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Critiques de Thomas Hardy (636)
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Loin de la foule déchaînée

Quel livre mes amis, quel livre !



Entre mes mains depuis à peine 48h et je peux vous certifier que mes deux dernières nuits furent courtes et enfiévrées, et mon attention au travail bien dissipée. Qu'ils sont rares ces livres qui détiennent ce pouvoir presque surnaturel de nous emporter, nous humbles lecteurs, vers de telles transes, nous faisant négliger nos repas, nous rendant sourds à notre entourage, siphonnant toutes nos pensées, toutes nos émotions et nous faisant désirer une seule et unique chose : rester seuls avec eux, dans l'intimité de leurs pages fébrilement tournées, à la découverte de leurs secrets et dans l'attente de leur dénouement.



Ma rencontre avec "Loin de la foule déchaînée" de Thomas Hardy a commencé il y a déjà plusieurs mois. Ce roman - qui n'évoquait alors pour moi qu'un titre sur la liste interminable des classiques de la littérature - a soudain pris une forme très concrète quand j'ai visionné par hasard la bande-annonce de sa nouvelle adaptation cinématographique, réalisée par le danois Thomas Vinterberg. En moins de deux minutes, alors que mon sang se figeait et que mon cœur faisait un bond dans ma poitrine, j'ai littéralement été happée par l'esthétisme de la photographie et par le souffle qui se dégageait des quelques plans entraperçus. Ce fut comme un coup de foudre. Aussitôt, je me suis lancée dans une quête effrénée pour dégoter le roman, hélas en rupture d'édition - ou disponible d'occasion, à prix d'or...



Pendant deux mois, comme une amoureuse transie, tous mes espoirs ont reposé sur le bon vouloir des maisons d'édition à rééditer ce grand classique, en vue de la sortie du film. Il me semblait impensable que pas une d'entre elles n'ait le bon sens, que dis-je, l'intelligence de le ré-éditer. Après de longues semaines de veille, mon espérance fut enfin récompensée, merci à Archipoche. Victoire ! Aussitôt, une pré-commande est passée à ma libraire, très étonnée de tant d'enthousiasme.



Le 13 mai devait être pour moi le début de ma félicité. Je connaissais désormais par cœur les bandes-annonces disponibles sur la toile et leur jolie musique résonnait continuellement à mes oreilles. Hélas, comme c'est trop souvent le cas quand le destin veut jouer avec nos nerfs et la raison nous amener à plus de tempérance, ma libraire mit presque deux semaines à m'obtenir le Graal. Aussi tendue qu'une arbalète, j'ai bondi à son appel et me suis immédiatement plongée dans ma lecture ; une lecture qui a dépassé toutes mes espérances.



Oui, chers amis, c'est maintenant le moment - enfin ! soupirez-vous légitimement - de vous parler de ce grand, beau, exceptionnel roman qui, n'ayons pas peur des mots, fait désormais partie des plus belles œuvres qu'il m'a été donné de découvrir jusqu'ici.



Familière de la littérature anglaise du 19ème siècle, j'ai savouré comme on boit du petit lait la plume si juste, si belle et si vraie de Thomas Hardy, un grand écrivain qui eut le malheur de ne se voir reconnu comme tel qu'après sa mort - le sort commun des grands artistes. J'ai été agréablement surprise par sa modernité et par sa capacité vraiment extraordinaire à plonger son lecteur dans son univers - le terroir anglais - sans recourir à de nombreuses descriptions ni aux habituelles digressions assez caractéristiques de la période. "Droit au but" semble avoir été la devise qui a guidé sa plume, ce qui explique sans doute en grande partie le peps donné au rythme du roman. Vraiment, je me demande ce que le scénariste de Thomas Vinterberg a bien pu réaliser pour justifier son cachet tant Hardy semble avoir lui-même écrit un scénario juste... parfait.



Je connais un autre grand homme de lettres anglais qui n'aurait sans doute pas désavoué ce roman : William Shakespeare, excusez du peu. En effet, la trame de "Loin de la foule déchaînée" m'a fait penser tout au long de ma lecture à une subtile et harmonieuse alliance, parfaitement équilibrée, entre une tragédie et une comédie du grand Will. Il y a sans conteste du "Roméo et Juliette" entre ces pages, comme il y a du "Beaucoup de bruit pour rien", avec cette touche personnelle de Hardy qui retranche au drame ses nuances les plus fortes pour les créditer au compte de l'authenticité et du romanesque.



Vrai, j'ai peu dormi depuis deux jours, j'ai peu mangé et peu travaillé mais j'ai fait un tel voyage, avec de tels personnages, avec une telle figure de femme, que la seule manière de me consoler de l'avoir si tôt achevé est de me précipiter mercredi dans une salle obscure.



Vous l'aurez compris, je recommande chaudement ce roman ; c'est plus que jamais un coup de cœur, l'un de mes plus violents et passionnants.





Challenge de lecture 2015 - Un livre avec un triangle amoureux

Challenge XIXème siècle 2015
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Tess d'Urberville

Un grand roman que Tess d’Uberville, tant de la littérature anglaise que mondiale. Il fait même partie des 1001 livres qu’il faut avoir lus dans sa vie. Je dois admettre que ce n’est pas le genre d’œuvre que j’affectionne particulièrement. Mais il s’agit de plus que d’une histoire d’amour, c’est le tragique destin d’une héroïne dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. Mais pas dans les milieux nobles ou petits bourgeois bien connus, l’auteur Thomas Hardy nous transporte plutôt chez les gens de la terre.



Tess Durbeyfield est la première née d’une famille de pauvres paysans du Wessex. Apprenant qu’elle tire son origine de la noble famille des d’Uberville et étant soudainement nécessiteux, elle entreprend naïvement de demander l’assistance de ses lointains et riches cousins. Alec d’Uberville accepte de lui venir en aide avant de profiter d’elle. Honteuse, elle retourne chez les siens le ventre gros mais ne se plaint pas. C’est qu’elle est travailleuse. Que ce soit aux champs pour aider les siens ou dans un ferme laitière du côté de Talbothays où elle trouve un emploi. D’ailleurs, là, une deuxième chance s’offre à elle en la personne d’Angel Clare, fils cadet d’une famille de pasteurs.



