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3,64

sur 293 notes
Il est de ces lectures qui nous troublent profondément. Pour ma part, les romans de Kazuo Ishiguro en font partie. Sa plume empreinte d'humanité nous envoûte, nous enveloppe, lentement, très lentement, jusqu'à la dernière page, nous laissant avec ce sentiment de douce mélancolie si particulier, une fois que le voyage a pris fin.

Lumière pâle sur les collines est le premier roman de l'auteur, il a été récompensé par le "Winifred Holtby Prize of the Royal Society of Literature" l'année de sa parution en 1982 comme l'intégralité de son oeuvre par la suite.

L'ecriture est fluide, élégante, habituel chez l'auteur, avec ce petit je-ne-sais-quoi de retenue qui fait tout le charme de ce récit dont l'approche historique, omniprésente, apporte de l'épaisseur aux personnages de cette histoire à la limite de l'étrange dont les faits se déroulent sur deux périodes et en deux lieux bien distincts : l'Angleterre des années 80 et le Japon de l'après-guerre dans les années 50.

La narratrice du récit, Etsuko, veuve, dont l'âge ne nous est pas dévoilé mais que l'on suppose rendue à l'aube de ses 60 ans, est une expatriée japonaise qui vit dans la campagne anglaise durant les années 80. Sa fille Niki, qui vit à Londres vient lui rendre visite. L'occasion d'un séjour au fil duquel les souvenirs d'Etsuko concernant la disparition tragique de sa fille aînée, Keiko, née d'une première union avec Jiro au Japon, vont remonter peu à peu à la surface et se juxtaposer avec les souvenirs de sa vie passée, alors qu'elle est une toute jeune mariée et attend son premier enfant, à Nagasaki, au pied des collines d'Inasa (auxquelles le titre fait écho). Nagasaki, qui se reconstruit et panse ses plaies mais porte encore les stigmates de la guerre.

Tout au long de son roman l'auteur laisse sciemment planer une aura de mystère ce qui le rend d'autant plus fascinant. Une atmosphère brumeuse comme éthérée, des personnages ambigus mais touchants de vérité. Mariko, petite fille fantasque, en mal d'amour qui invente des histoires pour se protéger des traumatismes qu'elle a subis, qui protège ses chatons comme si sa vie en dépendait ; Sachiko, sa mère, qui fait preuve d'une telle dureté envers elle et semble incapable de l'aimer comme il le faudrait ; le grand-père Ogata, éminent professeur à la retraite, dépassé par ce Japon en renouveau qui s'éloigne de ses valeurs ancestrales, dont le portrait oscille entre malice et humilité et enfin Etsuko, digne, qui tente de vivre malgré la disparition de son enfant.

Kazuo Ishiguro nous livre les évènements petit à petit, de manière suggestive, toujours à demi-mot, nous laissant en permanence dans l'expectative comme si nous touchions quelque chose du bout des doigts sans pouvoir l'atteindre et il le fait avec beaucoup de justesse et de pudeur pour finalement nous amener à la réflexion sur des sujets lourds de sens comme l'acceptation de ce qui doit être après la perte d'un proche et la capacité à vivre après un traumatisme quel qu'il soit car il est évident que chacun des personnages de ce récit porte en lui les traces indélébiles liées à l'horreur que fut ce jour funeste du 9 août 1945 durant lequel les américains larguèrent la deuxième bombe atomique sur Nagasaki, trois jours après celle d'Hiroshima, rasant la ville en dix secondes, la réduisant en un tas de cendres béantes, faisant 74 000 victimes, 210 000 au total avec Hiroshima.

Que dire de plus sinon que je vous invite à lire ce magnifique roman et qu'il est impensable pour moi de ne pas conclure ce billet sur une note poétique avec ces quelques lignes d'un texte extrait du roman de Lajos Zilahy "L'âme qui s'éteint", qui je trouve, s'accordent merveilleusement bien avec l'univers de l'auteur dans lequel les souvenirs et la mémoire ont une place à part.

