- Luke ! Hemingway était un ivrogne violent.
- Je ne dis pas que je l'aime lui. Je suis convaincu que c'était un connard fini. Mais j'aime ses écrits. On sent qu'il brûle vraiment du désir de trouver un sens à la vie. Toutes ses obsessions pour la pêche aux requins et la corrida et la chasse au gros gibier, comme s'il faisait des trucs dingues et dangereux pour se sentir plus vivant.
- Tuer des tas d'animaux innocents juste pour qu'un ivrogne se sente plus vivant ? Je crois que je vais m'en tenir à Jane Austen.
On a rompu l'année dernière. Enfin, elle a rompu. Avec moi. Elle m'a rompu.
Il n'y a rien de mieux que les garçons qui vous font rire.
Je n'arrive pas à fonctionner comme les autres filles. Je ne m'en sors pas, avec la vie, tout simplement. D'avoir des amis, d'avoir un bon look, des garçons qui ont envie de sortir avec elles.
Je suis entrée dans la salle de bains et j'ai laissé la porte claquer derrière moi. J'ai appuyé mon visage contre les carreaux froids et je me suis contemplée dans le miroir. Quand on n'a rien, on n'a rien à perdre. Je n'avais rien.
Ces cinq derniers jours s'étaient transformés en une unique longue soirée brumeuse. Un étrange cycle consistant à aller à toutes les fêtes au bar, puis à retourner dans la chambre d'Arthur, à se défoncer, à se réveiller par terre, à prendre le petit- déjeuner, à se défoncer à nouveau, à jouer à la Xbox, à sortir à nouveau, à rentrer, à se défoncer... Et ainsi de suite, encore et encore.
« Soudain, la porte du placard s’est ouverte à toute volée et Jack a traversé la pièce comme un ouragan.
- Il y a un rat ! s’est-il écrié en sautant sur place. Là-dedans ! UN rat énorme, gigantesque !
- Quoi ? a demandé Keira, hilare.
Gigotant dans tous les sens, il s’est ébouriffé les cheveux, le visage rouge vif ; on aurait dit qu’il transpirait.
- Il m’a mordu ! En plein sur la cheville ! Je vous assure qu’il y a un rat là-dedans !
Bien qu’encore un peu sous le choc, Connie s’est mise à 4 pattes sans un mot et est entrée dans le placard, sa queue de lion remuant derrière elle. Puis elle a réapparu, Monsieur Jambon dans la main.
- Mon hamster n’est pas un rat. »
Ça m’a fait du bien de savoir que je n’étais pas la seule à me sentir nerveuse. Elle a ouvert son sac et en a sorti un pot de baume à lèvres. Elle avait un carré brun sans un cheveu de travers, presque comme un personnage de Lego. À part son T-shirt délavé, elle était impeccable. Jean noir, Converse, pas de maquillage. Comme une présentatrice de journal télé qui chanterait dans un groupe de rock indé.
Et alors, je lui ai tout déballé. Freddie et la malédiction de ma virginité, Stella et la robe. Et Sam et la nuit oubliée. Et Pax. Qui avait voulu m'embrasser. Le fait que je me sentais moche, pâle et grosse. Que j'avais peur d'avoir raté mes examens. Que je me sentais coupable d'être d'aussi mauvaise humeur chez moi, parfois. J'avais l'impression de me confesser.
- C’est quoi, l’amiante ? ai-je crié.
– Une sorte de présence invisible qui vit dans ta maison.
– Un peu comme le WiFi ?
– Un peu, oui. Mais du WiFi qui te tue en silence dans ton sommeil.
– Je vois. Merde
- Tu as donc un problème émotionnel.
C’était ridicule. J’ai ri en faisant un bruit de cochon.
– Désolée, je ris comme un cochon, parfois. Je ne le fais pas exprès. Bref, oui, c’est un problème émotionnel urgent, ai-je dit avant de prendre une grande inspiration. En gros, un mec avec qui j’étais au lycée… est là.
J’ai chuchoté ces derniers mots en pointant le sol du doigt.
Ses sourcils sont retombés.
– Voilà qui a vraiment l’air émotionnel, a-t-elle commenté, avec un début de sourire au coin des lèvres.
Je ne savais pas comment lui expliquer. Je ne voyais pas comment lui décrire correctement ces sept dernières années de néant. J’ai réessayé :
– Bon, ce garçon pour qui j’en ai pincé – à différents degrés – pendant, eh bien, pendant toute ma vie est là.