Beaucoup se seraient dérouragées mais pas Tess Durbeyfield. Quelle héroïne ! Toujours, elle retrousse ses manches. Même (et d’autant plus) quand le sort s’acharne sur elle. C’est qu’elle n’est pas tant victime d’un tragique destin que d’une société fortement hiérarchisée (presque en castes) où chacun doit tenir son rôle. Cette situation engendre des injustices que Thomas Hardy a bien su exploiter et montrer à la face de l’Angleterre victorienne si pudique qui ne permettait pas aux femmes de jouer les rebelles. Oppression sociale au rendez-vous ! Pas étonnant que son roman ait connu un tel succès et que, longtemps après sa parution, l’on continue à l’étudier et le décortiquer.



Même si, avec Tess d’Uberville, Hardy trempe dans le romantisme, son roman n’en contient pas moins plusieurs scènes qui relèvent du réalisme. Il a su dépeindre avec précision le travail des paysans (dans les champs, dans les fermes laitières), celui des petits bourgeois et des prêcheurs ainsi que celui des gens plus fortunés. Le lecteur se retrouve devant une peinture sociale très réussie. Et ses élans dramatiques trouvent leur dénouement dans une finale des plus réussies. Décidément, un grand classique !
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Tess d'Urberville

Oh my Lord, what a book!

Les occasions sont rares, quand on ouvre un livre, de non seulement sentir dès les premières pages qu'on va vraiment l'aimer comme un bon vin qui a de la cuisse, mais en plus de découvrir un grand auteur vers lequel on aura plaisir à revenir.



Un double bonheur que je viens de vivre avec ce "Tess d'Urberville", d'une richesse savoureuse : tragédie, roman social, romance douloureuse, roman de terroir, roman psychologique, roman politique aussi sur la condition des femmes, "Tess" est tout cela à la fois.



La narration est extraordinairement fluide, cinématographique, rythmée par le déroulement des saisons dans la campagne anglaise dont on sent chaque odeur, chaque couleur et chaque pierre des chemins que Tess parcourt de vallée en vallée. Par son destin tragique, le personnage de Tess a un caractère intemporel qui marque durablement la mémoire, le tour de force de Thomas Hardy étant d'avoir évité d'une plume subtile la mièvrerie à cette jeune fille qui paiera cher sa naïveté première.

Magnifiquement écrit, intelligent, captivant, "Tess d'Urberville" est un grand classique!
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Loin de la foule déchaînée

J'ai relu le livre après avoir vu le merveilleux film réalisé en 2015 où l'acteur Mathias Schoenarts joue le rôle de Monsieur Oak. Il porte bien son nom celui-là. Son jeu est formidable, il fait passer toutes les émotions dans son visage et sa stature.

J'avais lu " Loin de la foule déchaînée" il y a quelques années mais j'avais perdu le livre. Je me le suis reprocuré depuis quelques temps et en lis une petite partie de temps à autre pour me changer les idées entre deux lectures.

L'impression reste la même : ce que je ressens est toujours aussi intense.

Thomas Hardy nous décrit à merveille une campagne anglaise du XIXème siècle.

Nous y rencontrons notre héroïne Batsheba Everdene qui semble être désireuse de rester indépendante hors mariage.

Elle sera entourée de trois hommes : Monsieur Oak, de condition plus modeste qu'elle et qui lui témoigne un amour totalement désintéressé.

Monsieur Boldwood, son châtelain de voisin qui tombe dans le panneau d'un jeu amoureux de Bathsheba et lui offre mariage et protection.

Le sergent Troy pour qui elle va perdre la tête emportée par ses sens.

Passion, drames, amour, solidarité entre hommes amoureux éconduits, condition de la femme.

On y lit tout cela dans le roman de Thomas Hardy.

Le roman, merveilleusement écrit rejoint le film en intensité.

Ce n'est pas tous les jours qu'on lit une pareille lecture.

La première fois que je l'avais lu, je n'avais pas su le lâcher.

Quand j'ai vu le film, j'ai été complètement enchantée.

En relisant le livre, je me suis dirigée vers les scènes les plus intenses comme celle où le troupeau de Mr Oak va être anéanti et d'autres comme celle où Fanny rate l'église de son mariage puis, j'arrête, je vais tout raconter.



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Tess d'Urberville

Pour avoir découvert qu’il est le descendant de l’illustre lignée des chevaliers d’Urberville, John Durbeyfield se pique de noblesse et envoie sa fille Tess entre les griffes d’un lointain cousin et véritable séducteur. La jeune fille a plus d’éducation et d’honnêteté que ses parents et se réclamer d’une lointaine parente lui fait horreur. « L’orgueil de Tess lui rendait le rôle de parente pauvre particulièrement antipathique. » (p. 45) Mais pour offrir son aide à sa famille, elle accepte la place que lui propose Alec d’Urberville et subit son odieuse séduction.



Plusieurs années plus tard, pensant avoir expié sa faute et pouvoir mener une vie nouvelle, elle prend une place d’aide dans une laiterie et y rencontre Angel Clare, fils de pasteur qui apprend le métier de fermier. En dépit de l’affection réciproque qui la lie au jeune homme, Tess s’estime inférieure et déclassée et elle met longtemps à accepter la demande en demande de son amoureux. « Je ne veux pas me donner le grand bonheur de vous promettre d’être à vous parce que je suis sûre que je ne dois pas le faire. » (p. 227) Quand elle se rend enfin aux tendres arguments d’Angel et que le mariage approche, Tess craint que sa faute passée nuise à son bonheur futur. « Je ne me sens pas tranquille. […] Je puis être châtiée plus tard de toute cette chance par un tas de malheurs. » (p. 267) Foncièrement honnête, Tess ne peut s’empêcher d’avouer son ancienne souillure à Angel. Répondant ainsi aux mauvais présages qui ont entouré les noces des deux jeunes gens, l’aveu est un cataclysme. Angel sera long à pardonner la faute et la confession tardive. De son côté, Tess se désole une nouvelle fois de ses errances passées et attend sans espoir le pardon de son époux. « Elle pleura sur l’homme aimé, dont le jugement soumis aux conventions sociales avait causé tous ces derniers chagrins. » (p. 387)



Tess est d’autant plus vertueuse qu’elle a péché et s’est repentie. Elle est une victime expiatoire à plusieurs degrés : elle expie d’abord pour avoir été séduite dans sa jeunesse, mais elle expie également pour toute la lignée des d’Urberville dont elle est pourtant la digne héritière au vu de sa noblesse de cœur. John Durbeyfield et son épouse Joan se piquent de grandeur et échafaudent des projets imbéciles sur des ambitions avinées, grossières et paresseuses qui causent la perte de Tess. « C’est bon d’être parent à un carrosse, même si vous roulez pas dedans. » (p. 33) Contrairement à son père qui se donne du Sir John, Tess mérite cette ascendance glorieuse à qui elle redonne un lustre et une fraîcheur toute naturelle. Le roman célèbre d’ailleurs la nature et la pureté d’avant le progrès et critique fortement les machines agricoles qui dénaturent le travail et dévoient les hommes.



