie car sa famille, son ignorance culturelle, sa difficulté à s'integrer à la vie normale en communauté seront autant d'obstacles à surmonter.

Un destin hors norme, une femme extraordianiare qui nous livre un témoignage poignant, une analyse pertinente de sa vie et de son évolution, sans jamais juger ses parents ou dénigrer la religion mormone. Elle raconte tout simplement sa vie, ses douleurs, ses bonheurs, ses découvertes, ses choix et leurs conséquences, car choisir c'est renoncer, mais un choix extrême est aussi un mode de survie.

La conclusion de son livre a eu une résonance particulière pour moi pour des raisons personnelles, elle a eu cette capacité de mettre des mots sur des ressentis qui me laissaient perplexes par rapport à des événements vécus et des choix faits.

Un roman pertinent, un témoignage unique, une écriture douce, sincère qui essaie de relater au mieux la vie de cette famille et celle de l'auteure sans rien cacher, un destin atypique, une volonté hors du commun.

Un gros coup de coeur pour ce livre et cette leçon de vie.
Commenter  J’apprécie          390
Une éducation

Une éducation Tara Westover J.C Lattès janvier 2019 #Uneéducation #NetGalleyFrance

Il aura suffit d'une phrase "je viens de terminer Une éducation , quel bouquin " pour que je me plonge dans ce texte."Ce livre est une œuvre de non-fiction écrite à partir des expériences et des souvenirs de l’auteur. Les noms de certaines personnes et d’autres détails permettant leur identification ont été changés pour protéger leur vie privée. L’auteur précise que, sauf pour quelques détails mineurs n’altérant pas la véracité des faits, le contenu de ce livre est véridique..."

Idaho années 1990, une communauté mormone. Une famille comme bien d'autres quoique.. Le père est charismatique, il prie, il s'exprime et tous lui doivent respect et obéissance. Tara est la dernière , élevée à la maison, sans certificat de naissance elle est en admiration devant ce père omniscient. Et puis un jour l'envie d'étudier ..

Comment vous parler de ce texte hallucinant quasi hypnotique ? je ne sais pas , donc je vous propose de lire les superbes critiques déjà publiées. Je sors de cette lecture sidérée au sens fort , ce texte se veut le plus précis possible dans la mesure où la mémoire sait être précise. Tara Westover rapporte des faits, ses souvenirs sans laisser la colère, la haine l'emporter. Elle aime sa famille et si elle a choisi de s'en éloigner c'est pour se construire et permettre à Tara de choisir qui elle voulait devenir.

Impressionnant !

Un immense merci aux éditions J.C Lattès pour ce partage.

Commenter  J’apprécie          373
Une éducation

Tara grandit dans le huis clos d'un micro monde réduit à la cellule familiale, sous la férule d'un père tyrannique en parole, inféodé qu'il est à une foi religieuse souveraine laquelle lui fait voir le reste du monde sous un jour satanique. Il est obsédé à la perspective de voir venir le "Temps de l'Abomination", une forme de châtiment régénérateur, jusqu'à développer des signes d'impatience. Il y prépare sa famille, faisant des stocks de vivres, eau, carburant et puisque nous sommes aux États-Unis, d'armes et de munitions. Cette expiation-là, il ne la conçoit que pour les autres. Un grand nettoyage de la planète corrompue qui ramènerait les enfants de Dieu à de meilleurs sentiments à l'égard de leur Créateur. Ses enfants à lui, au nombre de sept, sont instruits bon an mal an à l'école domestique, ne voient jamais le médecin et pour certains n'ont même pas été déclarés à la naissance. C'est le cas de Tara, une des deux filles de la fratrie. Lorsqu'à l'adolescence venue Tara comprend qu'il existe un autre monde, une autre réalité, il lui faut des trésors de courage pour affronter ses parents, leur faire admettre qu'elle a compris l'anormalité de sa condition et déclarer son intention d'accéder à cette autre réalité.



Ce qui frappe dans cet ouvrage, c'est la solitude de Tara. Elle est seule pour affronter ses parents et ce frère manipulateur qui la brutalise; seule pour se jeter dans le grand bain de l'inconnu, débarquant à l'université dans sa tenue de garçon de ferme quand les autres s'ingénient en coquetterie à suivre les modes. Personne ne l'attend dans cet autre monde où comme elle le dit elle-même "on a plus de chance de s'en sortir que si l'on ne compte que sur soi-même." Dans le micro monde familial elle voyait la vie au travers des yeux de son père; dans l'autre réalité elle doit tout découvrir par elle-même, repartir à zéro. C'est une renaissance, ou plutôt une autre naissance, avec seize ans de handicap. le handicap d'avoir eu une éducation rétrograde qui ne la préparait nullement à la vraie vie. A seize ans elle doit se concevoir une nouvelle conformation mentale, sous le regard incrédule de ceux qui ne sont pas encore ses nouveaux camarades, tant il faut qu'elle se défasse de la méfiance de tout et de tous incrustée dans son esprit par l'apprentissage indigent de son enfance.



Une éducation. Cet ouvrage ne pouvait avoir d'autre intitulé. Selon le dictionnaire, ce simple mot recouvre "l'art de former une personne, spécialement un enfant ou un adolescent, en développant ses qualités physiques, intellectuelles et morales, de façon à lui permettre d'affronter sa vie personnelle et sociale avec une personnalité suffisamment épanouie." Dans éducation il y a du savoir, mais pas seulement. Il a surtout du savoir être, du savoir faire. du savoir exister en société. Changeant de communauté en accédant au macro monde, Tara doit tout recommencer. Quelle force, quel courage pour parvenir, une fois le doctorat en histoire obtenu, à écrire un ouvrage qu'elle défend de voir comme un mémoire contre le mormonisme.



