Soirée rencontre avec Yves Ballu autour de son livre :
"Naufrage au mont Blanc, l?affaire Vincendon et Henry".
PROGRAMME
? Rencontre, lecture, débat, dédicace et verre de l?amitié en présence de l?auteur.
Il a compté jusqu'à trois, puis il s'est élancé...
Mais la crevasse était trop large, et le pont de neige a cédé...
Pendu au bout de sa corde, il observe l'étrange cavité dont la voûte ne laisse apparaître qu'une maigre découpe de ciel bleu. Il n'a pas peur, car à l'autre bout, Henry sait quoi faire.
Cette fois le sommet est vraiment proche et, malgré le vent qui souffle en rafales, malgré la fatigue qui oblige à respirer plusieurs fois entre chaque enjambée, malgré le froid qui rend insensibles leurs pieds et leurs mains, Michel-Gabriel Paccard et Jacques Balmat trouvent la force de poser encore un pied devant l'autre, encore, encore et toujours...
Et puis, soudain, plus rien, plus rien que le ciel de Savoye, de France et d'Italie ! Ils sont au dessus du monde, au sommet du Mont-Blanc !
Il est exactement 18 heures et 23 minutes, ce 8 août 1786. C'est un moment important dans l'histoire des hommes.
Moment privilégié de recueillement et de préparation, la marche d'approche est d'abord une transition entre la chaleur douillette du refuge et le froid incisif du dehors, entre le monde des certitudes et celui de l'aventure.
La pudeur est parfois l'expression la plus émouvante des sentiments forts.
Les parents de Jean Vincendon doivent endurer ce harcèlement impudique de quelques journalistes − les plus entreprenants − dont la sollicitude poisseuse ne vise qu'à glaner du sensationnel, du pittoresque, du tragique pour continuer de tenir en haleine leurs lecteurs. Eux qui n'ont jamais aspiré qu'à vivre tranquilles, sans histoires, les voilà soudain projetés avec brutalité sous les feux de l'actualité. "Parents des disparus", ils sont épiés, braqués par des photographes qui guettent un geste de faiblesse, d'impatience ou de désespoir, des larmes, peut-être.
− L'hélicoptère est tombé !
Les regards se tournent vers la table des parents de Jean Vincendon. Le photographe qui accompagne le secrétaire de la Société de Secours s'approche. Sa légende est prête : « Les parents Vincendon effondrés en apprenant la terrible nouvelle... » ; il ne lui manque plus que la photo. Depuis le matin, il a battu la semelle, traquant M. et Mme Vincendon entre leur hôtel, la gendarmerie, le bureau des guides, dans les rues de Chamonix, empoignant son appareil dès que l'un ou l'autre sortait un mouchoir. En vain, parce qu'ils n'ont pas pleuré. [...] Une matinée perdue, rien de bon à envoyer au journal. Mais cette fois, il a eu du flair. [...] L'appareil est armé, il a donné un coup de langue au culot de l'ampoule de magnésium pour assurer le contact, il cadre... Mais cette fois encore M. Vincendon ne pleurera pas en public. Lui qui est d'ordinaire si réservé ne peut retenir un geste de désespoir et de dégoût : il lance sa serviette à la figure du photographe. Celui-ci n'aura pas d'image sensationnelle pour illustrer sa légende.
« Une course se désire puis elle se prépare » écrit Rébuffat. Cette recommandation presque anodine va embraser la vie de François tel un vœu perpétuel. Il va se donner à l'alpinisme comme on entre en religion, avec la foi, la générosité, le mysticisme d'un catéchumène. Désormais, il passera le plus clair de son temps à désirer des courses et à les préparer.
La vie de l'alpiniste est suspendue à ses doigts. Ils doivent parfois soutenir tout le poids du corps suspendu dans le vide. Pour affronter la haute montagne, il faut avoir dans les premières phalanges autant de force qu'un coureur dans les jarrets.
Rébuffat éprouve une grande joie doublée d'une satisfaction d'amour-propre : "Je repense à la Walker, cette autre grande première de Cassin, à mon bonheur d'en avoir fait la première répétition, à ma fierté d'être allé plus vite."
chacun s'installe pour le bivouac : au menu du dîner un potage Fortnum et Mason particulièrement apprécié par Whymper qui, plein de délicatesse, exige d'être servi en dernier : "Le point essentiel est de toujours laisser boire ses amis les premiers ; d'abord c'est plus poli, ensuite on risque moins de se brûler, enfin le dessous vaut deux fois le dessus, car le meilleur reste au fond."