Je voulais lire ce roman depuis longtemps et je ne suis pas déçue. Voilà un très bon roman anglais du 19° siècle sans rapport avec ceux de Jane Austen que j’apprécie beaucoup par ailleurs. La critique de la société y est moins ironique, plus franche et plus sinistre. Tess d’Urberville est une héroïne sacrifiée pour laquelle – c’est très palpable – son auteur a beaucoup d’affection. Impossible de ne pas compatir aux nombreux malheurs de la jeune fille. La plume de Thomas Hardy est solide et puissante. Si la morale distillée tout au long du texte a de quoi agacer par son côté définitif, il faut souligner qu’elle était parfaitement novatrice pour l’époque et c’est bien ce qui a valu à Tess d’Urberville d’être si largement censuré lors de sa publication.

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Loin de la foule déchaînée

"Quel livre mes amis, quel livre" ! Oui, je sais vous avez déjà lu cette exclamation quelque part !

Ma Chère Gwen , si je me permets de reprendre tes mots pour débuter cette critique, c’est avant tout pour te remercier de m’avoir incitée à lire cet auteur dont je ne connaissais jusqu’à présent que le nom.



Qu’ai-je aimé dans ce livre ? Tout ! L’histoire bien sûr mais surtout les protagonistes.

L’héroïne avant tout, sensible, courageuse, émancipée, Bathsheba est une femme d’une rare beauté, qui fait tourner la tête à tous les hommes. Thomas Hardy en fait à mon sens l’une des figures les plus attachantes de la littérature.



Les personnages masculins, bien que plus ternes ne sont pas dépourvus d’intérêt. Ils sont trois à espérer conquérir le coeur de Batsheba : Gabriel Oak, Boldwood le propriétaire terrien et le sergent Francis Troy.

Force est de constater qu’en plus de son talent d’écrivain Thomas Hardy est un fin psychologue qui dissèque les moindres traits de caractères de ses héros et réussit à nous les rendre attachants malgré leurs défauts.



« Loin de la foule déchaînée » fait partie de ces rares livres qui marquent une vie de lecteur alors, laissez-vous convaincre, ne passez pas à côté de ce chef-d’œuvre !







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Les Forestiers

"Let me bring you songs from the wood

To make you feel much better than you could know..."

(Jethro Tull, "Songs from the Wood")



Thomas Hardy m'a toujours fait penser un peu obscurément à Jane Austen, avec la typologie de ses personnages et ses trames tissées de façon aléatoire, qui propulsent ses héros (souvent malgré eux) de la situation A à la situation B. Mais à une Jane Austen plus sombre et pessimiste, dont la proverbiale ironie ne fait pas rire à chaque fois, voire pas du tout.

"Les Forestiers" n'est pas le roman le plus connu de Hardy, et très probablement pas son meilleur non plus... mais c'est sans doute mon préféré.



C'est un livre de grands contrastes - le plus grand étant celui entre la belle littérature et la triste réalité. Et Hardy sait travailler les deux avec un raffinement que défie toute concurrence. Son récit tient ensemble grâce à un ingénieux mécanisme de petits et grands événements et d'imprévisibles ironies de la vie. Rien n'est écrit sans raison : le moindre mot, la moindre description de feuille d'un arbre sont importants, car vous pouvez parier que plus tard ils auront encore leur place dans l'histoire.

Les destins de ses personnages se croisent et s'influencent sans cesse, chaque action est une roue dentée qui met en mouvement une autre, et tout se dirige lentement vers d'inévitables et terribles affrontements. Mais malgré cette construction majestueuse, les personnages des "Forestiers" ne manquent pas d'authenticité : déceptions, trahisons, grands amours, jalousies, haines meurtrières et surtout terribles erreurs banales qu'on a tous connu et regretté au moins une fois dans notre vie.



L'histoire elle-même pourrait paraître presque ennuyeuse, car qui s'intéresse encore aujourd'hui aux conventions sociales du 19ème siècle ? Aux descriptions de paysages, forêts, vergers, maisons couvertes de vigne vierge ? Beaucoup de travail, peu d'amusement... et aucun érotisme !

Mais peu importe, car Hardy compose son portrait des habitants d'un petit village perdu dans les bois avec une étonnante intemporalité. On peut voir "Les Forestiers" comme un roman social typiquement victorien sur les ambitions de ceux qui veulent s'élever au-dessus de leur condition, mais c'est surtout une histoire sur les petites tendances calculatrices propres à n'importe qui à n'importe quelle époque... alors qui oserait s'en moquer ou les condamner complètement sans rougir ? Qui n'a jamais fait des efforts pour n'obtenir que le meilleur ? Hardy écrit sur les girouettes que le moindre souffle de vent fera tourner dans une direction opposée... et sur les rocs qui restent vaillamment en place même lors d'un tremblement de terre.

Les uns - M. Melbury, sa fille Grace ou le docteur Fitzpiers changent d'opinion et de direction prévue plus vite qu'il ne faut pour le dire, sans se soucier des conséquences que cela provoquera dans leur entourage. Et les autres, le loyal Giles ou la humble Marty, vont vous surprendre par leur solidité à toute épreuve. La question reste si cela leur apportera le bonheur qu'ils méritent.



Un étonnant contrepoint est aussi créé d'une part par les plaines fertiles qui sentent le miel et le cidre fermenté, et de l'autre par les charmantes forêts échevelées du Wessex, froides, menaçantes et pourtant belles. Je crois que je ne connais pas dans la littérature anglaise un meilleur peintre-paysagiste que Hardy.

Et plus ses anciennes collines verdoyantes frémiront au crépuscule, et plus cruels seront les déceptions et les compromis devant lesquels la vie mettra les "forestiers". Leur chassé-croisé amoureux est presque frustrant... un mot, un geste, une simple explication pourraient tout changer ; vous devenez pleins d'espoir, puis non... vous entendez juste une fois de plus Hardy ricaner méchamment derrière votre dos.