Car Tara conserve sa loyauté à l'égard de ceux qui l'on conduit dans cette impasse d'une vie fermée à la réalité du monde. Tout au long de son périple universitaire elle est restée fidèle à cette famille cloîtrée dans une dévotion aveugle au Tout puissant dont le seul interprète était son père. Elle se culpabilise même de ne pouvoir le convaincre du bien fondé de sa démarche ne reniant aucunement la foi religieuse. C'est son père qui coupe les ponts lorsqu'elle refuse sa bénédiction, qui n'était autre à ses yeux qu'une promesse de renoncement à la vie selon lui gouvernée par Satan. Elle conserve en son esprit cette idée de la dualité des réalités. Celle du micro monde familial auquel ses gènes la raccrochent, la retiennent, celle du macro monde extra familial que son père qualifie ironiquement de monde des Illuminati, manière de condamner leur dos tourné à la lumière divine. Un macro monde si vaste, pas seulement par ses dimensions mais aussi par son histoire, ses connaissances libérées de la soumission aveugle à ce qui ne reste qu'une croyance. Parmi d'autres.



On suffoque à la lecture de cet ouvrage à suivre Tara dans son parcours d'émancipation, à la voir se débattre pour concilier les deux mondes. Gravir les échelons dans les universités les plus prestigieuses du monde, dont Cambridge. Deux réalités pour lesquelles elle a dû, pour exister, se constituer deux personnalités qui s'opposent lorsqu'elle se confronte au miroir. Deux personnalités que son combat voudrait agglomérer en une seule et rendre compatibles afin de ne plus avoir, en revenant vers les siens, à franchir une frontière : la frontière de l'obscurantisme.



Tara est jeune. On comprend bien que cet ouvrage est une formidable échappatoire à son isolement. Sa véritable intronisation au nouveau monde. Son écriture a été rendue possible lorsque Tara a pu reconstituer cet édifice d'éducation qui lui a permis d'être audible et crédible à ce monde, à cette nouvelle réalité à laquelle nous appartenons nous autres lecteurs de pays laïcs, libérés que nous sommes, mais de façon fragile et précaire si l'on n'y prend garde, de l'obscurantisme par des siècles d'apprentissage humaniste.



Cet ouvrage n'a pas d'épilogue. A trente-quatre ans, en marge d'une famille encore de ce monde sous le diktat d'un père manipulateur, une mère aimante mais soumise et certainement un peu lâche, des frères et soeurs sous la dépendance, sauf peut-être Tyler à qui elle dédit cet ouvrage, Tara n'a pas terminé son combat ni désespéré de concilier ces univers et faire que les deux pans de son éducation se fondent en un seul. Pour vivre apaisée. Enfin.



Quand on voit cette jeune auteure intervenir dans les nombreuses interviews auxquels elle s'est livrée depuis la parution de son ouvrage aux Etats-Unis, y compris avec Bill Gates, quand on sait que son ouvrage a été plébiscité par Barack Obama, on a peine à imaginer que la "salle de classe de cette jeune fille n'était qu'un monceau de ferraille. Ses manuels des matériaux de récupération." Quand on l'entend chanter en chaire de la Northeastern University devant un parterre d'étudiants qui saluent son formidable parcours d'émancipation on est pris aux tripes par la limpidité de cette voix, qui fait comprendre qu'elle n'a pas rompu avec les anges, et par la gravité avec laquelle elle entonne son chant a capella qui ne fait que confirmer si besoin était encore de la sincérité de ses intentions. le timbre de cette voix fait rejaillir le même flot d'émotions qui nous envahit à la lecture de son ouvrage et qui pour ce qui me concerne à fait craqueler la carapace de rustre avec laquelle je protège maladroitement mon émotivité.



Une éducation est un ouvrage qui ne condamne pas. Il témoigne. Il déplore. Et peut-être espère-t-il encore. Une chose est sûre désormais, elle ne laissera personne écrire son histoire à sa place.



Je suis contraint en ce mois de décembre d'une année - qui pourrait donner des arguments au père de Tara en terme de punition divine appliquée à la fièvre consumériste de notre macro monde - de modifier mon profil Babelio. Cet ouvrage de Tara Westover bouscule le top 6 des ouvrages que j'ai lus cette année pour y figurer en bonne place : la première. Il y avait pourtant du lourd comme on dit ordinairement dans mes lectures de cette année, avec par exemple Rebecca de Daphné du Maurier. Mais j'ai donné la prime à la non fiction. L'autobiographique. le vécu. Quand il atteint cette force de saisissement.



Ce qui pose certes la question en terme d'avenir quant à l'écriture de Tara Westover de savoir si elle pourra avoir un prolongement, être le début d'une carrière littéraire. Car cet ouvrage, s'il vous prend aux tripes, est-ce seulement parce que l'on sait qu'il témoigne d'une éducation qui marginalise, qui ferme l'esprit ? En première réponse on peut dire que l'écriture quant à elle plaide à elle seule pour un prolongement. Ses mots disent le ressenti et transmettent l'émotion comme un diamant brut, sans perdre l'éclat de leur sens premier.
Commenter  J’apprécie          366
Une éducation

Tara Westover a passé toute son enfance en Idaho au sein d’une famille mormone, avec ses deux parents mormons et ses six frères et sœurs et a suivi une éducation particulièrement hors norme, ce qu'elle raconte dans un récit, aussi passionnant et dense qu'un roman paru aux éditions JC Lattès en janvier dernier.