"Il y a dans la vie des instants inoubliables,
des instants qui s'enfonçent comme de
minuscules aiguilles dans votre chair et dans
vos nerfs, qui pénètrent si profondément
et d'une façon si tranchante dans votre
mémoire, que le temps ne peut jamais
les effacer..."
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Etsuko, japonaise installée en Angleterre, reçoit pour quelques jours sa fille Niki, née de son second mariage avec un anglais. Entre elles, les paroles se font rares. Niki est venue de Manchester pour réconforter sa mère qui vient de perdre Keiko, sa première fille née au Japon. Pourtant, elle ne trouve pas les mots pour évoquer cette soeur qui jamais n'en fut une. Keiko était renfermée, hostile à tout et à tous. Elle n'avait jamais accepté d'être déracinée de son pays natal. Elle considérait l'Angleterre, son beau-père, sa demi-soeur comme des ennemis et restait le plus souvent enfermée dans sa chambre. Elle a fini par se pendre dans le petit appartement qu'elle louait à Londres. Cette fin tragique ramène Etsuko au temps où elle attendait sa naissance avec autant d'impatience que d'appréhension. A cette époque, Nagasaki se relevait courageusement de ses cendres, le Japon tout entier se tournait vers l'avenir et Etsuko, mariée à un salary man très occupé, faisait la connaissance de ses voisines, Sashiko, une jeune veuve et sa fille Mariko.

Premier roman du nobelisé Kazuo Ishiguro et déjà on trouve sa plume subtile, sa façon poétique d'évoquer les choses sans vraiment les dire, sa pudeur et sa délicatesse. Et ben sûr le Japon de l'après-guerre quand le pays s'est confronté au défi de se relever et de se moderniser. Si certains se sont jetés à corps perdu dans ce travail de reconstruction, d'autres ont souffert de l'abandon des traditions et des valeurs ancestrales. A travers les souvenirs d'Etsuko, on découvre Nagasaki dans les années 50. La ville a subi le pire des traumatismes mais veut aller de l'avant, oublier le passé. Etsuko observe les transformations des mentalités et des moeurs. Son mari a refusé de vivre chez son père comme la coutume l'exigeait, son beau-père ne comprend pas l'évolution de la société, la condamnation de ceux qui ont défendu le pays et combattu jusqu'au bout. Et, si elle reste focalisée sur sa grossesse, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour sa voisine et sa petite fille trop souvent délaissée. La jeune veuve qui rêve d'Amérique est prête à tout pour partir avec un G.I. vers une autre vie, d'autres possibilités, loin du Japon alors que sa fille refuse farouchement de quitter son pays. Une histoire qui fait écho à celle d'Etsuko qui a fini par émigrer en Angleterre sans le consentement de sa propre fille, alimentant un profond sentiment de culpabilité.
Avec finesse et pudeur, Ishiguro raconte les souffrances des japonais, de ceux qui ont perdu des êtres chers sous la bombe, ceux qui ont vu disparaître leur monde, ceux qui ont quitté leur pays et les souvenirs trop douloureux. Un roman très doux malgré les thèmes abordés, une histoire qu'on ressasse pour la réinterpréter, la comprendre, la redécouvrir. Un coup de coeur.
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Pour le style, pour la narration, pour les mots, pour l'écriture , pour toute cette joliesse, je mets 5 étoiles. L'art de Kazuo Ishiguro de mettre en scène des vies ordinaires et de me tenir intéressée tout au long de la lecture me fascine.
Je crois que malgré le peu d'action, de rebondissements ou d'intrigue, il réussit toujours et avec brio à mettre la lumière sur une société et à nous faire réfléchir. Dans Lumière pâle sur les collines, on se situe à Nagasaki et autour après la bombe. C'est la fin (ou presque) de l'occupation américaine. le monde a changé. On sent bien que plus rien ne sera comme avant. En filigrane, on nous parle des femmes de leur vie, leur rôle dans la société , leurs rêves , leurs préoccupations dans ce Japon en reconstruction et oui ça m'interpelle. C'est la fin d'un monde et le début d'un autre. Et ce récit en est la preuve. Une chronique de vie, une tranche de vie qui ne finit pas, dont on ne peut connaître le dénouement. C'est comme juste une jolie et très intéressante conversation dans laquelle on se remémore un lointain souvenir. À lire pour la magnifique plume de Kazuo Ishiguro.
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Une petite déception. Second roman japonisant de l'auteur, le style en est élégant certes, mais je ne suis pas parvenue à entrer dans cette histoire d'une Japonaise qui, après avoir été mariée au Japon, part en Angleterre. Elle a eu une fille de son premier mariage qui ne supportera pas cette expatriation et se suicidera et une seconde de son nouveau compagnon. L'intrigue se traîne et est restée totalement hermétique pour moi. Pourquoi s'est-elle séparée de son premier mari, pourquoi l'Angleterre, pourquoi... Enfin je vous laisse découvrir. Beaucoup de non-dits à la japonaise certes, mais qui cache selon moi un manque de maîtrise de la narration. Une déception donc.
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C'est le premier roman de Kazuo Ishiguro, publié en 1982, finaliste du Booker Prize, sa traduction française paraît dès 1984 aux Presses de la Renaissance.