Essayez, vous verrez peut-être même sa moustache tressauter... ! 5/5
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Loin de la foule déchaînée

J’ai beaucoup aimé ce roman. L’histoire est belle, les personnages sont bien décrits, on se les imagine aisément tant la narration est soignée. Thomas Hardy nous décrit l’histoire d’une jolie femme et de trois hommes qui l’aiment chacun d’une façon différente. Il dissèque avec beaucoup d’acuité les personnalités de chaque protagoniste, leurs qualités et leurs défauts, leur conception de la vie et de la société.



En plus de sa beauté, Batsheba a un caractère bien trempé; bien-sûr, elle doit faire ses preuves en prenant les rênes de la ferme mais elle sait ce qu’elle veut et sait s’entourer, apprend à négocier les prix pour vendre ses récoltes, demande de l’aide quand elle hésite.



Elle ne se contente pas d’être jolie, ce n’est pas une écervelée, donc pas de cliché, elle doit faire ses preuves comme un homme pour se faire respecter, n’hésitant pas à mettre la main à la pâte et c’est sur son action que son entourage la juge. « Sa voix était singulièrement harmonieuse et attachante : c’était un son léger et tendre, fait pour inspirer le roman, une de ces voix fréquemment décrites, rarement entendues. »



L’auteur nous décrit bien cette femme, un peu en avance par rapport à la société de son époque, qui parfois fait des actes inconsidérés

Thomas Hardy nous offre, dans ce roman, une belle réflexion sur la société en général, sur le destin, la loi de causalité (ou l’effet papillon), sur l'être et le paraître, sur le statut de la femme au XIXe siècle, (cf. une phrase terrible sur la maltraitance P 348), sur le rôle de l’Eglise, sur l’amour et ce qu’il peut faire faire aux gens lorsqu’il est excessif ou non partagé ; il rend hommage au monde agricole qui vit au rythme des saisons, des intempéries, respectant la nature. S’inspirant de son Dorset natal, il a inventé un lieu, le Wessex, pour situer son histoire et il le décrit tellement bien, qu’on a l’impression de faire partie du décor et de l’histoire.



Dans un style narratif magnifique, l’auteur nous fait partager son amour de la terre, avec des belles descriptions de cette campagne verdoyante, dans laquelle galopent les chevaux, paissent les brebis ; comment les gens travaillent dans les champs, dans des conditions bien différentes de nos paysans actuels, la moindre erreur pouvant avoir des conséquences terribles sur les récoltes. Une sagesse innée de la Terre qui semble tellement loin de nos jours.



J’aime beaucoup cet auteur que j’ai découvert, avec énormément de plaisir autrefois, avec « Tess d’Urberville ». L’écriture est belle, mélodieuse ; les descriptions sont à couper le souffle, il n’y a pas de longueurs, les phrases roulent, s’enchaînent comme le galop des chevaux ou le rythme des saisons. Je rends hommage, au passage, au cinéaste danois Thomas Vinterberg qui est resté très proche du roman, ne l’a pas dénaturé.



Donc un nouveau coup de cœur, et l’envie de lire ses autres romans, notamment « Jude l’Obscur », le titre à lui-seul est une invitation au voyage. Un seul regret : l’avoir laissé attendre trop longtemps dans la bibliothèque…



Note : 9,4/10 challenge XIXe siècle
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Les Forestiers

Je ne sais pas pour vous mais moi la forêt est vraiment un lieu qui ne peut me laisser indifférente. Elle peut être à la fois si accueillante et si inspirante, et d'autres fois si inquiétante et si mystérieuse... Et le pire réside sans doute dans le fait qu'elle peut être tout cela à la fois en un laps de temps fort court. Je me souviens par exemple parfaitement de m'être perdue en forêt au cours d'une randonnée et d'être passée en quelques secondes d'un état d'harmonie à un état de panique totale. Un beau soleil, des châtaignes sous vos pieds, des mousses fascinantes sous votre main et tout semble parfait, puis, d'un seul coup, un gros nuage, un bruit insolite, le vent dans la feuillée, l'écho d'un tir de chasseur et l'enchantement devient cauchemar, vous passez du décor de Blanche-Neige à celui du projet Blair Witch.



C'est dans cette ambiance ambivalente de la forêt que Thomas Hardy implante son roman "Les forestiers". Lui qui d'habitude offre à l'imagination de son lecteur des paysages de collines et de prés s'étendant jusqu'à l'horizon et de vastes champs fait ici le choix de l'inviter dans un contexte aussi exhalant qu'oppressant, sous le couvert des bois. La ruralité y est toujours très présente, notamment avec la découverte des industrieux hommes et femmes qui vivent (ou survivent) des fruits de la forêt et de l'exploitation du bois mais pour cet auteur qui affectionne particulièrement la nuit et l'action nocturne, l'ambiance se fait particulière.



Grace Melbury est la fille d'un marchand de bois plutôt prospère qui lui a fait donner de l'instruction par ambition. De retour de pension, la pauvre jeune fille est aussi à l'aise dans son milieu natal qu'un funambule débutant sur son fil. Attirée par ses racines et ses amours juvéniles mais vouée par son père à une autre destinée, prétendue plus brillante, elle se laisse voler les choix capitaux de son existence et est rapidement entraînée dans un drame sentimental contre lequel elle n'est pas armée et qui lui coûtera son rêve de bonheur et ses grandes espérances.



Ambition, adultère, jalousie, vengeance forment le terreau de ce très beau roman qui compte donc parmi les œuvres noires de l'auteur. Les personnages principaux sont comme d’habitude très bien campés, leur psychologie finement analysée et s'il émerge fugacement des sombres circonstances du récit le sentiment de l'honneur, de l'amour et de l’honnêteté, il est toutefois insuffisant à faire des "Forestiers" un roman optimiste.





Challenge 19ème siècle 2016

Challenge Multi-Défis 2016
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Tess d'Urberville

Il se passe toujours quelque chose de merveilleux lorsque j'entre dans un roman de Thomas Hardy. Tess d'Urberville fait partie de ces lectures que je n'oublierai jamais. Je l'ai lu il y a très longtemps, je l'ai relu tout récemment. Je ne sais pas si c'est celui que je préfère car il est très sombre. Loin de la foule déchaînée est forcément plus solaire et m'avait emporté dans l'ivresse de l'odeur de la campagne anglaise et les braises mêlées à la lumière des personnages.

Tess d'Urberville aurait sans doute rêvé de goûter à cette lumière. Cela ne faisait sans doute pas partie de son chemin.

Jeune paysanne innocente placée dans une famille, Tess Durbeyfield est séduite puis abandonnée par Alec d'Urberville, un de ses jeunes maîtres. L'enfant qu'elle met au monde meurt en naissant.