Avant ses 9 ans tara n'était même pas reconnue officiellement ( aucun acte de naissance délivrée), et avant ses 16 ans, son seul cadre de référence était cette éducation parentale particulièrement normative et loin de la société traditionnelle



. La faute à un père qui imposait une vision du monde, particulièrement singulière et dangereuse dans laquelle le socialisme est responsable de tous les maux de la société, et signe de la grande dépravation des mœurs.



Paranoïaque, de plus en plus borderline et menaçant au fil des ans le père de Tara aura réussi à imposer cette conception archaïque et arbitraire du monde, cette vision que tous ceux qui ne pensent pas selon ses préceptes vivent dans le péché.



Cette éducation aveugle ( on pense un peu au film Captain Fantastic en plus effrayant) se faisait au détriment de la santé des enfants, la médecine traditionnelle étant bien entendue proscrite.



Une éducation est donc le récit d'une émancipation, quand à 16 ans, Tara décide de sortir de ce carcan et aller étudier à Harward pour prendre connaissance d'un monde totalement différent.





Dans l'Etat d'Idaho, s'improviser sage femme n'était pas illégal, mais ce n'était pas officiellement approuvé non plus. Si un accouchement se déroulait mal, une sage femme encourait des poursuites pénales pour exercice illégal de la médecine. Et si les choses s’envenimaient vraiment, elle s'exposait même à des poursuites pour homicide, voire à des peines d'emprisonnement.



Cette plongée dans l'inconnue, aussi effrayante qu'excitante, va évidemment totalement transformer sa perception du monde et Tara Westover nous raconte toutes ses étapes avec une écriture aussi nuancée qu'imagée.



La question de l'héritage familial et de la transmission est évidemment au cœur de ce récit aussi captivant qu'un roman, à lire pour mieux comprendre le monde et ses absurdités...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          320
Une éducation

L'enfance de cette auteure je l'ai découverte grâce à un article paru dans America #7 paru en Octobre 2018 consacré à La Foi et il m'avait fortement impressionnée.  Récit autobiographique d'un parcours au sein d'une famille de mormons de l'Idaho où la doctrine instaurée par le père, qui se révélera bipolaire, imprègne chaque enfant sous les yeux d'une mère silencieuse et effacée, soumise aux préceptes de son époux.



"J'avais toujours su que mon père croyait en un dieu différent. Enfant, j'avais conscience que si ma famille fréquentait la même église que tout le monde dans notre ville, notre religion n'était pas pareille. Les autres croyaient en la décence ; nous, nous la pratiquions. Ils croyaient au pouvoir de guérison de Dieu ; nous remettions nos blessures entre Ses mains. Ils croyaient en la préparation de la Résurrection ; nous nous y préparations véritablement. (p238)"



Tara revient sur le quotidien de sa famille, fait de violences, du rejet de la médecine et de toute intrusion du monde moderne (à part quelques exceptions). Vous pensez être au XIXème siècle mais il s'agit du XXème siècle, dans l'Idaho, aux USA, où l'enfant découvrira sidérée que deux buildings peuvent s'écrouler un 11 septembre, événement qui confortera son père dans l'idée d'une fin du monde proche. Ici, dans un environnement dessiné par les ferrailles qui envahissent les lieux et l'utilisation d'outils terrifiants que les enfants doivent manier, ils n'ont d'autre choix que de faire preuve de solidité à la fois physique et mentale, face à la dure loi d'un père fondamentaliste, qui voit partout des signes de l'urgence de vivre à l'écart, en auto-suffisance mais sachant également profiter du commerce des plantes de sa femme, pressentant une apocalypse et privant ses enfants de toute éducation car pour lui l'extérieur n'est qu'un lieu de perdition et de mensonges. Ils vivent à la manière d'un camp retranché, ne connaissant du monde extérieur que ce que le chef de famille leur dépeint de celui-ci. 



Certains des enfants souffrent de troubles psychiques ou physiques aggravés par le travail à la casse, où brûlures, blessures sont soignées le plus souvent grâce aux remèdes maternels, survivant parfois par miracle et qui au fil du temps provoqueront installeront un climat d'agressions et de peur.



Qu'il a fallu de force, de courage pour sortir de ce milieu, découvrir le monde extérieur avec parfois ce qu'il a de plus terrible encore comme l'Holocauste, les gens de couleur où même ce qu'est un livre de cours, l'algèbre et elle va peu à peu au prix de beaucoup de sacrifices découvrir ce qui peut, elle, la sauver. Elle va, grâce à l'éducation et l'enseignement mais surtout grâce à une volonté farouche, s'offrir une chance d'un autre destin, partant de très loin pour finir par passer un doctorat en histoire à Cambridge, mais pour cela il lui faudra faire des choix familiaux. 



Tara Westover revient sur son parcours, semé d'embûches, d'agressions en particulier d'un frère instable et imprévisible dont les parents préfèrent ignorer la réalité de son comportement, usant auprès des autres enfants de leur influence et pouvoir pour refouler les accusations portées contre lui. Elle va s'ouvrir au prix de sacrifices à un autre monde mais la découverte ne sera pas linéaire, elle sera faiet de doutes, de retours au bercail dans l'espoir d'un changement, d'un signe pour finir par comprendre que rien ne changera jamais et que son seul espoir c'est de se construire elle-même.



