Citations de Valérie Rossignol (56)
Celui qui n'aurait pas cette aptitude à cesser tout mouvement, à supporter qu'on le regarde et que, par ce regard, on le décèle, ne pourrait être modèle. C'est d'un commun accord que l'homme devient une source d'inspiration, un homme muse. (p. 40)
Je suis magnétisée par le corps de certains hommes que je comprends instantanément. Je suis fascinée par l'aptitude qu'a le corps à me raconter autant en si peu de temps. Et j'ai envie de restituer grâce à la création ce qu'il me donne.
Je sculpte. (p. 18)
Ne crois pas que c’est ton corps que j’aime. J’aime ton esprit à travers ton corps. Ton esprit a su rejoindre les espaces les plus profonds de mon être, ton corps de même.
Homme de chair
J'ai dû me défaire des pensées de ma mère, de mes grand-mères, de mes tantes, rejeter aussi le sort que réservaient les hommes aux femmes de la famille et aux autres présences féminines. Rien de ce que j'observais n'avait de sens pour moi. Il a fallu que je rejoigne cet espace de silence pour sentir que loin, au fond de moi. Il a fallu que je rejoigne cet espace de silence pour sentir que loin, au fond de moi, existait une forme d'union sur laquelle la société n'avait aucune prise. (p. 79)
Homme de terre
Nous faisons l'expérience de la création partagée. (...) La sculpture traduit le moment où une épiphanie très éphémère a lieu. (...) Si l'on ferme les yeux, on ne verra pas la sculpture, mais la manifestation de la rencontre intime entre deux êtres. (p. 43)
La création partagée par Bellinda Cannone
Je n'avais jamais entendu évoquer, ou jamais si bien, ce qui se joue entre l'artiste et son modèle dans l'atelier du sculpteur. (...) Dans l'atelier de Valérie Rossignol, le modèle n'est pas un corps qui s'abandonne, c'est une "âme", pour reprendre le vocabulaire de l'auteur, que la sculptrice cherche à saisir et à restituer. Le corps nu de l'homme est devant elle, il a consenti à poser, ce qui n'est pas confortable, souvent fatigant, consenti à être regardé- étonnant renversement d'une situation traditionnelle où des hommes peignaient et sculptaient des femmes nues. (p. 8)
Certains hommes ne voient pas l'intérêt qu'on pourrait porter à leur nudité, parce qu'ils sont des hommes. Ils comprennent progressivement qu'il s'agit de la nudité de l'être et donc de l'âme autant que de celle du corps et se prêtent au jeu du dépouillement.
Plus nous avançons ensemble, plus la pudeur s'accroît. (p.77)
Le corps transpire. Il exsude par tous les pores ce que la conscience n'avouera jamais. il donne sans répit tout ce qu'il est, tout ce dont j'ai besoin pour restituer un peu de vérité.
Peut-être a-t-il perçu (le modèle) que le résultat est toujours un mélange des deux corps, le sien et le mien. Il en est ainsi pour tout sculpteur.
Homme de chair
Toi seul peux me dénuder. Par la confiance qu'on s'accorde, tu me rends vulnérable à moi-même. Tu m'intimides ou me fragilises. (p. 72)
Homme de terre
L'acte créateur catalyse une énergie humaine qui se perdrait dans la passion, s'il n'était là pour amener un regard nouveau. Je suis fascinée par cette déviation des actes voraces, comme si la force en jeu nous conduisait en un lieu précis et nous protégeait . Je me sens hors de portée. (p. 51)
Le modèle participe à la création.
L'art permet de créer une réalité.
La terre pétrie, travaillée, se passe de mots. (p. 26)
Préface de Belinda Cannone
J'aime d'ailleurs que cette parole féminine soit capable de dire la beauté, si souvent négligée, du corps masculin- la beauté n'est pas réservée au seul corps féminin (...)
Mais c'est justement là ce qui, dans ce livre, voulait être décrit au plus près : "la terre change mon regard sur les hommes" (p. 13)
Une fois de plus, j'ai l'intime conviction que l'objet de l'art n'est ni l'idée, ni le résultat, mais ce qui se passe entre les deux(...) Je suis toujours étonnée du pouvoir de renouvellement que contient l'acte créateur.
Une fois de plus, j'ai l'intime conviction que l'objet de l'art n'est ni l'idée, ni le résultat, mais ce qui se passe entre les deux.
Je n'érige aucune image.
Je ne définis aucun concept.
Mon histoire d'hommes sculptés n'est pas même une histoire. Elle est une visite dans l'infiniment petit qui nous habite. C'est l'aventure de l'esprit tombé en soi et qui, parce qu'il est inerte et lourd, reste aux aguets, prêt à suivre les variations que lui imposent les signes non encore déchiffrés, l'apprentissage d'une langue qui ne s'entend que lorsqu'on a été vaincu.
J'ai parfois peur qu'on devienne fous ou qu'on ne revienne jamais. pas étonnant qu'on appelle cela-la petite mort-Nous avons cette possibilité d'éprouver les limites de l'humain, le moment à partir duquel la perte de contrôle est telle que nous sommes réduits en poussière. C'est le seul moment de la vie où le sentiment de puissance et notre profonde vulnérabilité sont complètement assumés. (p. 82)