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Critiques de William James (10)
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Les formes multiples de l'expérience religieu..

Pourrait-on être religieux et ne pas croire en Dieu ? La question ne semble pas impertinente après la lecture de cet « essai de psychologie descriptive » publié par William James en 1906 sous le titre de L’expérience religieuse. Je n’ai pas le souvenir d’avoir rencontré la moindre référence à Dieu dans ces développements, ou peut-être de manière si naturelle qu’on ne se sent pas obligé de lire le manuel du parfait petit athée pour comprendre que se référer à la religion ne signifie pas forcément appartenir dogmatiquement à une confession. Il peut s’agir simplement d’un convenance à laquelle on se réfère pour désigner une expérience dont la caractéristique, peut-être, est d’être aussi riche en variations qu’il existe d’âmes pour la connaître. Le mot de religion est usé seulement pour ceux qui ne veulent pas admettre cette diversité.





La mode des éprouvettes, du positivisme et du matérialisme bat son plein. William James en est un peu imprégné, sans tomber toutefois dans la servilité. S’il aborde le phénomène religieux du point de vue de l’expérience individuelle, rattachant l’expérience religieuse à des expériences de la matière, il valorise surtout les découvertes récentes de la psychologie. Et dans ce domaine, on ne peut jamais vraiment être sûr de quoi que ce soit…





William James a amassé pléthore de données mortes et vivantes qu’il extrait de témoignages littéraires ou religieux ou de cas psychologiques contemporains et qu’il répertorie ensuite dans les catégories d’expériences religieuses mises à jour par ses soins. L’expérience religieuse est ainsi abordée dans ses rapports à la névrose pour remarquer, plus généralement, ce qui la rattache à la vie psychologique de tout individu. William James ne délaisse cependant pas l’importance des faits et l’originalité de sa pensée se trouve dans le caractère performatif qu’il attribue au monde de l’invisible.





« Ma vie subconsciente toute entière, mes impulsions, croyances, aspirations, ont lentement préparé l’intuition qui affleure aujourd’hui au niveau de ma conscience et qui est plus vraie –quelque chose en moi me l’assure- que les plus beaux raisonnements élevés contre elle. »





Parmi les différents types de caractères religieux, il remarque l’optimiste religieux (Saint François d’Assise, Rousseau, Diderot ou Bernardin de Saint-Pierre sont admis dans cette heureuse catégorie), les âmes douloureuses (Goethe, Tolstoï, John Bunyan, Henry Alline) et la volonté partagée (incohérente) qui retrouve parfois son unité (Saint Augustin). La conversion est un fait qui transforme parfois une âme en une autre ou qui l’autorise à accomplir un cheminement qui durera tout au long de sa carrière d’existence. A l’époque où l’invention du concept de vie subliminale est récente, William James s’en empare hardiment pour expliquer le phénomène de conversion religieuse qui aurait pour condition, selon lui, une vie subliminale intense. De toutes ces considérations, William James chemine doucement mais sûrement vers la reconnaissance de la psychothérapie (qu’il appelle alors mind-cure) en tant que forme de religion nouvelle. Il considère en effet que la psychothérapie creuse l’âme sans limiter son forage par la menace du jugement moral. Le mal ne serait plus qu’un phénomène empirique qu’un autre niveau de conscience pourrait parfaitement justifier.





« Pour qu’une idée pénètre en nous par suggestion, il faut qu’elle se présente sous la forme d’une révélation. La mind-cure, en prêchant son évangile nouveau, c’est-à-dire l’optimisme à tout prix, la parfaite santé de l’âme, et partant celle du corps, a touché des cœurs que le christianisme traditionnel n’avait pas su toucher. »





Ce n’est pas une idée réductrice ! William James estime que la mind-cure peut s’inspirer des phénomènes de la vie religieuse mais qu’elle ne peut toutefois pas s’y substituer entièrement. L’expérience religieuse en soi a une valeur que les temps modernes dénigrent. Il s’agit donc de se soumettre aux exigences les plus basses de l’époque pour souligner la légitimité intemporelle du phénomène. Et puisqu’on a déjà assez causé des valeurs supposées de ses origines sans jamais rien résoudre, William James renverse la situation et décide de prouver la légitimité du phénomène religieux en examinant ses fruits : la sainteté (accompagnée de sa critique), le mysticisme, la spéculation théologique et la religion pratique. La religion engendre parfois des phénomènes extrêmes qui mettent en danger la vie de l’individu voire de masses entières, mais peut-on reprocher à la religion d’être un leurre si on lui reproche en même temps des effets réels ? En rattachant les manifestations religieuses à des origines biologiques (psychologiques), William James prend la science à son propre piège : elle espérait dépasser les phénomènes irrationnels en expliquant tout par une conjonction de molécules mais avec William James, les configurations organiques se retrouvent enfin être la cause des phénomènes irrationnels de toute nature. Un homme ne devient donc pas fou ou dangereux à cause de la religion : il l’était déjà fondamentalement et se serait servi de n’importe quoi d’autre, trouvé à portée de main, pour exacerber ses penchants latents. En revanche, la religion peut pousser l’individu à se dépasser et à amplifier la joie de son âme et il serait difficile de parvenir à des résultats parfois aussi impressionnants si nous ne nous étions pas mis d’accord sur certaines valeurs communes qui caractérisent la plupart des manifestations religieuses. Que serait une religion qui offre la joie à l’individu lorsque celle-ci ne se rattache qu’à des croyances ou des cultes strictement personnels ? La transcendance a bien plus de chance de se réaliser lorsque l’individu rattache ses croyances personnelles au fond d’un culte et d’une histoire partagés.