"Vous pourriez attribuer quantité de noms à cette individualité. Transformation. Métamorphose. Fausseté. Trahison.

J'appelle cela une éducation. (p466)"



Un roman d'une force incroyable à l'image de son auteure qui doute elle-même parfois de ses souvenirs, cherchant à être la plus exacte possible, ne cherchant pas ni à masquer ni à déformer ce qui peut sembler incroyable au XXIème siècle. On ne peut être qu'admiratif de la volonté dont elle a fait preuve, ne pouvant rien attendre de sa famille pour parvenir à sortir à la fois d'un milieu extrémiste et rétrograde pour accéder à la connaissance, à l'éducation qui lui ont ouvert les portes de la réflexion, du questionnement et du jugement sur le monde mais aussi sur elle et sur ce que fut son enfance.



Je n'ai pas été déçue, j'ai attendu pour le lire et j'ai beaucoup aimé ce témoignage sincère, éprouvant parfois par la violence décrite qu'elle soit physique mais également morale mais admirative face à une telle personnalité.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
Commenter  J’apprécie          232
Une éducation

Un témoignage très intéressant sur les mormons fondamentalistes. Mais avant tout un récit d'apprentissage, une émancipation, une "éducation".

Tara a un destin réellement hors du commun. Elle a grandit dans une famille de mormons fondamentalistes, n'est du coup jamais allée à l'école, ni n'a consulté le moindre médecin avant l'âge adulte. Elle a grandi en croyant que la fin du monde était proche, qu'il fallait s'y préparer et que la médecine, l'école publique et l'Etat étaient des ennemis. Tara, ainsi que certains de ses frères, a réussi à faire des études supérieures en passant des équivalences et en travaillant énormément pour rattraper leur retard. Cela lui a permis de s'éloigner de l'emprise familiale et de se rendre compte que le monde extérieur était tout autre que celui décrit et méprisé par ses parents.

Elle le dit au début, elle ne souhaite pas parler spécifiquement du mormonisme, ni en faire la critique. La situation est plus complexe que ça, son père ne se résume pas à un fanatique religieux, c'est aussi un manipulateur, bipolaire ou schizophrène dit-elle, qui a eu une telle emprise sur sa femme et ses enfants que ça a fait de sérieux dégâts sur la plupart d'entre eux.

C'est un témoignage vraiment terrible, empreint de beaucoup de violence physique et psychologique et bien sûr, sa "renaissance", le fait qu'elle ai réussi à s'en sortir aussi brillamment, malgré le prix à payer, est impressionnant.

Mais je ne sais pas exactement dire pourquoi, le fait que ça soit un témoignage et pas de la fiction (ce que je lis plus habituellement) m'a procuré moins d'émotion. Peut-être me rendre compte que tout ça est réellement arrivé à l'auteur rend le récit plus grave et m'empêche d'y voir du positif...
Commenter  J’apprécie          220
Une éducation

Tara Westover est née dans une famille mormone. A 7 ans : « Les autorités ignorent que nous existons. Quatre des sept enfants de mes parents n'ont pas d'acte de naissance. Nous sommes nés à la maison et n'avons jamais vu un médecin ou une infirmière. (…) J'ai été élevée au rythme de la montagne, un rythme dans lequel les changements n'étaient jamais fondamentaux, toujours cycliques. Nos vies décrivaient un cycle – celui d la journée, celui des saisons -, un changement perpétuel qui, une fois achevé, signifiait que rien n'avait changé du tout. »



Une enfance que l'autrice, devenue adulte, qualifiera de ‘'déstructurée'' entre une mère, herboriste, sage-femme clandestine et handicapée suite à un accident et un père bipolaire, devenu paranoïaque et survivaliste au milieu de la trentaine… A l'image de sa mère qui avait épousé un garçon à l'antithèse de ce souhaitait sa propre mère, Tara va se couper de sa famille et opter « pour une façade de respectabilité. (…) C'était la seconde rupture entre mère et fille. »



Une enfance hors normes pour la plupart d'entre nous (moi, sûrement ; vous, je ne sais pas…) qui me rappelle une de mes lectures coup-de-coeur, ‘'Le château de verre'' de Jeannette Walls. Mais, autant l'amour des parents de Jeannette Walls pour leurs enfants est évident dans les souvenirs de cette dernière, autant c'est surtout le fanatisme du père et la soumission de la mère qui transparaissent dans ceux de Tara Westover…



Cette très intéressante autobiographie se lit comme un roman. Il est hallucinant de voir ce style de vie au 21e siècle, de réaliser que des américains vivent coupés de la quasi-totalité de leur époque et de leur pays et de constater à quel point ils marginalisent totalement leurs enfants (« Il est surprenant que j'ai pu croire tout cela sans la moindre suspicion. le monde entier avait tort ; seul papa avait raison ») ; avec des conséquences irréversibles pour certains d'entre eux (l'un des frères est très violent et n'a aucun garde-fou) et qui marquent les autres à vie (« Je croyais, à l'époque – et une partie de moi y croira toujours -, que je devais faire mienne les paroles de mon père »).