Le personnage principal du roman est Etsuko, une Japonaise vivant en Angleterre suite à son mariage avec un Anglais, maintenant décédé. Niki, la fille née de ce mariage vient lui rendre visite suite à un événement tragique. En effet Etsuko avant de venir en Angleterre a vécu une première vie au Japon, elle a été mariée et a eu une première fille, Keiko. Cette dernière vient de se suicider, elle semble ne s'être jamais acclimatée à la vie anglaise, et ses relations avec son beau-père n'étaient pas très bonnes. Etsuko se remémore un moment sa vie au Japon, un moment clé, lorsque enceinte de Keiko, elle a fait la connaissance d'une voisine, Sachiko et de sa fille Mariko. C'est aussi le moment que choisit son beau-père, Ogata pour rendre visite au couple.

C'est un livre très subtil, tout en suggestions, en demi-teintes, où les choses ne sont jamais exprimées de manière tout à fait explicite, ce qui peut laisser une grande marge d'interprétation aux lecteurs. le passé récent du Japon est ainsi entrevu : l'action se déroule à Nagasaki, et l'histoire tragique du lieu hante le livre, et le destin de certains personnages ; de même le beau-père, Ogata, défend la vision du monde et les valeurs de la vieille génération, celle qui s'est engagée pleinement dans la guerre, et qui n'a toujours pas tiré les leçons de ce qui s'est passé. Mais tout cela apparaît petit à petit, et la plupart des personnages semblent vouloir ne surtout pas trop faire de vagues. Comme le mari d'Etsuko, Jiro, qui tout au moins en façade manifeste du respect pour son père, mais qui n'a pas voulu continuer à vivre avec lui après son mariage, comme le demandait la tradition, et qui lors de sa venue n'a jamais de temps pour lui sous différents prétextes, et qui se montre même parfois grossier, en espérant visiblement un départ rapide. Mais en se gardant bien d'exprimer les choses clairement, plutôt en cultivant un ressentiment et un mépris, sous un vernis de civilité, qui ne craque que par instants.

De même les relations peu satisfaisantes qu'Etsuko vit avec son mari ne sont que suggérées. Des petits détails montrent qu'il la traite sans tendresse, en maître exigeant, plus qu'en homme attaché à sa femme. Ce qui nous amène à Sachiko, la voisine, qui est une femme qui a quitté son mari. Elle n'explique jamais les choses non plus, parle d'un mariage trop rapide à cause de la guerre. Ce qui est un peu la situation d'Etsuko. En réalité, j'ai eu de plus en plus la sensation que Sachiko était une version d'Etsuko à quelques années de distance : un peu aigrie par une situation impossible, décidée à changer sa vie en partant à l'étranger avec un autre homme. Et Mariko, petite fille renfermée sur elle-même, refusant d'aller à l'école, fuyant sans cesse, préfigure Keiko, l'adolescente enfermée dans sa chambre, qui finira par partir pour se suicider. C'est comme si Ishiguro concentrait deux époques charnières de la vie de son héroïne en un, en dédoublant son personnage et celui de sa fille.

La venue de Niki et les retours sur son passé qu'elle oblige Etsuko à faire, apportent malgré tout un apaisement à Etsuko. Sans vouloir dévoiler les choses (et ceux qui n'ont pas lu le livre et veulent le faire peuvent sauter la fin de ce paragraphe) Etsuko semble réaliser à quel point Mariko-Keiko était fragile dès avant son départ du Japon. Nous ne savons pas exactement comment se sont passé ses premières années, en particulier ses relations avec son père, mais on devine en filigrane que cela n'a pas été facile, qu'elle a été blessée et qu'elle a du mal à établir des relations avec les autres. le départ du Japon, même si mal vécu, n'est pas le seul en cause dans son mal être.

C'est un très beau roman, sensible et émouvant.
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« Je passais de longs moments – comme je devais le faire au cours des années qui suivirent – à contempler d'un oeil vide la vue de ma fenêtre. Par temps clair, je pouvais voir, loin au-delà des arbres qui poussaient sur l'autre berge de la rivière, une ligne de pâles collines qui se découpaient contre les nuages. Cette vue n'avait rien de déplaisant, et elle parvenait quelques fois – rare apaisement – à me soulager du vide des longs après-midis que je passais dans cet appartement. »

Ces collines sont celles d'Inasa, qui dominent le port de Nagasaki. La narratrice, Etsuko, se remémore un été de l'après-guerre, alors qu'elle était enceinte de sa première fille Keiko. Elle menait alors une vie rangée, comme tant d'autre femmes mariées et soumises aux usages de la société japonaise de cette époque.