William James, bien scientifiquement et tranquillement, nous livre un superbe essai qui explore l’âme dans ses penchants les plus irrationnels. Tout philosophe y trouvera du grain à moudre, tout scientifique y apprendra l’humilité, tout individu touché de près ou de loin par l’expérience difficilement communicable de la religion y trouvera des compagnons. Ce n’est pourtant pas œuvre de dévot car ici, le dévot sortirait de sa lecture triste à en perdre la foi. Pendant ce temps, l’homme véritablement religieux irradierait.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Le pragmatisme : Un nouveau nom pour d'anci..

Le pragmatisme est d'abord une méthode pour évaluer le sens d'une proposition selon ses conséquences pratiques. L'auteur démontre le bénéfice assez évident de la méthode et en perçoit également les limites. La démarche deviendrait grossièrement fausse si elle n'était pas attentive aux faits « éloignés et ténus ». C'est en creusant dans cette direction que le livre devient intéressant. Devenu théorie de la connaissance, le pragmatisme montre que les vérités ne sont pas des choses achevées, mais un mouvement de vérification qui passe par le possible et le probable.

« Rien ne saurait, du dehors, assurer la destinée du flux des données de l'expérience ».

Le pragmatisme s'oppose en fait de bout en bout au rationalisme et finalement c'est une conception pluraliste ou distributive de l'univers qui s'oppose à une conception moniste.

Pour le rationaliste, la vérité devrait être achevée, éternelle, inaltérable, absolue. Sinon ce serait pour lui l'anarchie, comme vivre en errant et en vagabond, et accorder le "home-rule" à l'Irlande ou aux indigènes des îles Philippines.

La critique de William James devient très sensible au moment où il se fait défenseur du droit des peuples à l'auto-détermination.

Enfin, pour notre auteur américain, il est facile et peut-être même piquant de dénoncer des conflits nationaux loin de sa propre nation.

Un autre aspect du pragmatisme pluraliste est qu'il s'accommode des différentes croyances. « Théisme, dessein, liberté signifient pour l'homme qui y croit la promesse d'un avenir meilleur. ». « "Le vrai" se réduit à ce qui est opportun en matière de pensée, tout comme "le bien" se réduit à ce qui est opportun en matière de conduite. »

Mais la tolérance religieuse n'est qu'apparence : ce pragmatisme s'adresse au patchwork protestant contre le papisme ou le panthéisme qui tendrait à gagner du terrain « chez les peuples de race anglaise ». William James cite un article sur le pragmatisme : « le pragmatisme est une réaction anglo-saxonne contre l'intellectualisme et le rationalisme de l'esprit latin... ». On trouve d'autres signaux bien connus d'un nationalisme latent : « « Waterloo », signifie pour les Anglais une « victoire », et pour les Français une « défaite » etc...

Décidément, les aspects nationaux prennent une drôle d’importance dans ce livre.

L'analyse psychologique est également catégorique. L'ensemble de l'exposé campe sur un clivage statique des tempéraments endurcis ou délicats (associés au clivage philosophique). Dans ce contexte, l'assouplissement dans les dernières pages fait figure de convenance. Dommage !
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Le pragmatisme

Un ouvrage assez intéressant lu dans le cadre de Masse critique.

Tout d'abord le pragmatisme n'est pas un courant philosophie homogène et William James fait figure de personnalité originale dans ce courant assez éloigné de Peirce, Dewey ou Mead.



On suit au cours du récit quelques citations de James et une mise en abîme de la pensée du philosophe. Une bonne vulgarisation pour des ados ou des lycéens, c'est un peu juste je pense pour aborder vraiment la philosophie de James.



C'est un bon moment, bien écrit, accessible, correct dans la vulgarisation et bien dessiné.



Une jolie réussite.



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Les formes multiples de l'expérience religieu..