Dans la puritaine société anglaise de la fin du XIXe siècle, c'est là une faute irrémissible, que la jeune fille aura le tort de ne pas vouloir dissimuler. Dès lors, son destin est une descente aux enfers de la honte et de la déchéance...

Thomas Hardy possède cet art subtil de savoir poser un sujet, construire une histoire, déployer une narration. Ici le récit se met en place pas à pas, comme si c'était un puzzle que l'auteur nous invite à construire en nous délivrant au gré des pages quelques-unes des pièces. Thomas Hardy est un incroyable peintre des beaux personnages de ce livre et de leurs sentiments parfois complexes.

La manière de dérouler le rythme des saisons enchante l'écriture du récit.

Tess d'Urberville est cette femme dont le destin m'a touché au coeur. À cette seconde lecture, je me surprends encore naïvement à vouloir imaginer qu'elle finira par être heureuse, qu'elle s'en sortira bien de tout cela. Mais une petite voix en moi me dit que je me trompe et me ramène au texte.

Pourquoi ?

Tess demeure tout au long de l'histoire cette femme simple, digne, étonnée par ce qui lui arrive. Il me semblait qu'elle était née cependant pour être heureuse.

Le malheur vint plus tard.

Le malheur né des hommes.

J'aurais voulu qu'elle soit heureuse comme cela, sans le malheur qui venait sur elle, malgré elle. J'aurais tant voulu qu'elle se rebelle devant le sort qui s'acharnait contre elle... Mais à quel endroit aurait-elle pu trouver la force de se révolter ? Et contre qui ? Contre quoi ? Tout était écrit peut-être déjà, malheureusement...

J'aurais tant voulu inverser le cours des choses pour cette femme.

Je ne saurai dire pourquoi, la première fois que j'ai lu ce roman, la naïveté de cette jeune fille m'avait presque laissé indifférent comme de l'eau glissant sur les plumes d'un colvert, tandis que cette fois-ci je crois bien avoir réussi à traverser les pages du livre et lui saisir la main afin de la réconforter...

C'est un très beau roman, sombre et cruel. Un véritable chef-d'oeuvre de la littérature anglaise.
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Tess d'Urberville

25, c'est le nombre de fois où Thomas Hardy fut pressenti pour être récipiendaire du prix Nobel de littérature et si cette donnée peut légitimement nous étonner, personnellement je m'étonne encore plus du fait qu'il ne l'ait jamais obtenu !



Je pense que ce qui me fascine le plus dans un roman de Thomas Hardy, ce très grand auteur, c'est la façon dont le récit se met en place avec la logique et la complexité d'un puzzle mais sans jamais céder pour autant à la facilité, sans tirer des ficelles grosses comme des cordes et sans tomber dans un pathos de mauvais aloi. La beauté des caractères et des comportements dans toute leur pluralité psychologique et sociologique vient de l'incroyable réalisme avec lequel l'auteur dépeint ses personnages.



Ce faisant, comme ne pas être ému(e) par une Tess d'Urberville ? Une femme simple et digne, belle et sincère ? Issue d'une famille misérable, notre héroïne, mieux éduquée et avertie aurait sans doute échappé aux atavismes héréditaires et aurait alors connu un destin moins sombre et surtout moins impassible face aux circonstances navrantes qui, de malheurs en épreuves, vont la mener à sa perte.



Née pour être un ange, Tess se laissera accoutrer de la nature d'une pécheresse, subissant les événements, manquant d'analyse et de moyens pour échapper à son destin de proie. Convaincue d'attirer sur elle le malheur comme une juste récompense d'une faute commise sur elle par un autre, Tess ira de non-choix en concessions, ne découvrant en elle que bien trop tardivement la force de la rébellion.



Un très beau roman bien que plus sombre et plus cruellement crédible que beaucoup d'autres du même auteur. Thomas Hardy s'est vu refuser les honneurs du Nobel sous prétexte que son oeuvre globale était jugée trop noire, une justification bien vaine selon moi et qui fait fi du précieux caractère naturaliste de sa prose.





Challenge PAVES 2015 - 2016

Challenge ABC 2015 - 2016

Challenge 19ème siècle 2015
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Jude l'obscur

Réputé être, avec "Tess d'Urberville", son roman le plus sombre, "Jude l'obscur" permet une fois de plus à Thomas Hardy d'explorer à fond la psychologie sociale de ses personnages, dans un contexte de mutation des idées plus rapide que celle des institutions.



Portrait aussi émouvant qu'éprouvant d'une ambition avortée, "Jude l'obscur" trace la biographie fictive d'un héros qui a sans doute dû s'incarner dans un grand nombre d'individus désireux de s'extraire de leur milieu natal pour s'élever dans la société en tablant sur leurs facultés et leur espérance en un monde plus égalitaire, plus libre et plus juste.



Obscur, Jude l'est dès sa naissance.

Orphelin, enfant recueilli malmené, employé à faire fuir les corneilles dans les champs, cet émule de Gavroche et d'Oliver Twist s'accroche très jeune à une illusion brillante comme une étoile : l'idée qu'adulte il pourra étudier à l'Université et exercer une profession intellectuelle. Acharné au travail, apprenant le grec et le latin en autodidacte, il fera tout ce qu'il est humainement possible de faire pour parvenir à son but. Hélas, c'est sans compter sur la ruse et la médiocrité de son entourage. Piégé dans un mariage malheureux, Jude - homme intègre et honorable s'il en est - verra petit à petit son étoile décliner et l'atavisme social le rattraper. Devenu tailleur de pierre, Jude attache désormais tout espoir de bonheur à l'amour profond qu'il voue à sa cousine Suzanne, jeune femme moderne aux idées indépendantes et qui se rit du scandale.



"Jude l'obscur" le bien-nommé, celui qui parti de rien a tout désiré, qui de l'ombre a cheminé vers le soleil jusqu'à s'y brûler, est un personnage littéraire hors du commun qui suscite chez le lecteur une très forte empathie, voire une réelle affection. Délicat de terminer l'oeuvre sans larme à l’œil ! La fin du 19ème siècle livre une fois encore son contexte social charnière hautement intéressant, entre traditions et idées nouvelles. L'écriture de Thomas Hardy - dois-je encore en chanter les louanges ? - donne enfin à ce récit une densité dramatique exceptionnelle, aussi riche que la philosophie et aussi profonde que la religion, une atmosphère à rapprocher définitivement de l'univers shakespearien.