Cette enfance atypique a-t-elle donné force et maturité à une adolescente de seize ans pour sortir du foyer familial et entamer un parcours libérateur ? Pour que l'autrice sorte de cette spirale il faudra des années et des études poussées jusqu'au doctorat, une lutte permanente et douloureuse entre la Tara qui veut s'émanciper et celle qui reste la fille de ses parents et des efforts continus pour ‘'coller'' au monde hors de son cercle d'enfance : « Je m'étais engagée sur le chemin de la conscience, j'avais perçu quelque chose d'élémentaire concernant mon frère, mon père, moi-même. Je sentais en quoi nous avions été façonnés par une tradition qui nous avait été léguée par d'autres, une tradition que nous ignorions, volontairement ou accidentellement. Je commençais à comprendre que nous avions prêté nos voix à un discours dont le seul objectif était de déshumaniser et de brutaliser les autres»…

Commenter  J’apprécie          213
Une éducation

Je dirais que l'ignorance provoque des certitudes sur lesquelles on peut vite se retrouver déconnecté de toute réalité, voire incompris par beaucoup de monde.

Mais de quoi provient cette ignorance?

Ici, cest le pouvoir de la religion qui fait croire aux gens qu'ils sont sur la bonne route mais nous allons encore en avoir une preuve avec Tara, une fille de mormons qui nous a écrit là une belle autobiographie.

"Une éducation" résume absolument bien le vécu de cette jeune fille qui a compris ce qu'il se passait dans sa famille mais comprendre n'est pas suffisant, il faut aussi en prendre conscience et se débarrasser de toutes ces émotions qui vous collent au corps. Je peux citer la colère, l'humiliation, la culpabilité et encore bien d'autres ressentis qui vous empêchent de vous développer en tant qu'individu.

Ce mémoire est une véritable source de savoir, on y trouve pas mal de vérités qu'on nous cache bien évidemment mais une chose est sûre, même si les mormons connaissent des informations "ultra secrètes" il reste que ces derniers sont dirigés sur une voie de garage bien établie en ce qui concerne leurs croyances limitées et limitantes.

J'ai vraiment passé un bon moment d'instruction avec ce récit et je ne regrette pas d'être allée jusqu'au bout de ce livre (malgré un début tellement long mais long pour moi ) et pour lequel je félicite l'auteure pour son courage et sa force d'émancipation. Chapeau bas Mme Westover.
Commenter  J’apprécie          210
Une éducation

Tara est la fille d’un couple mormon radical qui passe son enfance sans avoir accès à l’école ou à des soins médicaux, sans même avoir un acte de naissance.



Ce livre n’est pas un roman, mais un témoignage, terrible et poignant. L’autrice nous raconte son enfance et sa jeunesse, vécues dans les violences physiques et psychologiques. Ses parents, extrêmement religieux, survivalistes, sont persuadés que la Fin des Temps approche et que seule leur foi les sauvera lorsque le reste du monde, peuplé d’incroyants, sombrera. Des troubles mentaux, transmis à certains des enfants, sont évoqués rétrospectivement pour expliquer les délires millénaristes du père et les violences infligées aux enfants. Malgré tout, personne ne viendra en aide à cette famille, il faudra que Tara se prenne en mains seule et, après des années, sollicite cette aide pour que quelqu’un accepte de voir l’inacceptable.



Un témoignage glaçant, qui traite de fanatisme religieux et de paranoïa, mais aussi de dépression et de la lente reconstruction d’une jeune femme. J’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour Tara, j’ai été choquée par l’environnement dans lequel elle a grandi et plus encore par le fait que non seulement personne n’intervenait pour mettre les enfants en sécurité, mais que certains admiraient son père, au point d’en arriver à des dérives sectaires.



Une lecture très marquante, qui fait froid dans le dos, mais qui laisse entrevoir de belles lueurs d’espoir. Attention si vous êtes sensibles, beaucoup de scènes très violentes, qui ont vraiment eu lieu, sont décrites explicitement.
Lien : https://bienvenueducotedeche..
Commenter  J’apprécie          190
Une éducation

« Vous pourriez attribuer quantité de noms à cette individualité. Transformation. Métamorphose. Fausseté. Trahison. J’appelle cela une éducation. »

Ce sont les dernières phrases d’un récit autobiographique terriblement confrontant. Tara Westover, la benjamine d’une fratrie de sept, élevée au sein d’une famille mormone, témoigne d’une emprise parentale malsaine et manipulatrice. Au pied d’une montagne dans l’Idaho où ils habitent, le père, propriétaire d’une décharge, recycle de la ferraille et la mère, herboriste et sage-femme, s’occupe du foyer. Les deux observent les règles religieuses à la lettre et souscrivent en plus aux théories du complot, pratiquent le survivalisme et se méfient comme de la peste du système éducatif national, de la médecine moderne et du gouvernement fédéral américain. Jusqu’où va la loyauté familiale et qu’en est-il des obligations que l’on a envers cette même famille, une fois atteint l’âge adulte?

« Maintenant, à vingt-huit ans, je m’assieds à ma table de travail pour écrire, reconstituer l’incident à partir des échos et des cris d’une mémoire fatiguée. » Tara Westover dépose ses souvenirs, même les plus pénibles, dans cet ouvrage qui attise inévitablement l’empathie et une certaine forme de sourde compréhension envers ce que j’appellerais le frein à l’émancipation individuelle au cœur de la famille, que celle-ci soit bienveillante ou dysfonctionnelle.

C’est un des récits du genre les plus forts que j’aie eu à lire. J’ai souffert avec elle, j’ai pleuré avec elle, j’ai été découragée avec elle et j’ai vaincu, en quelque sorte, avec elle. Un exemple de résilience arrachée de haute lutte.

Commenter  J’apprécie          181
Une éducation

Tara est née dans l’Idaho à la fin des années 1980 au sein d’une famille Mormone.