Mais elle fait la rencontre de Sachiko, une femme plus libre, qui vit avec son étrange petite fille, Mariko, dans une petite maison délabrée proche des immeubles récents où vit Etusko. Sachiko fréquente un américain et voudrait émigrer aux Etats-Unis.

Cet été est au centre de l'intrigue de ce très beau roman, le premier de Kazuo Ishiguro, publié en 1982. Pourtant, à l'heure où Etsuko se souvient de cette période, elle est devenue une autre femme. Sa seconde fille, Niki, venue la voir quelques jours dans le village anglais où elle vit depuis longtemps, est née de son remariage avec un homme Anglais, dont on ne saura pas grand-chose.

Ce qui m'a impressionné dans ce roman, c'est son côté presque Proustien, si on laisse de côté un peu d'étrangeté que l'on ne trouve guère chez le grand Marcel… Finalement, les époques et les sentiments s'entrecroisent, une amertume légère est perceptible. Pourtant la ronde de la vie, avec ses joies, ses regrets, ses possibles mensonges aussi, est pleinement acceptée.
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Déjà un coup de maître que ce premier roman, où l'on retrouve tout ce qui fera la particularité de son oeuvre : la subtilité de la plume, la convocation de sentiments puissants et d'actions terribles derrière les dehors d'un quotidien banal mais toujours légèrement étrange, la capacité d'évoquer la grande Histoire par le soubresaut d'une paupière. En clair toute la finesse d'un écrivain habité qui a su exploiter dans son art toutes les richesses de sa double culture.
Comme souvent avec Ishiguro, il faut aller jusqu'à la toute fin du récit pour qu'au détour d'une phrase, si délicatement qu'on pourra aisément le rater, tout ce qui a précédé prenne sens; et encore, un sens bien incertain.
Deux récits se mêlent mettant en scène Etsuko dans l'Angleterre des années 80 après le décès de sa fille aînée Keiko, puis à Nagasaki dans les années de reconstruction, après la grande déflagration. La Etsuko d'aujourd'hui se remémore celle d'hier, enceinte de Keiko, jeune mariée corsetée dans un Japon qui a perdu ses repères. Elle rencontre une voisine, mère elle aussi de la petite Mariko, veuve et femme étonnamment libre et portant haut, même au détriment de sa fille, ses rêves d'ailleurs et d'indépendance. Vélléités qui font écho à celles d'Etsuko, même si elle ne le sait pas encore.
Il faut se laisser couler dans ce délicat et douloureux roman qui aborde à mot couvert une grande richesse de thèmes comme la difficulté d'être soi, de celle d'être mère, d'être enfant, les cicatrices de la guerre, du poids de de la culture et de l''aculturation.
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Ma première lecture de Kazuo Ishiguro, avec son premier roman, Lumière pâle sur les collines. Une bonne surprise. Etsuko, femme japonaise d'âge mûr émigrée dans la campagne anglaise, se souvient après le suicide récent de sa fille aînée Keiko, des événements qui ont marqué sa vie. Keiko, née d'un premier mariage au Japon avec Jiro n'a jamais supporté l'émigration à Londres, six ans plus tôt, la perte de ses racines, se confinant dans la solitude et n'étant proche ni de sa demi-soeur Niki ni de son beau-père aujourd'hui disparu également. Etsuko dans une pudeur et une retenue toute nippone, ne cède pas à l'émotion mais voit resurgir des scènes de vie, des dialogues avec les personnes fréquentées dans son passé japonais à Nagasaki, quelques années après les ravages de la bombe.
À travers la voix d'Etsuko, nous observons ses relations avec son mari Jiro, avec son beau-père Ogata-San, avec une vieille tenancière d'auberge Mme Fujiwara, et avec une amie voisine, Sachiko et sa jeune fille Mariko. Et derrière ces moments et conversations apparemment anodins se dessinent le traumatisme du passé récent, la vie est parfois bien difficile financièrement notamment pour des familles décimées et déracinées (Etsuko va aider Sachiko à trouver un travail chez Mme Fujiwara et devoir lui prêter de l'argent).