Si je préfère ses romans moins noirs, je ne peux que reconnaître à Thomas Hardy une maîtrise parfaite de son métier d'écrivain, sublimée par sa grande sensibilité de poète et son inaltérable intérêt pour l'homme et sa destinée.





Challenge BBC

Challenge 19ème siècle 2016
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Loin de la foule déchaînée

Loin de la foule déchaînée, au cœur de l'Angleterre rurale, dans une région verdoyante et vallonnée, paissent les moutons.

Atmosphère bucolique, paysages paisibles et tout aussi abrupts, abandonnés au vent, à la pluie et au chant des oiseaux.

Immensité du ciel, vaste voûte versatile, tantôt porteur azuré d'espoir au-delà des collines, tantôt messager inquiétant d'une sombre tourmente.

Là, paissent les moutons, vivent les bergers et travaillent les fermiers.



Loin de la foule déchaînée, la vie s'écoule tranquillement, au rythme des saisons, des récoltes de blé et d'orge, au son des clochettes attachées au cou des brebis, au son des meuglements d'une vache qui vêle, au bruit des sabots d'un cheval au galop.





Et sur ce cheval au galop, se tient Bathsheba Everderne. Fière amazone, belle et retentissante !

A leur première rencontre, le berger Gabriel Oak dira d'elle : « Vanité ».



Vaniteuse, coquette, orgueilleuse, inconséquente...Autant de défauts qui ne sont pas en la faveur de Bathsheba.

Et pourtant, combien de cœurs fera-t-elle battre ? Combien d'amoureux transis ravagera-t-elle ?

Fière et indépendante, la demoiselle héritière d'une importante ferme aime à voir tous les yeux braqués sur elle, se pique de l'indifférence, mais jamais ne se donne.

Jusqu'au jour où …





Junie a bien raison lorsque, dans sa critique, elle compare notre héroïne à Scarlett O'Hara.

Maîtresse femme, intelligente, ambitieuse, enjôleuse et égoïste...

Mais sans doute la comparaison s'arrête-t-elle là. Autant l'insupportable Scarlett ne recule devant rien et ne se remet jamais en question, autant Bathsheba peut se mettre à douter, à s'interroger sur le bien-fondé de ses actions.

Autant on s'amuse du caractère frondeur et antipathique de la brune aux yeux verts de Margaret Mitchell, autant on se soucie à chaque nouvelle bévue de l'indomptable héroïne de Thomas Hardy.





Sa détermination, son « sale caractère » et sa vulnérabilité en font une héroïne bien attachante et j'ai eu beaucoup de peine à voir les pages qui défilaient et qui m'amenaient vers l'inexorable fin du roman.

Une toute fin qui, selon moi, n'est pas à la hauteur de l'ensemble du roman.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Loin de la foule déchaînée est vraiment un très beau roman et je remercie ( à l'unisson avec d'autres membres de Babelio) Gwen21 qui m'a donné envie de le lire par son ardente critique !

Bien évidemment, je n'ai qu'une envie maintenant, voir l'adaptation cinématographique de ce roman qui, j'en suis certaine, ne me décevra pas !





Il est temps pour moi de conclure...même s'il reste tant à dire ! J'aurais pu aussi vous parler de Gabriel Oak, ce berger droit et dévoué, de William Boldwood, riche fermier entiché de Bathsheba mais aussi de leur rival Francis Troy, soldat séducteur, séduisant mais si peu fiable !

Mais vous parler d'eux ne ferait que dévoiler l'intrigue et je m'en voudrais beaucoup de vous gâcher le plaisir de découvrir par vous-même cette histoire si romanesque et si passionnante.



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Loin de la foule déchaînée

Thomas Hardy dessine un juste portrait de l'Angleterre du 19ème siècle, éclairé par son écriture poétique et des descriptions très imagées.



De sa prose riche et avec un humour corrosif parsemé de références bibliques et mythologiques, il utilise le décor naturel inégalable de l'Angleterre rurale nous offrant une immersion totale dans son univers.



Les personnages sont décrits avec pertinence et une grande analyse psychologique. Il fait ressortir leurs forces ainsi que leurs faiblesses, leurs qualités et leurs défauts.

Thomas Hardy nous raconte une histoire d'amour, un triangle amoureux de ceux qui déchaînent des souffrances. Il met en lumière les tourments amoureux des personnages tiraillés par leurs passions et leur fragilité face aux revirements de situation.



En conteur redoutable, plus affûté que jamais, très en avance sur son temps il évoque les coups du sort, la condition d'une femme indépendante et affranchie et l'amour dans ses formes les plus sacrées ou destructrices.





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Tess d'Urberville

"Tess d'Urberville" est l'un de ces livres que l'on peut difficilement oublier...J'ai vraiment adoré ce roman ; son histoire captivante nous mène au fin fond de l'Angleterre, dans le petit village de Marlott, John Durbeyfield vient d'apprendre par le pasteur Tringham qu'il est le descendant de la vieille famille des Urberville, composé de chevaliers et autres grands conquérants. Sir John va alors raconter cette nouvelle à sa femme et ses enfants et Tess, l'aînée, va devoir se rendre chez une famille parente située près de Kingsbere. Elle y rencontre donc Alec, son cousin, qui, après l'avoir séduite, l'abandonne. Tess, humiliée et méprisant désormais Alec, donne naissance à un enfant qui meurt peu de temps après.

Voulant oublier définitivement sa vie passée, elle se fait engager dans la laiterie de Talbothays où elle fait la connaissance de trois autres laitières : Marianne, Izz et Retty ainsi que de celui dont elle va s'éprendre, Angel Clare. Le bonheur arrive enfin pour Tess, cependant, le malheur viendra vite gâcher ses premiers émois amoureux et l'éloignera de celui qu'elle aime...



Quelle bonne surprise ! J'ai particulièrement aimé l'évolution de la vie de Tess, cette pauvre héroïne si malchanceuse, avec une préférence, j'avoue pour les époques "Le Renouveau" et "La Conséquence", les plus belles, d'après moi, et bien évidemment les plus heureuses du roman. Quant aux personnages, j'ai ressenti beaucoup de pitié à l'égard de Tess, mais je me suis finalement attachée à elle ; de même, Angel a été pour moi un personnage attachant. Enfin, les trois laitières, Liza-Lou et Mrs. Joan Durbeyfield m'ont aussi touchées.



Pour conclure, je voudrais dire que ce magnifique roman, bien que tragique, est un véritable chef-d'oeuvre de la littérature anglaise, dont l'auteur, Thomas Hardy, est, pour toujours, entré dans la lignée des brillants écrivains.