Loin des clichés des unions polygames, le récit de cette jeune femme dépeint une enfance sans école, sans médecin, sans aucune forme de rationalité, ses parents remettant la vie de chaque membre de la famille dans les mains de Dieu. Le père est le gourou de cette secte, la mère sa fidèle mais pas toujours loyale assistante, les enfants, les endoctrinés.

Tara raconte des scènes effroyables : absence de consultation médicale après un grave accident de voiture, idem pour des brûlures très profondes, la classe à domicile réduite à sa plus simple expression, le rejet de toute vie sociale par ricochet.

En grandissant, Tara va développer son propre point de vue et va s’affranchir de sa famille en passant par mille déchirements et états d’âmes. Sa première étape sera l’inscription à l’université (sans dossier scolaire !) où elle apprendra tout ce qui l’éloignera de sa famille.

Le style est splendide. Il épouse à merveille les magnifiques descriptions de la parcelle d’Idaho qui voit grandir Tara mais aussi les universités de Oxford puis Cambridge. L’auteure se donne beaucoup de mal pour faire percevoir l’incroyable vie parallèle que ses parents lui ont fait vivre mais aussi ses doutes, ses sentiments torturés. Parfois contemplative, parfois dans l’urgence et le désespoir, Tara tâche de devenir elle-même et de se protéger, hésitant souvent puisque le corollaire est la perte de l’amour de ses parents.

Une situation cornélienne qui sert le cœur du lecteur. Un très bon roman

Commenter  J’apprécie          130
Une éducation

Une autobiographie qui se lit comme un roman tant la vie de Tara Westover , née en 1986, nous paraît inimaginable au XXI e siècle !



Enfance et adolescence dans l’Idaho , dans une famille de Mormons dans laquelle le père, un fondamentaliste fanatique , devenu à la trentaine survivaliste et paranoïaque, fait vivre sa femme et ses sept enfants à l’écart du monde : pas d’école, pas de médecin, pas de médicaments, pas d’identité légale même pour les derniers , non déclarés à l’état civil. On se prépare à la fin du monde…Une mère totalement sous la coupe de son mari , un frère aîné violent et manipulateur, obligée d’aider son père ferrailleur en manipulant des outils dangereux : c’est peu de dire que le milieu familial est toxique !



Grâce à un autre frère parti pour faire des études, Tara va décider elle aussi de s’instruire et , contre l’avis de son père, elle pénètre à 16 ans pour la première fois dans une salle de classe.

La deuxième partie du livre nous fait vivre le parcours de Tara découvrant la réalité du monde, entamant un cursus universitaire impressionnant mais doutant toujours d’elle-même et de sa légitimité, et cherchant toujours malgré tout à resserrer les liens avec cette famille qui la rejette, ses parents qu’elle aime malgré leurs défaillances.



Un récit d’émancipation, un témoignage terrible, qui cherche à comprendre mais jamais ne condamne, ni jugement ni règlement de compte. Un livre que je vais pas oublier de sitôt .



Commenter  J’apprécie          113
Une éducation

Roman autobiographique



Tara est née dans une famille mormone en Idaho. Son père et sa mère sont plus fanatique que la communauté qui les entoure. Interdiction de médecine traditionnelle et on ne tolère que l’école à la maison. En réalité, Tara, sa sœur et ses frères ne font que errer en montagne et travailler pour leurs parents. À l’âge de 16 ans Tara décide de passer outre les crise paranoïaque de son père et la violence d’un de ses frères pour aller au Collège mormon puis à l’université. Elle se trouve confrontée à un monde qui lui est totalement étranger.



C’est l’histoire d’une jeune fille qui se sent déchiré entre la fidélité à sa famille et le désir d’apprendre. Elle veut comprendre et se permettre de regarder la vie d’une façon différente de ce que lui ont inculqué ses parents. Un excellent roman sur la construction de soi, un réel hommage à la valeur de l’éducation.

Commenter  J’apprécie          110
Une éducation

Le raz-de-marée littéraire de 2018 aux États-Unis. Un succès bien mérité selon moi. Educated, c'est l'autobiographie de la jeune Tara Westover qui s'est extirpée de sa famille de survivalistes de l'Idaho grâce à ses études. Une peinture violente et noire de ce milieu extrémiste - pas si exceptionnel que cela en Amérique - et de la masculinité toxique d'un frère tout puissant. Le père malade et dépressif, la mère herboriste qui refuse la médecine. Bref, Tara Westover est un miracle à elle toute seule et son parcours est finalement assez représentatif de celui des transfuges de classe. Avec pour (grosse) différence la toxicité absolue de cette famille qu'elle a dû fuir tant bien que mal. Édifiant.
Lien : https://tomtomlatomate.wordp..
Commenter  J’apprécie          110
Une éducation

C’est à nouveau grâce aux bons conseils d’une collègue que je me suis penchée sur ce titre dont je n’avais jusque là pas du tout entendu parler. Et quelle lecture !



Malgré sa forme de roman, Une éducation est avant tout un témoignage réel, un récit de vie, une autobiographie de Tara Westover, jeune femme née dans la montagne de l’Idaho. Dernière de 7 frères et sœurs, elle grandit dans une petite maison isolée où sa mère apprend le métier de sage-femme et où son père entretient ses convictions survivalistes. La famille est de confession mormone et le père, paranoïaque, tient tout son entourage à distance du gouvernement. Si les premiers enfants du couple ont été reconnus légalement et ont pu expérimenter l’école publique pendant quelques années, Tara elle, reçoit de plein fouet la maturation de l’éducation voulue par ses parents : elle est née dans la montagne, elle n’existe pas aux yeux de la loi, elle n’apparaît dans aucun document officiel, elle n’a jamais vu aucun médecin et n’a jamais mis un seul pied en classe. Le père contrôle tout et il ne vaut mieux pas le contrer.



