Citations de Yves Ballu (26)
Il a compté jusqu'à trois, puis il s'est élancé...
Mais la crevasse était trop large, et le pont de neige a cédé...
Pendu au bout de sa corde, il observe l'étrange cavité dont la voûte ne laisse apparaître qu'une maigre découpe de ciel bleu. Il n'a pas peur, car à l'autre bout, Henry sait quoi faire.
Cette fois le sommet est vraiment proche et, malgré le vent qui souffle en rafales, malgré la fatigue qui oblige à respirer plusieurs fois entre chaque enjambée, malgré le froid qui rend insensibles leurs pieds et leurs mains, Michel-Gabriel Paccard et Jacques Balmat trouvent la force de poser encore un pied devant l'autre, encore, encore et toujours...
Et puis, soudain, plus rien, plus rien que le ciel de Savoye, de France et d'Italie ! Ils sont au dessus du monde, au sommet du Mont-Blanc !
Il est exactement 18 heures et 23 minutes, ce 8 août 1786. C'est un moment important dans l'histoire des hommes.
La pudeur est parfois l'expression la plus émouvante des sentiments forts.
Moment privilégié de recueillement et de préparation, la marche d'approche est d'abord une transition entre la chaleur douillette du refuge et le froid incisif du dehors, entre le monde des certitudes et celui de l'aventure.
« Une course se désire puis elle se prépare » écrit Rébuffat. Cette recommandation presque anodine va embraser la vie de François tel un vœu perpétuel. Il va se donner à l'alpinisme comme on entre en religion, avec la foi, la générosité, le mysticisme d'un catéchumène. Désormais, il passera le plus clair de son temps à désirer des courses et à les préparer.
Les parents de Jean Vincendon doivent endurer ce harcèlement impudique de quelques journalistes − les plus entreprenants − dont la sollicitude poisseuse ne vise qu'à glaner du sensationnel, du pittoresque, du tragique pour continuer de tenir en haleine leurs lecteurs. Eux qui n'ont jamais aspiré qu'à vivre tranquilles, sans histoires, les voilà soudain projetés avec brutalité sous les feux de l'actualité. "Parents des disparus", ils sont épiés, braqués par des photographes qui guettent un geste de faiblesse, d'impatience ou de désespoir, des larmes, peut-être.
La vie de l'alpiniste est suspendue à ses doigts. Ils doivent parfois soutenir tout le poids du corps suspendu dans le vide. Pour affronter la haute montagne, il faut avoir dans les premières phalanges autant de force qu'un coureur dans les jarrets.
− L'hélicoptère est tombé !
Les regards se tournent vers la table des parents de Jean Vincendon. Le photographe qui accompagne le secrétaire de la Société de Secours s'approche. Sa légende est prête : « Les parents Vincendon effondrés en apprenant la terrible nouvelle... » ; il ne lui manque plus que la photo. Depuis le matin, il a battu la semelle, traquant M. et Mme Vincendon entre leur hôtel, la gendarmerie, le bureau des guides, dans les rues de Chamonix, empoignant son appareil dès que l'un ou l'autre sortait un mouchoir. En vain, parce qu'ils n'ont pas pleuré. [...] Une matinée perdue, rien de bon à envoyer au journal. Mais cette fois, il a eu du flair. [...] L'appareil est armé, il a donné un coup de langue au culot de l'ampoule de magnésium pour assurer le contact, il cadre... Mais cette fois encore M. Vincendon ne pleurera pas en public. Lui qui est d'ordinaire si réservé ne peut retenir un geste de désespoir et de dégoût : il lance sa serviette à la figure du photographe. Celui-ci n'aura pas d'image sensationnelle pour illustrer sa légende.
Rébuffat éprouve une grande joie doublée d'une satisfaction d'amour-propre : "Je repense à la Walker, cette autre grande première de Cassin, à mon bonheur d'en avoir fait la première répétition, à ma fierté d'être allé plus vite."