A lire absolument !
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Les Forestiers

Françoise Héritier disait de ce magnifique roman de Thomas Hardy, Les Forestiers, qu'il était le livre de sa vie, celui qui l'avait bouleversé.

La littérature classique anglaise m'apparaît toujours avec ce charme particulier, je ressens ce plaisir que je ne sais jamais bien définir. L'autre matin, j'écoutais sur France Culture Mona Ozouf évoquer cette particularité qui la touche aussi, elle trouvait avec justesse les mots pour décrire la littérature anglaise du XIXème siècle, disant que "celle-ci faisait entrer l'Histoire dans le concret des vies, faisait descendre le politique dans le domestique. Il y a chez les romanciers anglais, un sens du concret, du détail, de la saveur, de la couleur, du grain des choses..."

Voici le troisième roman de Thomas Hardy que je lis. Autant vous l'avouer sans détour : cette rencontre fut un enchantement.

Ici nous sommes au rythme de la forêt, ceux qui travaillent ici dépendent de cette ressource quel que soit leur niveau social : propriétaires forestiers, bûcherons, négociants, cidriers... Jusqu'à ces étroites chaumières où des femmes taillent à coup de serpe de petites baguettes à usage domestique... J'ai trouvé cette fresque sociale peinte avec beaucoup de finesse et de justesse. On s'y croirait.

Et puis il y a l'amour... C'est une histoire anodine à première vue, mais violente lorsqu'on avance dans ce roman, violente comme la passion, non pas une passion exacerbée, mais quelque chose de contenu, une force souterraine tout au long du récit. Violente et poignante.

L'intrigue repose sur trois fois rien, quoique Thomas Hardy n'en finit pas de nous égarer dans les méandres de l'âme humaine, de démêler les fils ténus qui sous-tendent cette histoire, qui emportent dans un destin partagé plusieurs personnages aux velléités parfois différentes.

Il y a tout d'abord ce personnage principal qui m'a totalement séduit, cette jeune femme Grace Melbury qui revient dans son village natal, Little Hintock, après ses études à la ville. Son avenir est déterminé par une promesse faite entre son père et celui de Giles Winterbone, décédé. Grace et Giles sont promis l'un à l'autre, c'est décidé, c'est écrit, ils se marieront. Mais voilà, Grace a grandi. Elle a découvert, hors des frontières de son village, une tout autre vie, d'autres rêves, d'autres horizons...

Et puis, un autre homme, en la personne d'un certain Edred Fitzpiers, médecin, beau, irrésistible et troublant, va en décider autrement et venir troubler ce chemin si bien tracé d'avance...

Grace appartient au milieu des forestiers, mais elle est déchirée entre deux mondes, comme si elle venait brusquement d'une autre classe sociale, comme si elle était devenue autre... Elle entre dans cette histoire avec cette déchirure.

Les personnages, leurs itinéraires qui se croisent, se vivent au rythme de la forêt, celle-ci est tantôt apaisée, tantôt tourmentée, tantôt rebelle ou mystérieuse.

J'ai aimé le personnage de Giles Winterbone, élégant et rustre, ce fiancé pressenti, promis à Grace, admirable forestier, taiseux magnifique, fidèle dans son amour, d'une noblesse de coeur, avec un rapport aux arbres qui est touchant, tandis qu'Edred Fitzpiers, le médecin qui courtise Grace, est si éloigné du coeur et des préoccupations de la jeune femme. Si éloigné des arbres aussi.

Vous l'aurez compris, derrière les ramures et les feuillages, parmi les sapins, les hêtres et les chênes, se dessine une sorte de triangle amoureux.

Quatuor amoureux plutôt puisqu'il y a aussi la belle et mystérieuse Felice Charmond, la châtelaine qui réside tout là-haut à Hintock House, traversant le paysage parfois furtivement, dans son carrosse noir, laissant deviner à travers la vitre opaque un visage énigmatique...

Dans une ambiance rustique, c'est aussi un roman aux accents modernes, dans la manière qu'a l'auteur de vouloir rompre les codes amoureux établis, dont souffrira Grace Melbury tout au long du récit, contre lesquels elle se battra, aidée du reste par l'entremise de celui qui l'aime et qu'elle aime, Giles Winterbone.

J'ai beaucoup aimé aussi le père de Grace, ce père qui voudrait aider sa fille à sa manière ; à certains moments il s'indigne des règles qui condamnent une femme une fois mariée à devoir se résigner à jamais, s'accommoder de son sort en silence. J'ai beaucoup aimé ce père, austère et digne.

Les personnages secondaires sont également attachants, comme cette Marty South, jeune fille pauvre du village, aux cheveux magnifiques et tant convoités...

La distinction des différences sociales ici est forte, dévastatrice, dicte les destins amoureux, imprime des chemins irrémédiables qui vont à la fois rassembler, séparer, unir, désunir, rendre malheureux en définitive. Chercher la compassion.

Thomas Hardy est un peintre, au geste ciselé, touchant l'intime des coeurs. C'est une peinture aux touches délicates. Peindre l'âme, c'est un peu aussi peindre une forêt, aimer l'âme humaine, c'est presque le même rapport aux arbres.

C'est fin, c'est intelligent.

Parfois je me suis demandé ce que Grace Melbury serait devenue si elle s'était emparée de son destin d'une toute autre manière, se révoltant contre les biens pensants, la bienséance, le poids d'un monde façonné par les hommes, si tant de fois on n'avait pas décidé pour elle...

Parfois aussi le destin est capricieux, tient à trois fois rien ; à quelques millimètres près à l'échelle romanesque, le sort d'un amour peut peut être sceller dans un sens comme dans l'autre...

Elle est au milieu du gué, déchirée entre deux chemins possibles et cela rend ce roman d'une incroyable beauté.

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Jude l'obscur

Sombre et tourmenté, mais aussi résolument moderne, ce roman nous emmène dans les pas et les pensées de Jude, obscur orphelin dans un obscur village anglais qui ne peut se résigner à ce qu'il perçoit comme la médiocrité de sa vie...



C'est d'abord les études qui le font rêver, et il s'acharne bravement à apprendre les rudiments de latin et de grec après ses journées de travail éreintantes. Puis, quand il comprend que les études ne veulent pas de lui comme il voudrait d'elles, c'est sa fantasque et brillante cousine Suzanne qui prend le relais dans ses rêves et ses idéaux...



Tout est compliqué pour un être aussi tourmenté et déchiré que Jude, le métier, l'amour, les institutions, la santé... De même d'ailleurs que pour sa cousine, bien plus intelligente et libre de pensées que lui, mais tout aussi tourmentée et déchirée.