Dans ce texte, Tara revient sur ses jeunes années et l’amour indéfectible qu’elle portait à tous les membres de sa famille. Très proche d’un de ses frères de quelques années son aîné, elle découvre la musique et notamment le chant. C’est le déclic pour la prise de conscience qu’un monde étonnamment riche existe en dehors de la maison et de la ferraillerie de son père. Tara comprend que son mode de vie n’est pas le seul et que ce n’est peut-être pas le meilleur. Elle perçoit petit à petit les failles de sa famille, l’autorité et les névroses du père, les forces et faiblesses de cette mère qu’elle prenait jusque là pour modèle, la possessivité et la violence d’un frère.

L’adolescente hésite, se cache, met un pied dans des situations qu’elle ne connaît pas, a honte de sa trahison, perçoit sa gaucherie et sa différence, dépasse les frontières du monde connu. Elle fait un pas en avant, parfois deux en arrière. Elle a peur du jugement de sa famille mais finit tout de même par tenter de passer des examens de fin d’étude, elle qui n’a jamais été scolarisée de toute sa vie et, par détermination, par force morale, par courage, Tara s’adapte à cette autre vie (elle doit tout apprendre des conventions sociales par exemple) et s’émancipe petit à petit du carcan qui l’emprisonnait depuis sa naissance.



Une éducation c’est le témoignage du courage d’une jeune fille qui, envers et contre tout, s’éduque. C’est ce choix difficile entre une famille qui a été notre Tout pendant de nombreuses années et le monde, riche et différent, qui s’ouvre à nous. C’est l’hésitation entre la fidélité à ses parents et la construction de soi. Doit-on suivre aveuglément les convictions et préceptes de sa famille ? Peut-on (doit-on) s’en détacher pour suivre sa propre voie ?

Ces questionnements sont d’autant plus intenses lorsqu’ils surviennent dans des milieux qui vivent l’extrême. La famille de Tara est de confession mormone mais elle le dit elle-même, ils ne vivent pas comme les autres mormons dont le père ne supporte pas les faiblesses (ils font appel à des médecins, vont à l’école, les jeunes filles portent des jupes courtes (!), les femmes travaillent…). Tout est poussé à l’extrême dans la maison dans la montagne, Tara et ses aîné.e.s subissent un « embrigadement » intense dès le plus jeune âge. Il est dès lors encore plus admirable que l’adolescente ait pu avoir le déclic pour s’en sortir.



Certains passages m’ont laissée sans voix et même si je suis persuadée de l’amour des parents pour chacun de leurs enfants, certaines scènes équivalent à mon avis, à de la maltraitance physique et morale. Lorsqu’un des frères est brûlé au troisième degré, lorsque toute la famille a un grave accident de la route dont la mère sort avec une commotion cérébrale – qui lui laisse des séquelles de très longs mois -, lorsque Tara se blesse à la ferraillerie… le père est intraitable : pas de médecin, pas d’hôpital ; la nature fera son œuvre et seuls les remèdes aux plantes de sa femme sont tolérés.

J’ai parcouru ce témoignage avec beaucoup d’émotions, un sentiment de révolte et d’indignation parfois… mais aussi, et c’est ce que j’ai envie de retenir, la certitude que l’on peut se sortir de tout cela, si l’on a le bon déclic (si l’on croise la bonne personne) et si l’on est assez fort.e pour affronter les difficultés. En tournant la dernière page, j’ai eu l’impression que Tara Westover avait eu envie de me dire : « Croyez en vous, ne baissez pas les bras même si c’est dur, même si tout le monde semble contre vous, persévérez et ce sera payant au bout du compte, c’est promis ! ».



Le témoignage n’est pas un genre que j’ai l’habitude de lire – j’ai plutôt de mauvais a priori – mais force est de constater que certains me touchent de plein fouet, comme celui de Tara. Il faut dire aussi que pour une jeune femme n’ayant appris à lire/écrire que très tardivement et n’ayant commencé à fréquenter une salle de classe qu’au moment où la majeure partie la quitte sans regret, c’est sacrément bien écrit (traduit en l’occurrence). C’est vif, parfois introspectif, très immersif et surtout vraiment émouvant. Une lecture qui force l’admiration et pousse à se dépasser.
Lien : http://bazardelalitterature...
Commenter  J’apprécie          100
Une éducation

Tara Westover, la plus jeune d’une fratrie de sept enfants, est née dans l’Idaho. Son père (Gene) mormon quelque peu fondamentaliste, attend de pied ferme le « jour de l’abomination » (la fin du monde, quoi !) et refuse dans son intégralité la civilisation du Diable (école, médecine etc …) Quatre de ces enfants (dont Tara) n’existait même pas aux yeux de l’administration américaine, parce que non déclarés par leurs parents … Ça s’est d’ailleurs un peu compliqué lorsqu’ils ont eu besoin de certificats de naissance, la mère (Faye) n’étant plus très sûre du jour exact, voire du mois de leur venue au monde !… Cette dernière est une sage-femme (non diplômée, évidemment …) qui exerce en toute illégalité à la demande de son tyrannique époux, faisant le désespoir de la grand-mère (LaRue).