James note en conclusion : "mon hypothèse est donc celle-ci : quel qu’il puisse être au-delà des limites de l’être individuel qui est en rapport avec lui dans l’expérience religieuse, le “plus grand” fait partie, en deçà de ces limites, de la vie subconsciente. En se fondant ainsi sur un fait psychologique admis de tous, on conserve avec la science positive un point de contact qui manque d’ordinaire au théologien. Mais en même temps on justifie l’affirmation du théologien, que l’homme religieux subit l’action d’un pouvoir extérieur ; car les irruptions du subconscient dans la conscience claire ont pour caractère de s’objectiver et de donner au sujet l’impression qu’il est dominé par une force étrangère. Dans l’expérience religieuse cette force apparaît, il est vrai, comme étant d’un ordre supérieur ; mais puisque, suivant notre hypothèse, ce sont les facultés les plus hautes du moi subconscient qui interviennent, le sentiment d’une communion avec une puissance supérieure n’est pas une simple apparence, c’est la vérité même."

Le contenu positif et indéniable de ce que James appelait l’expérience religieuse, c’est donc "le fait que le moi conscient ne fait qu’un avec un moi plus grand d’où lui vient la délivrance."
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La volonté de croire

William James (le frère d’Henry) était un médecin de formation, psychologue, philosophe, professeur à Harvard ; il était croyant, protestant favorable aux unitariens (l’était-il ?) ; démocrate progressiste, optimiste ; il aimait beaucoup le poète Whitman et Thomas Carlyle. Il plaçait l’individu comme l’élément moteur de sa pensée. Et l’essence de ce moteur est le désir raisonné, la volonté, quelque chose comme l’énergie créatrice.

Philosophiquement, il se définissait comme un empiriste particulièrement opposé à l’idéalisme absolu de Hegel. C’est un peu sur la même base qu’il défend la foi religieuse contre les scientifiques absolutistes. Cela dit, il était avant tout un scientifique – il ne remettait pas du tout en cause la théorie de l’évolution par exemple, elle semble même l’avoir influencé – et il admet qu’il n’aurait jamais prêché la foi devant le grand public, c’est plutôt le manque de considération de la religion parmi les savants qui l’inquiétait. Cet ouvrage est parfois assez technique et difficilement accessible pour ceux qui n’auraient pas quelques notions de philosophie. Et à d’autres il pourra paraître incroyablement complaisant pour l’irrationnel.

La Volonté de Croire est le titre éponyme du premier essai. Sa défense de la foi est en quelque sorte une amélioration du « pari de Pascal ». Il écrit que la religion est une hypothèse et il faut la traiter comme une hypothèse scientifique, c’est-à-dire qu’il existe des cas où il est préférable de croire une hypothèse plutôt que de la rejeter tant que son évidence objective n’est pas prouvée. Adopter une hypothèse, quitte à ce qu’elle soit réfutée dans l’avenir, ou ne pas adopter l’hypothèse tant qu’elle n’est pas prouvée, au risque de passer à côté de la vérité, voilà deux façons d’envisager l’investigation scientifique, selon l’auteur. La question est donc de savoir quelle attitude chacun décide d’adopter. Il y a un choix à faire qu’on ne peut pas éviter : soit croire soit refuser de croire, et celui qui prétend douter ou rester indifférent fait quand même un choix par défaut. « Qu'il doute, qu'il croie, qu'il nie, il court toujours un risque : du moins faut-il lui reconnaitre le droit d'en choisir la nature. » Le choix ou la volonté de croire est donc très important, il révèle une attitude active, positive, optimiste, alors que celui de ne pas croire révèle la crainte et le pessimisme.

Les neuf autres essais abordent d’autres sujets aussi variés que la morale, la liberté, le déterminisme, la rationalité, le desespoir ou même la parapsychologie.

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Le pragmatisme

La collection de mangas Kuro savoir : la connaissance en manga aborde cette fois le mouvement philosophique américain le pragmatisme. Mouvement née en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle. Les 3 pères du pragmatisme sont Charles S Peirce, William James et John Dewey ; ce Manga s'intéresse à William James. L'époque de la naissance du pragmatisme est le Far West. Ce manga n'hésite pas à utiliser les codes cinéma du genre : la veuve et l'orphelin, le cow-boy solitaire, l'as de la gâchette...Un très bon moment de lecture ! Le livre est divisé en 4 parties chacune introduite par des citations de W James. Je ne suis pas sûr de les avoir comprises ! Je me lance : la première estime que la vérité serait une chose déterminée par notre intérêt à y croire ; la 2ème est une forme de dette que l'homme a envers la vie ; la 3ème est que nous sommes maître de notre destin et enfin la 4ème le monde est t-elle qu'il et c'est à nous de le modeler. En conclusion je vais citer le dictionnaire de philosophie (encyclopédie Universalis) à l'entrée Pragmatisme : "Tout essai de comprendre le pragmatisme à partir de écrits de James est voué à l’échec". Je ne peux donc que vous conseiller de vous laisser guider par Jack, le cowboy solitaire de ce manga, pour y voir plus clair.
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Le pragmatisme

Etanchons donc notre soif de savoir avec la collection Kurosavoir et son importante sélection de titres de vulgarisation. Aujourd'hui, nous parlons du pragmatisme à travers une fiction western qui dégaine en flligrane la philosopophie de William James, l'un des pères fondateurs de ce qu'on appelle le pragmatisme...