Si j'ai infiniment apprécié la modernité de la critique sociale et le quasi-féminisme de l'ouvrage, ainsi que le style de Thomas Hardy, j'avoue que les tergiversations et les atermoiements sans fin des héros m'ont quelque peu agacée. Difficile de croire qu'ils veulent sortir de l'obscurité quand on voit comme ils s'y complaisent, la décortiquent et s'arrangent pour y rester ! Un peu à la façon de Solal et Ariane dans Belle du Seigneur, même si leurs histoires n'ont rien de commun.



A lire donc à la fois pour la critique sociale et l'ouverture d'esprit de Thomas Hardy, mais aussi peut-être pour se mettre en colère contre ces personnages caractérisés uniquement par leurs doutes et leurs hésitations, et du coup pouvoir avancer dans ses propres réflexions !



Challenge XIX 7/xx
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Tess d'Urberville

Thomas Hardy commence la rédaction de son roman en 1888. Il signe un contrat avec un groupe de journaux pour qu'il soit publié sous forme de feuilleton comme c'est l'habitude pour beaucoup d'oeuvres à cette époque. Mais lorsqu'il livre les six premiers épisodes, son histoire est jugée immorale et il est obligé de rompre à l'amiable le contrat éditorial. Après maintes coupures et réécritures au goût de l'époque, « Tess d'Urberville » parait en juillet 1891. A la fin de l'année, l'auteur réussit à se faire éditer la version originale non censurée sous la forme de trois volumes destinés à un public moins populaire et donc plus à même d'apprécier certaines situations sans les condamner. le roman changea plusieurs fois de titre pour s'appeler successivement : « l'Âme et le corps de Sue », Sue étant le premier prénom donné à Tess, puis « Aimée trop tard » et enfin « Tess d'Urberville ».

Il raconte l'histoire d'une famille populaire anglaise qui apprend qu'elle est la descendante des d'Urberville, dont la noblesse remonte à Guillaume le conquérant. le père, Jack Durbeyfield, encourage sa fille Tess à se présenter au manoir voisin où habitent des d'Urberville. Elle fait la connaissance du fils, Alec, qui tombe sous le charme, essaye de la séduire et finit par l'engrosser. Honteuse, Tess retourne auprès des siens pour accoucher d'un enfant qui décède à la naissance. Se sentant déshonorée, elle finit par trouver du travail dans une ferme loin de sa famille où personne ne la connait. Elle y fait la connaissance d'Angel Clare, fils de pasteur qui se destine à être fermier. Après maintes hésitations, remords, refus, l'amour l'emporte et ils se marient. Ce n'est qu'une fois le mariage consommé que Tess confie ce qui pour elle est une faute impardonnable : son aventure avec le fils d'Urberville. Angel profondément marqué par son éducation protestante ne pardonne pas et prononce leur séparation. Il part pour le Brésil demandant à Tess d'attendre son retour…

Les idées développées dans le roman de Thomas Hardy, les comportements, la morale religieuse sont bien évidemment passés de mode et font de cette oeuvre, une oeuvre désuète qui peut faire sourire parfois et agacer le plus souvent. le romantisme hypertrophié poussé à son paroxysme frôle souvent le ridicule.

« Tess d'Urberville » est un roman qui a mal vieilli, qui plaira à certains nostalgiques d'un temps où l'église régissait encore les esprits, où youporn n'existait pas et où le marquis de Sade était tombé aux oubliettes.

L'adaptation cinématographique du roman par l'excellent Roman Polanski, quoiqu'en pensent certaines actrices hystérico-féministes en mal d'exposition médiatique, avec pour interprète du rôle principal la merveilleuse Nastassja Kinski, a considérablement rajeuni cette histoire.

Traduction de Madeleine Rolland.

Editions le livre de poche Classiques, 422 pages.

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Loin de la foule déchaînée

Il aura fallu son adaptation au cinéma, une critique enthousiaste de Gwenn21 pour que l'envie me prenne de découvrir ce roman de Thomas Hardy paru en 1874 et croyez moi avec Loin de la foule déchaîinée vous partirez loin de votre univers quotidien ...

L'Angleterre de la fin du 19ème siècle en pleine mutation industrielle est encore un pays où le monde rural est une entité importante .T Hardy aborde ici un monde rural qu'il connait bien .Situant son récit dans le Wessex ancien nom du Dorset et de ses environs , il nous peint un monde bien différent de celui de la noblesse et de la bourgeoisie des romans de H James et de J Austen .Ici on a les pieds dans la terre ,dans la boue , les mains dans la paille ou dans la laine de moutons . La vie est réelle , dure , elle forge les caractères et ceux de Batsheba , de Gabriel sont bien trempés.

Vous dire que j'ai apprécié ce roman serait peu dire , je l'ai dévoré !!! je me suis retrouvée en train de lire à table , de manquer ma station de métro bref l'enfer !!!

Une note supplémentaire de contentement la qualité de la traduction de Thierry Gillybeuf (éditions sillage )



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Loin de la foule déchaînée

Autant en emporte la foule déchainée ? Loin du vent ? Il n'y a pas à tortiller, ce livre m'a fait penser au best-seller de Margaret Mitchell, et Bathsheba à sa jumelle sudiste Scarlett O'Hara, l'héroïne de mes 15 ans.



Sauf que je n'ai plus 15 ans et que les coquettes qui perdent leur faculté de jugement devant le premier bellâtre qui passe ne me passionnent plus, elles m'agacent ! Donc oui, j'avoue, Bathsheba m'a tapé sur les nerfs avec ses caprices, ses réponses désinvoltes aux déclarations d'amour, son attitude ambiguë...



Son héroïne mise à part, ce roman est absolument somptueux ! Les trois héros sont très réussis, chacun dans son genre : le nerveux exalté, le joli coeur profiteur et mon chouchou le bourru sur qui on peut compter. Les descriptions de la vie à la ferme et de la nature sont justes et belles. Et, cerise sur le gâteau, le roman est féministe et plein de bon sens.



Mais il y a Bathsheba...

Paradoxalement, je l'ai bien aimée dans l'adaptation cinématographique de Thomas Vinterberg, un film qui m'a séduite et touchée, plus que le livre.



Merci malgré tout à Gwen21 de m'avoir présenté cette peste, et merci à Babelio et aux Editions Archipoche de m'avoir envoyé cette belle Masse Critique.

Challenge XIX 1/xx
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