Madre Piccola, Ubah Cristina Ali Farah
Connais-tu l'histoire du fils dénaturé ? Je sais, je ne devrais pas te la raconter, ça te mettrait en colère. Mais c'est juste pour t'expliquer ce qu'est le respect dû aux parents, pour nous les Somaliens, et comment nous concevons notre relation avec eux.
Un fils dénaturé abandonne son père âgé et aveugle sous un arbre, juste à côté d'une termitière. Il lui dit : Attends-moi, je reviens tout de suite, quand, en réalité, il compte ne plus jamais revenir. Il l'abandonne, car s'en occuper lui pèse, et son père reste là à attendre la mort. Le fils dénaturé, une fois âgé, est à son tour conduit par son propre fils sous le même arbre, à côté de la termitière. Cependant, comprenant que le sort qui l'attend est le même que celui échu à son père, il rappelle son propre fils auprès de lui. Mais il n'essaie pas de le convaincre de ne pas l'abandonner. Ce serait trop facile. Non, celui-ci pardonne à son fils et le renvoie avec sa bénédiction. Le vieil homme, en prenant sur lui le péché de son fils, le libère de sa culpabilité.
Tu comprends ? C'est ça, le sens de l'histoire. Ce n'est pas ce que tout le monde voit : qu'il faut respecter les personnes âgées, si on veut soi-même être respecté dans sa vieillesse. Ici, l'important, c'est que le cercle se brise lorsqu'on a le courage de pardonner.
La femme a dans le sang la sagesse que l'homme boit à la source de son épouse.
Doit-on se soucier de tous les événements qui croisent notre chemin ? N'est-on pas forcé de choisir ce qui nous touche ? Ne sommes-nous pas des êtres finis, des récipients aux capacités limitées ? Ce que moi je crois, c'est que le critère, selon lequel par moments nous filtrons, a quelque chose d'insondable.
A force de mal entendre sa voix à l'autre bout du fil. Qui demandait, redemandait ce qu'elle savait déjà. Et tes études ? Avec qui tu habites ? Et le travail ? Au fil des années, tout s'est arrêté, même les questions. des questions restées comme des lettres sans enveloppe.
J'aurais une requête à vous faire, qui j'espère ne vous déplaira pas : lorsque vous aurez terminé vos recherches, que l'article sera rédigé, j'aimerais le lire. Le lire avant publication, je veux dire. C'est possible ? Ce n'est pas que je ne vous fasse pas confiance, soyez-en certaine. Malgré tout, le problème avec les interviews, c'est qu'on ne sait jamais : on raconte une histoire et on se retrouve avec une autre, complètement différente. Il se peut que ma parole ait dépassé ma pensée. Ou que des mots soient sortis de leur contexte. Non, je vous le répète, je ne dis pas cela pour vous. C'est de l'écriture elle-même que je me méfie.
A quoi servent nos lois et nos conventions si aucun Etat, aucun système ne les reconnaît ? Dans notre esprit, ce ne sont plus que des préceptes flous dont on ne sait quoi faire.
Voir un enfant grandir, assister à son sevrage, à sa première purée de légumes, observer sa petite bouche passive, ses yeux qui peu à peu distinguent les contours des choses, et ses mains qui, soudain, agrippent. Son dos qui gagne en force, s'étire, arbre vivant sous l'écorce qui prend forme, le recouvre tout entier.
Une mère est ce qu'elle est, et ce que tu crois comprendre n'est rien d'autre que ce qui t'a manqué, à toi.
Toute écriture naît d'une interrogation, se nourrit d'une absence.
Je me sentais toute pleine du feu qui se nourrit d'eau de mer