Comme souvent, c'est à travers le prisme de la fiction et non à travers de simples explications qu'un mouvement philosophique est expliqué et démontré dans la collection Kurosavoir.



Ainsi, avec Kant, nous avons eu droit à une intrigue de science-fiction robotique tandis qu'ici, nous sommes plongés dans l'emblématique Ouest Américain du XIX ème siècle, période dont est issu le fondamenteur du pragmatisme William James. Un monde sans pitié , à même de retranscrire l'esprit pragmatique, c'est en tout cas ce que démontre ce manga qui se démarque un petit peu de la collection par son contenu plus brut tout en restant dans les clous de la vulgarisation accessible au grand public.



Nous avons droit à une fiction interessante, un petit western qui reprend des trames scénaristiques emblématiques comme l'inconnu au trouble passé qui vient sauver la veuve et l'orphelin ou encore le sinistre hors-la-loi au service d'une autorité avide et peu scrupuleux. Jack , le héros de ce western, est un vagabond porteur de la doctrine du pragmatisme qui va venir aider sur sa route un jeune garçon et sa mère à lutter contre une bande de hors-la-loi. Une leçon de mentor qui permettra au jeune garçon de s'émanciper de sa pauvre condition... D'autres personnages gravitent autour de cette leçon comme un jeune pasteur qui, sous l'influence de Jack, s'émancipera un peu d'une posture de croyant un peu figé et passif , trop emprisonné dans l'inaction et l'intellect.



Sans rentrer dans les détails du pragmatisme, ce titre propose une fiction très terrre-à-terre afin de l'illustrer , le pragmatisme étant plus une conduite à suivre qu'un dogme intellectuel, le choix d'un cadre aussi rigoureux et menaçant que le Far- West est adéquate et pousse justement les héros de cette histoire à s'adapter face à la menace. Le vagabond, Jack , est un homme flegmatique qui privilégie l'action à la réflexion en se laissant guider par des valeurs telles que la justice.



Par sa cohérence et la solidité de son intrigue, ce titre de la collection Kurosavoir s'avère très plaisant à lire, loin de toute lourdeur explicative ou démonstrative. La philosophie est un peu expliquée dans quelques planches entre les chapitres, elle n'alourdit pas le récit et permet de délivrer un one-shot sympathique à travers un western sans surprises mais cohérent et divertissant.



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L’Immoralité de la croyance religieuse

J’avais tâché il y a environ un an, pour mon incomparable Feu aux poudres (puisse cette œuvre supérieure, dans les temps à venir, être jugée avec l’admiration qu’elle mérite, et non pas avec l’incompréhension consternée et fâchée qu’elle suscite en notre époque de modestie et d’étroitesse d’esprit), de trouver un éditeur capable d’en comprendre la nécessité immédiate et le message profond – en vain. J’avais particulièrement cherché du côté des maisons spécialisées dans ce genre, plus politisées, subversives, attachées aux controverses, aux audaces et aux révoltes, et, parmi elles, il m’avait semblé que Agone pourrait être intéressé(e). C’était en réalité tout à fait ridicule de ma part : Agone, comme les autres en général, ne publie, à l’exception de ses amis et collaborateurs, que des auteurs déjà connus dont la notoriété souvent témoigne déjà d’une certaine bêtise de classe, d’une pensée partisane et d’une capacité au simplisme et au racolage. Bien entendu, j’ignorais cela à l’époque.



Toujours est-il que, comme nombre de petits éditeurs continuant d’entretenir l’illusion d’appels à manuscrits à dessein exclusif d’accroître leur clientèle, Agone utilisa, après un refus d’usage, mes coordonnées numériques pour m’envoyer dès lors régulièrement (et éhontément) la publicité de leurs parutions nouvelles, songeant sans doute qu’un aspirant auteur qui, de toute façon en France, ne peut guère prétendre à être édité s’il ne connaît personne, n’aura à la fin rien de mieux à faire, en attendant d’autres refus perpétuels, que de soulager ses angoisses en lisant pourquoi pas un peu de littérature polémique.



