Citations de Émile Brami (25)
Ma théorie est en effet la suivante : dans un premier temps, Hergé prend chez Céline des mots, des expressions et surtout les formes dont il a besoin, qui l’intéressent ou qui l’intriguent, pour habiller le discours de Haddock. Puis, rapidement, en véritable créateur, il s’affranchit de son modèle pour inventer ses propres formules. Barthes n’affirme-t-il pas : « L’écrivain choisit quand même de combiner. Il combine les citations dont il enlève les guillemets. » On observera par exemple que, dans les albums suivants, Haddock, pour ses débordements, emprunte de plus en plus au vocabulaire technique.
Ainsi, au moment où il apparaît pour la première fois, en pleine guerre, dans Le Soir dit « volé», journal collaborationniste belge mis au service de la propagande allemande, Haddock matérialiserait de façon significative le racisme d’Hergé. Nous aurions donc affaire à deux racistes : l’un, Céline, déclaré et revendiqué en tant que tel, au moins jusqu’en 1944, plus discret après cette date, de nos jours encore honni pour cette raison même ; l’autre, Hergé, beaucoup plus circonspect, mais qui, lorsqu’il se laisse aller, se révélerait sous le masque et par le biais commode de l’intempérance verbale du capitaine Haddock.
Je me suis alors interrogé sur les liens susceptibles d’avoir rapproché le fulminant Louis-Ferdinand Céline, le bouillant capitaine et Georges Remi, dit Hergé, qui affirmait à Numa Sadoul :
« Tintin (et tous les autres) c’est moi, exactement comme Flaubert disait : “Madame Bovary c’est moi” ! Ce sont mes yeux, mes sens, mes poumons, mes tripes. »
l'Allemagne de 1944 était devenue une moderne tour de Babel où les déportés du travail français, mais aussi russes, polonais, baltes, tchèques, italiens se mélangeaient aux combattants volontaires de la Waffen SS, français, wallons, flamands, norvégiens, danois, croates, hongrois, sans compter les musulmans bosniaques de la division Handschar, les soldats de la Légion arabe du mufti de Jérusalem ou même les hindous et les sikhs de la SS Freies Indien Légion.
(...) Car je suis certain désormais, comme il me l'a dit, que c'est à mon intention qu'il a produit une bonne partie des ces images.
Il était l'œil, et moi une ombre dans l'objectif.
C'est lui qui avait raison: nous avions longtemps travaillé ensemble.
En collaboration.
Je ne t'apprendrais pas Emile, que l'histoire des fils commence bien avant eux, avec celle de leur père.
On peut très facilement raconter l'histoire d'un menteur, il suffit que ça soit un autre menteur qui le fasse.
"Sur le net, soi-disant écrivains et pseudo-critiques pullulent. Dans ce gigantesque Café du commerce où chacun est certain d'avoir son mot à dire, les blogueurs, sans autre légitimité que celle qu'ils s'arrogent, dont la parole ne vaut ni plus ni moins que celle du consommateur qui donne son avis accoudé au comptoir, fabriquent de la monnaie de singe avec l'espoir de la voir convertir un jour en espèces sonnantes et trébuchantes. Ils rêvent d'échapper dès que possible à l'espace virtuel qui les aura fait connaître pour revenir à la réalité, d'être enfin imprimés sur du bon vieux papier, que les billets de Monopoly accumulés sur la Toile se transmutent, même à perte, en euros."
Il espérait aussi profiter de ce voyage pour contacter les moguls d'Hollywood
Le principe est simple : qui connaît son alphabet sait, peut, doit écrire et, pour reprendre le vieux mot de Lacan, n'a à s'autoriser que de lui-même. Sauf que chacun se raconte à plat: «Ceci est une pomme, une pipe, une vie et rien de plus», toute pudeur oubliée, dans un ennui accablant, sans le style qui permet tout ni la distance et la transposition indispensables pour, en sublimant la réalité, faire parfois une œuvre d'art.
Il est interdit de rester à ne rien faire… C’est la règle… Tu ne peux pas attendre… Tu n’en as pas le droit…
Tu dois donc jouer et causer ainsi ta propre perte…
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
On ne se suicide pas par amour pour une femme. On se tue parce qu’un amour, n’importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, dans notre misère, dans notre état désarmé, dans notre néant.
Dans les romans, lorsque la mort rôde, les pères abusifs et les fils égarés ne se retrouvent-ils pas pour se réconcilier ? Tu voudrais dire quelques mots, une phrase qui commencerait par « Papa », mais tu restes bloqué, rien ne sort. Un geste affectueux serait plus facile…
Élie, sachez que vous ne serez jamais français. Vos capacités d’imitation sont certes remarquables, mais vous ne trompez personne, en un mot, vous n’êtes pas crédible en Gaulois et je ne parle pas que de votre bobine… Il vous manquera toujours des ancêtres tourangeaux ou poitevins, l’enracinement dans un terroir, une gentilhommière, dans la campagne de Langeais par exemple, et, dissimulées dans une boîte en argent ouvragé, nouées d’une faveur rose, les lettres d’amour à une aïeule écrites par son fiancé mort à la guerre.
Tes rapports avec la réalité sont brouillés car, pour toi, seuls les mots des écrivains et les illuminations des poètes, ces phrases et ces vers que tu notes avec soin, éclairent le monde qui ne serait sinon que le décor d’une illusion pénible.
Tu multipliais les aventures qui duraient peu, car, comme la fragrance d’un parfum tourne bientôt à l’aigre dans un flacon laissé ouvert, ce que tu en attendais s’épuisait vite.
Tu n’as aucun goût pour la possession, les femmes ne sont pas toutes pour toi des proies éventuelles et l’acte sexuel t’apparaissait alors comme le patinage artistique à la télévision : un exercice parfois ridicule, avec ses apprêts clinquants et vulgaires, ses figures imposées ennuyeuses, son programme libre convenu et répétitif, ses commentaires superfétatoires et bruyants.
Cette peur t’est restée et, alors que tu es insensible à la poésie supposée de l’alcool et de la déglingue, les beuveries, la violence et le sexe étaient devenus autant d’artifices pour étirer le temps, avec l’espoir insensé que la nuit ne finisse pas et que demain n’arrive jamais.
Tu aimais côtoyer ces femmes fanées obstinément offertes, ces hommes tristes et vaincus, tous ces êtres broyés, à la dérive, qui, pour ne pas sombrer, s’accrochaient à quelques souvenirs magnifiés, à des mensonges dérisoires ou à des rêves extravagants…