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Citations de Véronique Mougin (309)


La vérité : la guerre continue, dedans. Le camp nous brûle encore et cette masse bouillante, les visions, les odeurs, la lave dévorante qui remonte, il nous faut y replonger pour la combattre avec les armes que personne n'a pu nous enlever, il nous faut la filtrer, la canaliser, la soumettre au moule rigide et gelé des mots, aplatir les mots dans les pages et les pages dans le livre qui dira ce qu'on a vécu, puis ranger notre douleur refroidie sur l'étagère. Il n'y a pas d'autre issue qu'écrire pour éteindre l'incendie.
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C'est simple : ils sortent de partout, comme si une digue avait rompu. Leur nom c'est "les antisémites" mais les copains et moi on les appelle les connards.
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Certains de nos tortionnaires ont connu une carrière éblouissante après la guerre. Von Braun, le grand superviseur des V2, n’a pas été jugé. Des milliers de gars sont morts dans le tunnel de Dora en fabriquant ses fusées, sous ses ordres, sous ses yeux. Encore très récemment, ce type était l’un des pontes de la NASA.
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Parler, c'est risqué. (...) Chaque mot est une prise offerte aux autres.
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- Ma femme est une chieuse, Françoise, c'est pas de sa faute hein, sa mère est pire.
Mon patron avait trouvé en moi une confidente conciliante sur l'épaule de laquelle il s'épanchait de temps à autre.
- Il faut avoir le courage d'être franc , Françoise. Et pour être franc, bordel, il ne faut pas avoir peur d'être vulgaire.
- N'ayez crainte Monsieur, vous êtes très, très franc.
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Le merveilleux dans la couture, ce ne sont pas les vêtements qui y sont faits, ce sont les gens qui les font.
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En vérité nous ne rentrerons jamais du camp. Un morceau de nous y est resté, la bonne part, et dans ce trou le sang et la merde du Lager se sont déversés, et la peur, la haine, la colère, un paquet puant sans nulle part où le poser.
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Chez nous, en Hongrie, quand on empilait les couches de vêtements pendant les grands froids, on appelait à la ‘mode oignon’, c’était drôle.
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Moi, je vois cette chose, en balayant. Je vois la grande réparation du fil qui va et vient, l'aiguille qui passe et repasse et efface les plaies, la vie même est prise dans cette toile-là alors ils pourront dire ce qu'ils veulent, les salauds, les kapos, les SS, qu'on est des Untermensch des vermines des bestioles à écraser mais les mains animales résistent au grand rien, au broyage, à la disparition, et ça a quand même une sacrée gueule.
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− Ausziehen, schnell !
L'un de nous comprend, il se désape et jette ses habits en tas au milieu, et les autres l'imitent en vitesse. L'allemand crie encore, Schnell ! et les manteaux s'empilent puis les vestes, la blouse du maraîcher, la chemise du pharmacien et celle du maître d'école, le manteau de M. le juge, les sous-vêtements, les caleçons courts et longs, c'est terminé. Il n'y a plus de magistrat, plus d'enseignant, plus de médecin ni de commerçant, juste des pantins velus qui ne savent plus où se cacher.
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Je barricade tout, les portes et les oreilles. Même avec les barricades les petits ne dorment pas. Gabor crie, il a chaud, il a soif, il s'enroule autour de moi, il me parle des loups et des forêts sombres, de châteaux dévastés au bout de chemins étroits, d'ogres ensanglantés dans des grottes profondes...
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Tu pourras leur écrire ça aux jeunes : il y a le temps qui passe, la routine, les disputes, et puis ce jour incroyable arrive où de nouveau nous ne faisons plus qu'un comme au début de l'amour.
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Je n’ai jamais vu un endroit pareil. Personne n’en a jamais vu, ni même pensé, imaginé ou cauchemardé. C’est une sorte de prison, en bien pire. Un camp de travail, sauf que le travail en question te tue. Un asile de fous tenu par les porcs les plus sadiques que la terre ait portés. Un cauchemar de boue et de planches posé sur une jolie petite colline arborée.

Camp de Dora-Mittelbau
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- Tu crois que ça intéressera les gens mes vieilles histoires ?
- Ce ne sont pas des vieilles histoires, Tomi.
Elle n'a pas tort la petite. Aujourd'hui, de nouveau on cherche des boucs émissaires. L'étranger redevient un microbe dont il faut se prémunir, partout Dieu reprend le pouvoir. L'actualité s'écrit sur une vieille toile puante ; point après point le pire se dessine, il revient sans que personne n'y croie. A l'époque je me souviens, aucun d'entre nous n'y croyait non plus.