Je trouvais – bonne âme, décidément (on a bien tort de me juger le diable !) – un titre alléchant, celui qui figure ici en exergue ; j’en pris note et me rendis bientôt chez Franck, mon libraire.



Je ne veux pas revenir longuement sur le scandale qu’il y a à acquérir 90 pages d’essai pour dix-sept euros : on me prendrait pour un ladre, et un lecteur attentif et fidèle m’objecterait que cette indignation contredit ce que j’ai écrit par ailleurs sur la nécessité que le livre fût plus cher – on me considéra alors un libéral-capitaliste parmi les plus redoutables et inhumains – ; et cependant j’arguerais en retour que les auteurs à l’origine de cet ouvrage sont tous deux morts depuis plus de cent ans et qu’ainsi les rentes de ce travail ne peuvent plus leur profiter notamment pour en produire d’autres, de sorte qu’on est forcé de conclure que ce fruit revient largement à l’éditeur qui ne réalise à peu près qu’un coup de commerce en le vendant si cher puisqu’il est impossible que sa réalisation dépasse de beaucoup trois ou quatre euros ; n’importe cela, je n’en parlerai pas, et pas davantage je ne révélerai la façon sordide dont les maisons d’édition s’organisent entre elles pour fabriquer de toutes pièces de pareilles pénuries de façon à obliger les clients à acheter à prix d’or des œuvres qui, normalement tombées dans le domaine public depuis longtemps, devraient être plutôt accessibles gratuitement et même au format papier à partir de banques de données plus ou moins gratuites : non, communiquer de telles positions et dénoncer des profits indus ferait à présent de moi une sorte de révolutionnaire anarcho-communiste effroyable et sanguinaire – on voit comme on n’échappe pas, dans notre monde si aimable et policé, à tous les jugements catégoriels les plus ineptes et contradictoires quand on n’ambitionne que de dire, mais certes sans grands ménagements comme je le fais depuis toujours et parce que je ne prends aucun de mes lecteurs pour un agneau, des vérités simplement incontestables et impartiales.



Ainsi, n’en parlons plus !



On sait déjà certainement mon mépris explicite pour toutes les formes de croyance, et il ne se pouvait qu’un titre comme L’immoralité de la croyance religieuse ne m’attirât d’une façon ou d’une autre. En particulier, s’agissant d’une controverse entre deux auteurs du XIXème siècle, la vertu apéritive de cet ouvrage était pour moi irrésistible, un piège presque, comme on en fabrique aux oiseaux affamés au cœur de l’hiver.



Je découvris pourtant, après avoir acquis l’essai, que ce titre même était une création de l’éditeur, l’article de William Clifford se nommant initialement : « L’éthique de la croyance » (« The Ethics of Belief »), et celui de William James, son détracteur : « La volonté de croire » (« The Will to Believe ») ; or, nulle de ces appellations n’a évidemment le charme percutant du premier : ils sont tous les deux bien plus généraux, dogmatique et contournés – on ne m’eût pas appâté aussi facilement, en dépit de ma relative famine, avec une nourriture a priori si maigre et d’un fumet si peu sapide.



Mais c’est bien ma faute, et j’aurais dû me renseigner ! Tomber si naïvement dans les attrapes de marchands pourtant si notoirement malhonnêtes !...



J’ignore tout des deux auteurs dont il s’agit, je ne m’étais pas documenté sur eux non plus par avance ; la préface de Benoît Gaultier informe sur leur identité et sur le débat en question qui connut alors, selon lui, un retentissement important, et ce débat se résume ainsi : est-il sain de croire ? Clifford prétend que toute croyance qui n’est pas fondée sur l’examen de preuves est une irresponsabilité, et James… affirme à peu près le contraire. Il semble, selon la préface, qu’en définitive ce dernier obtint l’adhésion des foules en un siècle de puritanisme et de soupçon général des sciences, ce qui est sans doute à mettre au crédit de Clifford ; il paraît aussi que, comme Clifford était mort depuis presque vingt ans au moment où James produisit sa « glorieuse » réfutation, ce dernier l’emporta sans trop de mal et avec l’aisance de quelqu’un dont la critique ne peut plus recevoir l’objection de son interlocuteur. C’est très pratique, en somme ; pour toute garantie de triomphe public à l’issue d’un duel moral, on doit pouvoir énoncer sans faillir la règle suivante : arrangez-vous pour conforter l’opinion de la société où vous vivez sans chercher à l’élever, société dont l’état de liberté intellectuelle se situe à peu près au niveau de l’argent et de ses intérêts propres, et exprimez-vous contre un auteur défunt dont il ne reste nul soutien de façon à donner l’illusion d’une pensée audacieuse et sans réplique. Croyez bien qu’ainsi on vous adulera – méthode impayable pour gagner à tous les coups !