Leur univers, c’est la montagne (Buck’s peak). Leur ennemi, c’est l’état (et les fédéraux). Sept enfants qui grandissent tant bien que mal, en plein délire paranoïaque (le père a vraiment tout du bipolaire -non diagnostiqué bien sûr …) Tara Westover retrace une enfance rude et traumatisante dans les années quatre-vingt dix, ce qui semble aujourd’hui à peine imaginable, durant laquelle de nombreux accidents de parcours – relativement graves – auraient pu coûter la vie à plusieurs d’entre eux … Son témoignage est bouleversant de courage et d’humanité. Prise entre deux feux : sa décision d’aller à l’encontre de l’éducation de son père (afin d’accéder à des études) et la menace de Gene de la renier si elle ne rentrait pas au bercail, elle fera le choix de privilégier son avenir … Finalement trois d’entre eux s’éloigneront de ce géniteur toxique et psychologiquement instable, malgré l’amour qu’ils portent à leur famille … Tara restera toutefois assez proche de son frère Tyler, qui a toujours eu sa préférence. Un récit sidérant, qui semble sorti tout droit de la nuit des temps …
Commenter  J’apprécie          90
Une éducation

Les plus belles lectures sont sans doute les plus inattendues.

C'est du moins ce que semble me dire mon expérience littéraire récente, avec la découverte de pépites comme Into the Forest de Jean Hengland dont je ne cesse de vous rebattre les oreilles, ou très récemment, Educated de Tara Westover.



Educated, c'est l'histoire de Tara, la sixième fille d'une famille de sept enfants qui vit péniblement de l'exploitation de ses terres au fin fond de l'Idaho, engoncée dans des croyances religieuses étouffantes et une paranoïa toxique.

Tara n'est jamais allée à l'école. Elle a tout juste appris à lire avec sa mère. L'éducation publique est un complot des autorités pour embrigader la jeunesse en lui faisant croire les pires mensonges.

Elle n'a jamais non plus mis les pieds dans un cabinet médical. La médecine, c'est une arnaque monumentale, une manipulation, et même un danger, si elle en croyait son père.

Et elle le croyait. Jusqu'à un certain point. Jusqu'à ce qu'elle prenne la décision d'aller à l'université sans avoir passé la moindre minute de sa vie dans une salle de classe, de se faire elle-même sa propre éducation, de quitter cette vallée où elle a passé dix-sept ans.



Et qu'est-ce que c'est touchant.



Ce qui compte le plus à mes yeux dans un récit, peu importe son genre, c'est sa voix. Sonne-t-elle juste ? Résonne-t-elle en moi ? Avec quelle force ? Rien n'est plus marquant qu'un propos porté de façon sincère et engagée, peu importe sa teneur, peu importe le sujet qu'il aborde. Et laissez-moi vous dire que vous n'êtes pas prêts d'oublier la voix de Tara Westover dans Educated.



Jamais la jeune femme ne verse dans le sensationnalisme ou le mélodrame, jamais elle ne devient amère ou insultante jamais ses parents, jamais elle ne fait de faux procès d'intentions à qui que ce soit. Ce n'est pas pour autant qu'elle va nier les violences physiques et surtout psychologiques que lui ont infligées les membres de sa famille, mais sa voix reste juste, équilibrée, délicate.



Bien sûr, le chemin est loin d'être sans encombres, mais le livre est tout sauf naïf, et loin de donner un message basique du style "c'est dur mais t'es encore plus dur" ou "ce sont les obstacles qui font la beauté du parcours", il délivre au contraire la vérité d'une trajectoire unique, particulière, humaine, faite de contradictions et d'atermoiements, avec des moments de doute aussi sinon encore plus émouvants que les grandes réussites. Tout est raconté avec une grande simplicité, dans une démarche qui se veut aussi honnête que possible.



Les souvenirs sont le matériau le plus fragile et le moins objectif qui soit, et l'auteure s'en sort particulièrement dans son long et pénible travail de reconstitution, de reconstruction, de réconciliation avec son propre passé. C'est à la fois terriblement pénible à lire mais aussi impossible à lâcher, captivant, passionnant, tant cette réalité décrite nous est éloignée et pourtant paradoxalement parlante.



Nous ne savons pas et ne saurons jamais ce que signifie grandir dans une famille survivaliste et apprendre à dix-huit ans seulement l'existence de l'Holocauste ou de Martin Luther King, mais nous savons ce que c'est que vouloir nous trouver, nous accomplir, nous donner les moyens d'être nous-mêmes. Pour Tara, cela passera par admettre enfin ce que sa famille lui a fait pour aller de l'avant, travailler, travailler énormément, apprendre tout ce qui lui a été refusé, faire la lumière sur tout ce qu'elle est capable de réussir. Pour nous, qui sait, c'est à nous de le découvrir. Et c'est grâce à des ouvrages aussi poignants, violents et bouleversants qu'Educated que cette tâche est possible. Alors, pour cela, merci Tara Westover.
Lien : https://mademoisellebouquine..
Commenter  J’apprécie          90




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Tara Westover (622)Voir plus

Quiz Voir plus

Une bouteille dans la mer de Gaza de Valérie Zenatti

Par quel événement débute le récit?

un attentat en Israël
un attentat en Palestine
un meurtre en Israël
un meurtre en Palestine

30 questions
1590 lecteurs ont répondu
Thème : Une bouteille dans la mer de Gaza de Valérie ZenattiCréer un quiz sur cet auteur

{* *}