Gaston Rébuffat sera pour la Compagnie un guide exemplaire - un modèle. Respectueux des traditions, il prendra soin de distinguer ce qu'i considère comme de valeurs authentiques - parfois oubliées- sur lesquelles se fonde la réputation des guides, et donc leur légitimité, et le "faux folklore", destiné aux touristes.
chacun s'installe pour le bivouac : au menu du dîner un potage Fortnum et Mason particulièrement apprécié par Whymper qui, plein de délicatesse, exige d'être servi en dernier : "Le point essentiel est de toujours laisser boire ses amis les premiers ; d'abord c'est plus poli, ensuite on risque moins de se brûler, enfin le dessous vaut deux fois le dessus, car le meilleur reste au fond."
Plus haut, tout est blanc, aussi loin qu'il puisse remonter. Une fine arête de neige nacrée par la lune jaillit sur plusieurs centaines de mètres avec une hardiesse insolente.
Mais t'as une monstre prise de pied! Regarde, au lieu de racler le rocher comme un paillasson! Regarde et respire! Mais respire, nom de Gu!
Il militera activement pour la préservation des Calanques et de la Sainte-Victoire, et soutiendra la création des parcs nationaux de la Vanoise et des Ecrins. Membre de la commission supérieure des sites, il proposera, sans succès, la création de sentiers de randonnée d'altitude reliant les vallées glaciaires, et s'opposera sans plus de réussite à l'équipement des Grands Montets en remontées mécaniques.
Il gardera une maîtrise totale de son image, évitant tout ce qui pourrait l'écorner.
Moulin disparaît ! En traversant un pont de neige, il l'a effondré. La corde file à toute allure, déséquilibrant Gaston et l'entraînant dans une glissade qui l'aurait précipité à son tour dans la crevasse si un providentiel bouchon de neige ne l'avait stoppée.
La soif se fait cruellement sentir, alors il contourne le versant nord de l'éperon pour remplir la gourde avec de la neige, puis il revient en l'agitant, tant et si bien qu'elle lui glisse des mains et rejoint la base de la paroi! Déjà deux ans auparavant, lors du bivouac à la descente, c'est une succulente boîte de jambon qui lui avait échappé... Sans eau, sans salive, les biscuits, le chocolat, les fruits secs ont tous le même goût : celui du plâtre.
Il se retient de dire ce qu'il pense : Quel vol si je partais! Pas sûr que la corde tiendrait... Inutile d'affoler son compagnon dont le moral est loin d'être inoxydable.
Mais il sait combien gagne un guide à Chamonix : même en alignant des Mont-Blanc par la voie normale - ce qui ne l'intéresse pas- et en faisant le moniteur durant l'hiver - ce qu'il déteste -, il ne gagnera jamais assez d'argent pour combler une fille d'architecte qui n' pas renoncé au train de vie qu'elle a connu dans sa jeunesse.
« Il avait à reconnaître, trouver, inventer un cheminement dans ce chaos de blocs, de pics, de corridors, de déchirures, négocier montées et descentes infernales, butter soudain contre le fonds d’un couloir muré, revenir en arrière, guetter une autre issue, trébucher, vaciller au bord des précipices » (Joseph Kessel)
« Imaginez la variété, la grandeur, la beauté de mille étonnants spectacles ; le plaisir de ne voir autour de soi que des objets nouveaux, des oiseaux étrangers, des plantes bizarres et inconnues, d’observer en quelque sorte une autre nature et de se trouver dans un nouveau monde » (Jean-Jacques Rousseau)
« Cela commence toujours de la même façon. On ne voyait rien devant soi que la monotonie des éboulis, que la ligne amollie des pâturages, lorsque tout à coup, surgit un détail, tellement éloigné en profondeur et en altitude, marqué d’un tel signe qu’il devient désormais impossible d’en détacher le regard. A ce pouvoir de fascination on reconnaît la haute montagne « (Pierre Dalloz)
« Le vrai montagnard est l’homme qui tente de nouvelles ascensions. Qu’importe s’il réussit ou s’il échoue, il prend sa jouissance dans la fantaisie ou le jeu de la lutte » (Albert Fredrick Mummery)
« Le monde est une merveille étalée à nos pieds. Face à face avec les cieux et leur éternel mystère, une succession de montagnes éblouissantes s’offre à notre vue… » (Ella Maillart)