Mais rares sont les gens capables d’analyser un raisonnement mieux que moi – je suis, en pareil métier, un as tout dépassionné et objectif : vraiment, je donnerais même la victoire à mon adversaire sur le seul fondement de sa méthode dialectique, de sa progression et de son à-propos ! –, et j’assure en l’occurrence que le raisonnement de William Clifford, sans être parfait, est de loin le plus sincère et le plus efficace des deux.



En particulier, sa première analogie est excellente : il se met à la place d’un armateur qui doute que son bateau soit en bon état pour effectuer une traversée. Cet homme s’interroge, et puis, comme le navire n’a jamais connu d’avaries et que d’autres font parfaitement confiance à sa solidité, il décide de le laisser partir sans l’examiner. Clifford, évidemment, prétend que si le bateau coule – tuant par exemple ses occupants –, alors en telle situation l’armateur est responsable : il n’avait pas à avoir foi sans vérification. Mais, chose plus étonnante et tout aussi juste, Clifford affirme que si le bateau ne coule pas et effectue sans entrave son voyage, alors l’armateur est tout aussi coupable : il aurait dû examiner son bien et il ne doit sa survie qu’à la chance. En somme, la négligence, quelle que soit sa conséquence – car cette conséquence est assez imprévisible –, demeure la même : c’est une seule et même faute qui peut conduire, selon certains hasards (et par exemple l’état de la mer durant cette traversée), à des catastrophes.



Cette analogie permet à Clifford de montrer qu’on ne doit point croire sans éléments de preuves, qu’on commet alors une faute morale – et il s’efforce ensuite, mais un peu vainement à mon avis, d’expliciter méthodiquement sur quels éléments repose une preuve, à savoir : la véracité d’un témoin (son désir de dire le vrai) et sa connaissance avérée et reproductible de ce dont il parle. Mais son grand génie, peut-être, est de parvenir à clarifier que la prédiction d’un fait n’est pas du tout ce qui compte dans l’évaluation d’un raisonnement : n’importe qui aurait pu affirmer que le bateau allait couler, et n’importe qui d’autre aurait pu déclarer exactement le contraire, et le fait survenu ensuite – échouage ou non – n’eût été à peu près qu’une contingence à défaut d’un véritable examen préalable ; en somme, sans cet examen, que les événements nous eussent finalement donné raison ou pas, on aurait eu tort de toute façon. Cette assertion n’est pas aisément concevable, elle sert pourtant à invalider tous les augures qui, par chance, obtiennent confirmations ; je puis personnellement l’illustrer de la façon suivante : imaginons que six joueurs tâchent de prévoir le résultat d’un dé ordinaire, et supposons que chacun ait annoncé un chiffre différent : certes, à l’issue du lancer, on constatera que l’un d’eux avait dit la vérité, mais quelles raisons avait-il de la supposer ? aucune ! Et donc, faute d’éléments de preuve pour justifier cette vérité qui est tombée par hasard, il avait tort comme les autres de ne s’en tenir qu’à une croyance infondée.



À cela, Clifford ajoute – et c’est une autre idée forte – que, les croyances mensongères ayant tendance à se perpétuer d’une génération à l’autre, il importe particulièrement de ne pas les maintenir sans examen, et qu’il est, en somme, de notre devoir moral de les réfuter avant que nos enfants en soient aussi aveuglément les victimes. Il fait ainsi de la lutte contre les croyances sans preuve une responsabilité humaine.



Tout ceci est fort efficace, inattaquable sur un plan rationnel (on verra que James ne s’amuse au contraire qu’à vanter l’irrationnel, et j’expliquerai en quoi il fait évidemment preuve de mauvaise foi). Je n’aurais à redire contre Clifford que sa patience et son ton bienveillant qui masquent une vérité que Nietzsche n’aura pas, quant à lui, la molle courtoisie de retenir, et c’est l’aliénation volontaire du croyant, autrement dit : la foi comme maladie mentale. Clifford s’efforce par décence de ne pas exprimer que la foi sans examen est l’apanage du fou, qu’il n’existe plus guère de religieux véritablement persuadé, et qu’aucun débat sensé ne peut avoir lieu sans au moins quelque critérium commun de vérité. Mais pour le reste, sa démonstration est solide et ferme, courageuse sans doute pour l’époque ; son cheminement aussi bien que son vocabulaire sont extrêmement clairs, d’une netteté évoquant Spencer, Emerson ou Russel, mais aussi avec le même défaut de pérorer quelquefois longtemps sur des évidences qui ne méritent pas de telles explicitations. On pourrait ne pas juger cette tendance un si grand vice si, bien souvent, ces vains atermoiements au sujet de vérités dont personne ne doute ne servaient de biais captieux pour prolonger artificiellement l’impression d’arpenter un terrain de confort et de réalité. Un mauvais guerrier, quelquefois, est celui qui, pour la galerie, ne pose son pied que rarement en territoire ennemi et dangereux, et qui se pavane le plus souvent en manœuvres inutiles sur son propre sol pour faire accroire comme il se sent à l’aise et dégagé.