- Seuls les vieux comme toi peuvent rappeler ça aux jeunes, me dit la petite, des anciens aux gamins, les livres font le lien.
Elle croit aux mots, elle, elle écrit pour les vivants. Alors pour ses vivants et pour mes morts, je suis retourné remuer la vase. J'ai tiré du puits les gens et les lieux, les événements, tout était intact conservé dans la boue, les souvenirs au coeur brûlant. La petite cousine les a écrits. Quand elle est repartie avec ses cahiers noircis, je suis allé me coucher. Je me suis relevé trois mois après. Se rappeler, c'est raviver les braises : même longtemps après, elles brûlent encore.
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Moi, par exemple, je m'en fiche un peu d'être juif. En ce moment, ça m'arrangerait plutôt de ne pas l'être mais c'est ainsi : juif, on ne peut pas arrêter. L'administration hongroise farfouille même dans l'arbre généalogique de gens qui avaient oublié qu'ils l'étaient et d'un coup de tampon, bam ! elle leur rafraîchit la mémoire. Ils ont beau jurer sur Jésus-Marie-Joseph qu'ils sont catholiques baptisés et confirmés depuis belle lurette, le scribouillard de la mairie leur cloue le bec - "La conversion ça compte pas" - et exhume la preuve irréfutable : l'acte de naissance de leurs grands-parents, Aaron, Edna et Salomon. Ces pauvres chrétiens repartent plus israélites qu'ils ne sont arrivés, sonnés de devoir leur inoxydable judaïsme à des aïeux depuis longtemps disparus dont il ne reste que les noms effacés au cimetière et une jambe de bois au grenier.
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Jo avait depuis longtemps l’écoute sélective : quand une nouvelle ne lui convenait pas, elle fermait les écoutilles et feignait de n’avoir rien entendu.
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Pour me donner du courage , j'écoutais du jazz sur le poste de Mademoiselle Chausson avant qu'elle n'arrive.
- Ça ne vous dérange pas que je remette Radio Notre Dame, Madame Benoit? me demanda -t-elle très poliment un jour où elle arriva en avance.
Elle se justifia ainsi:
- La musique de nègres, très peu pour moi.
Ça me fit le même effet que le jour où je surpris mon adorable cousine en train d'arracher les ailes d'une libellule.
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- Crever ça ne me fait pas peur. Quand on est mort, on est mort, on s'en rend pas compte. C'est pour les enfants que je me retiens.
- C'est vrai, ça, murmura la bibliothécaire, quand on meurt, c'est surtout pour les autres que c'est difficile...
- Comme quand on est con, finalement, ajouta Jo en vidant son verre, et cette pensée flotta en silence dans l'air doux du soir jusqu'à ce que la Bogue se décide enfin à ouvrir son courrier.
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- Elle était mignonne, mon Isabelle, toute pimpante, toute fraîche, avec ses petites jupettes. Elle est allée se coucher, en haut des escaliers elle m'a dit "bonsoir maman", je m'en souviens encore.
- Je m'en souviens aussi, Suzanne, elle est redescendue le lendemain, je connais l'histoire, c'est bon, ne vous fatiguez pas.
- Oui, elle est redescendue, et comment ! D'abord j'ai entendu le bruit, j'ai levé la tête, et j'ai tout vu : les chaînes,la cape, l'épingle à nourrice je pouvais pas la voir, hein, elle me l'a montrée après, mais ses cheveux, tu aurais vu ses cheveux, Jo ! Tout levés, tout noirs, tarte qu'elle était, mon Isabelle, d'un coup, comme ça, bam, tarte, du jour au lendemain.
-" Dark", Suzanne, pas tarte, "dark". Gothique, si vous préférez.
- Si tu veux, Jo, mais quand même, d'un coup, comme ça, ça surprend.
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Jo avait depuis longtemps l'écoute sélective : quand une nouvelle ne lui convenait pas, elle fermait les écoutilles et feignait de n'avoir rien entendu. Mais cette fois-ci, c'était différent, quelque chose coinçait pour de vrai. La phrase de Charly lui sautait dans l'oreille, jusque-là rien d'anormal, elle lui résonnait dans le conduit comme les grandes orgues de la cathédrale du Préfleuri puis glissait au ralenti, presque à reculons, jusqu'à l'orée des neurones où elle patinait avant de caler, tétanisée par un virage terrible, ou bien par un bouchon, un éboulis, un poste-frontière, un barrage infranchissable, nul ne le sait, mais c'était le blocage, l'allergie, l'œdème auditif majeur et inexpliqué, l'information ne passait pas.
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