William James passe, je ne sais pourquoi, pour son contradicteur, mais en réalité il feint plutôt de le contredire non sans l’avantage certain que son adversaire ne lui répliquera pas (ce qui eût été pour Clifford, je le crois, d’une facilité déconcertante) ; il ne se confronte jamais à la thèse de son ennemi. Voici en quoi consiste toute sa réfutation :



Il affirme que Clifford, à force de réclamer des preuves, est un sceptique systématique, et qu’il est impossible en définitive d’obtenir sur quoi que ce soit assez de preuves pour affirmer l’existence de quelque chose : il faudrait, en somme, suspendre perpétuellement son jugement par crainte d’avoir tort. Par ailleurs, et comme il doit sentir que cet argument n’est bon qu’à faire illusion auprès de ses bas lecteurs, James soutient que cette attitude d’examen systématique est aussi après tout une croyance, une foi unique en la science, une volonté située dans un tout autre plan paradigmatique de la certitude. Il ajoute que nous sommes habituellement contraints d’admettre toutes sortes de réalités sans pouvoir les démontrer qu’avec « notre cœur », et il achève en alléguant que la compréhension de la légitimité de la foi ne peut s’acquérir – qu’en ayant foi au départ (en somme, un scientifique a trop de préjugés pour entendre la croyance, et les actes de foi ne surviennent qu’au moyen de l’ouverture de la foi, pour ne pas dire de la crédulité) ; en somme : laissons donc le croyant à ses œuvres, il ne fait de mal à personne, pas davantage que le scientifique avec son propre système de croyance selon lequel la vérité s’acquiert au moyen de preuves.



Tout ceci est inepte et absurde, en vérité. C’est que Clifford n’a jamais prétendu qu’il fallait éternellement rejeter une théorie incertaine, mais bien qu’il fallait n’admettre que ce qui avait une chance raisonnable d’être vrai et donc pour appui quelque élément de preuve solide. L’allégation de James selon laquelle la science est une foi est un jeu de mot détestable, une machine à fabriquer du blanc avec du noir : un scientifique n’a pas cru d’emblée et a priori que la vérité était meilleure que le mensonge et qu’elle devait se fonder sur une méthode sûre, il y est parvenu par degrés sans préjugé ni préconception – et est-ce que le croyant ne prétend pas aussi détenir des preuves pour justifier sa foi ? Bien sûr que oui, et pourtant, si James ne les expose pas, c’est qu’il sait bien qu’elles sont insuffisantes et ridicules ! Surtout, si James situait sa réflexion sur un tout autre plan que la science, quel besoin aurait-il d’argumenter et de se servir, en somme, des éléments dialectiques de la raison pour se faire entendre ? Il lui suffirait d’écrire : « Je crois parce que je crois, je n’ai pas besoin d’autre chose », mais il m’évoque assez un fantassin engagé volontairement dans une guerre contre la violence et les armes, et qui en userait au moins partiellement contre ses ennemis pour démontrer comme il a raison !



Sans parler encore, dans l’argumentation de James, des raisons d’autorité : définitions absconses et inutiles mâtinées d’un latin incompréhensible, procédé spinoziste ou kantien par lequel on force le lecteur à vous suivre en endormant sa vigilance par l’effet d’une extrême concentration de façon à lui faire oublier que vous vous exprimez sans susciter aucunement son adhésion : l’auteur attaque dès la première partie sur une distinction entre : hypothèse vivante et morte, option vivante ou morte, obligée ou évitable, importante ou insignifiante… Vraiment, il serait bon un jour qu’un philosophe comprît qu’on n’a pas à définir quoi que ce soit avant de prouver la nécessité d’une définition ! Et puis, cette bêtise sur « l’évidence objective », principe selon lequel une chose est vraie parce qu’elle apparaît d’emblée au cœur sans contradiction (très pratique !), et qui ne se démontre, semble-t-il, qu’en latin : « Si par exemple, je ne puis douter que j’existe actuellement, que deux sont moins que trois, que si tous les hommes sont mortels, alors je suis mortel, c’est que ces choses illuminent irrésistiblement mon entendement. Le fondement ultime de l’évidence objective qui s’attache à certaines propositions réside dans l’adaequatio intellectus nostri cum re. La certitude qu’elle confère implique, du côté de la vérité envisagée, une aptitudinem ad extorquendum certum assensum et, du côté du sujet et de sa réception mentale de la vérité envisagée, un quietme in cognitione » : promettez-moi que vous ne vous laisserez pas – jamais ! – impressionner par de telles pédanteries (en gros, l’auteur ne fait que dire, ici : « si tu n’es pas sûr, écoute ton cœur » – la belle affaire !) !



Et je n’ai pas encore parlé – plus grave – des subtiles fautes de logique qui émaillent l’argumentation de James jusqu’à quelque point élevé de ridicule (j’en donnerai un exemple plus long en citation finale qui figure l’aveu d’ignorance le plus éhonté que j’aie jamais lu) : la foi, clame-t-il dans sa neuvième partie, crée le fait, et la preuve, selon lui, c’est que si dans un train attaqué par des bandits tous les voyageurs avaient foi en leurs co-voyageurs, alors ils n’auraient plus peur d’être seuls à assurer leur défense, se mettraient tous en action et l’attaque échouerait – c’est donc qu’une croyance suffit à produire un résultat (et en l’occurrence un résultat a priori positif). À quoi je réponds : mais en quoi la foi en ces autres voyageurs provoquerait-elle leur intervention ? La foi, en réalité, n’a rien fait, et ce qui adviendrait réellement dans un cas comme celui-ci c’est que notre homme, sur la foi que tous les autres ont de la bravoure, probablement irait seul au suicide, de sorte qu’au lieu de survivre il sacrifierait sa vie au nom d’une pensée illusoire. Ou encore : l’article s’achève sur cette citation de Fitzjames Stephen (un inconnu pour moi, mais qui doit porter, par sa réputation, un atout décisif à un auteur qui se sent sans doute en quelque difficulté avec le soutien de sa seule et défaillante raison) – James ne cesse d’arguer des autorités tout au long de son argumentation, mais il faut lui pardonner parce que Clifford en cite seulement un peu moins –, citation que l’auteur suppose déterminante pour appuyer ce relativisme absolu où il place la vérité : « Chacun doit agir conformément à ce qu’il croit être le meilleur ; et s’il se trompe, tant pis pour lui. Nous nous tenons en haut d’un col de montagne en pleine tempête de neige et dans un épais brouillard à travers lequel nous apercevons furtivement, et peut-être de façon trompeuse, quelques sentiers. Si nous n’avançons pas, nous périrons de froid. Si nous nous engageons sur un mauvais sentier, nous nous romprons le cou. Nous ne savons même pas avec certitude s’il existe seulement un bon sentier. […] Si la mort est au bout du chemin, nous ne saurions aller de meilleure manière à sa rencontre. » Mais ne suffit-il pas d’ajouter, à ce lot presque irréfragable de bons et plats sentiments : pour autant, est-ce un bon prétexte, parce que nous ne sommes sûrs de rien, de ne pas, au préalable au cours de notre marche périlleuse – examiner le sentier ?

Un dernier mot : cet ouvrage en réalité comporte 120 pages, mais les trente dernières, où Benoît Gaultier prétend éclairer des pensées suffisamment lumineuses et accessibles par elles-mêmes, sont tout à fait superfétatoires : c’est un compendium d’une étonnante superfluité que j’ai seulement feuilleté pour vérification de style, et où le commentateur recopie de longs pans de texte, sans doute pour prouver qu’il demeure ainsi dans l’esprit des auteurs qu’au mieux il paraphrase. Généralement, je vous recommande de faire ainsi que moi et, lorsque vous pensez avoir bien compris une œuvre, d’éviter de subir l’influence d’un autre qui peut fort bien avoir moins entendu que vous, tout spécialiste soit-il : c’est ainsi, par exemple, que j’ai découvert que de « grands » critiques notamment pédants comme Deleuze avaient produit sur Nietzsche des « explicitations » tout inverses aux propositions de l’auteur, de détestables déformations en vérité ! Croyez-m’en : lisez vous-même ou passez votre chemin, ces digests sont la lie de la littérature, on ignore toujours un peu qui les rédige pour de l’argent, et on ne peut guère s’y fier autant qu’à soi-même. D’ailleurs, mon propre article, celui que vous lisez instamment, ne vaut que parce qu’il ne se propose pas tant d’expliquer ce qui est clair à l’origine (bien que je reconnaisse avoir quelque peu « épuisé » l’intér
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Le pragmatisme

Savoir et connaissances à la portée du plus grand nombre, tel est le défi que semble s être lancé les éditions Kurokawa. Je dis bravo et merci ! Que ce soit philosophie, personnages de l histoire ou grandes œuvres, l'adaptation en manga permet un accès plus simple et plus ludique.

Merci à cette masse critique et à Babelio de m avoir permis d appréhender plus facilement la question du Pragmatisme !

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Les formes multiples de l'expérience religieu..

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