Lorsqu'ils étaient jeunes adultes, ils rêvaient d'une vie meilleure. Jiro était un bourreau de travail, Etsuko était enceinte de Keiko, Sachiko ne pensait plus qu'à émigrer aux États-Unis avec son amoureux américain...Mais les anciens comme Ogata ruminaient la nostalgie d'un glorieux passé impérial et semblaient déjà ne plus trop comprendre ce qui se passait dans ce monde nouveau qui évoluait si vite.

Pourtant, l'attachement à cette terre anime aussi la petite Mariko, têtue et si proche de la nature et de ses petits chats, qui pour rien au monde ne voudrait partir...Mais sa mère Sachiko, quelque peu négligente et obnubilée par ses rêves d'évasion américaine, ne prête pas assez attention aux incessantes fugues de sa fille dans les bois alentours. Etsuko s'inquiète pour cette petite fille à la fois garçon manqué et sensibilisée par ses horribles visions encore récentes de la guerre. À juste titre...

Ce roman se lit avec grand plaisir, l'écriture est de qualité, simple et fluide mais sans être indigente. Les dialogues sont intelligents (À comparer avec le trop fréquent enculage de mouches de Haruki Murakami !). Nous comprenons mieux les difficultés qui ont saisi la société japonaise à la fin des années 40, la reconstruction s'étant doublée d'un traumatisme jamais connu avant et d'une profonde transformation de la société, vécu souvent douloureusement comme une perte du monde ancien par la vieille génération. Nous voyons également dans ce contexte les inégalités de revenus accentuées par cette période post-apocalyptique. Nous saisissons aussi l'importance des liens familiaux, avec ces générations qui vivent sous le même toit, mais des liens qui finissent parfois par peser.

L'auteur utilise le procédé de la répétition pour faire passer l'état d'esprit et le caractère de ses personnages : Ogata tourne en rond dans ses dialogues avec son fils et sa belle-fille, sans doute parce qu'il ne comprend plus ce monde qui change. La petite Mariko en fait de même, elle est obsédée par ses chatons et n'en démord pas. Et face aux réflexions égoïstes et idéalistes de Sachiko, les "Je vois..." répétés d'Etsuko démontrent sa perplexité sur le sens des responsabilités de cette femme.

Ishiguro suggère beaucoup par l'attitude de ses personnages, leurs inter-relations, mais laisse une grande part au non-dit, au mystère...nous devinons qu'Etsuko et Jiro ont divorcé, qu'Etsuko a émigré à Londres avec Keiko, s'est remise en couple avec un britannique, aujourd'hui décédé, qu'elle a eu avec lui sa seconde fille Niki...Mais il reste bien des zones de mystère, confinant même à un certain malaise, face à la répétition de l'histoire personnelle des deux femmes, Etsuko et Sachiko...Comme un cercle, un cycle maudit...A moins qu'Etsuko et Sachiko ne fassent qu'une ?

Un beau roman sur les souvenirs et la mémoire qui s'embrume, sur les déchirements provoqués par la guerre, sur les femmes et leur condition au Japon, la difficulté des relations familiales et inter-générationnelles, les racines géographiques (urbaines ou rurales) et culturelles, sur la résilience, qui laisse le lecteur libre de sa propre compréhension de cette histoire. Et puis j'ai été ému par la personnalité de la petite Mariko, enfant écorchée et définitivement incomprise de sa mère, qui trouve son réconfort dans l'amour obsessionnel qu'elle porte à ses petits chats, jusqu'à sceller son sort au leur...

Un grand roman par un Japonais exilé, qui explore l'histoire et l'âme des japonais comme peut-être mieux que les Japonais "de l'intérieur" eux-mêmes, un peu comme ceux d'Aki Shimazaki.
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Émigrée en Angleterre et veuve une seconde fois, Etsuko reçoit pour quelques jours sa fille Nikki née de son second mariage avec un Anglais. Elles parlent peu. Entre elles il y a le suicide de Keiko,' qu'Etsuko a eu avec son premier mari japonais, et qui n'a jamais réussi à s'adapter à son nouveau pays.
Pendant ces jours elle évoque sa vie de jeune femme au Japon. Il y a son mari, parfait représentant de la gent masculine phallocrate, son beau père charmant mais très traditionaliste y compris et même surtout dans l'éducation, son ancien métier. Mais aussi ,sa relation avec Sachiko une femme seule qui recherche un homme susceptible de l'emmener en Amérique avec sa fille Mariko, pourtant hostile à ce beau père possible. Et puis les changements de statut social après la guerre. Pourtant elle ne juge pas, elle rapporte ce qu'elle a vu. Même le comportement de Sachiko qui visiblement la trouble, avec son peu de sentiments maternels malgré ses déclarations et d'une façon générale le décalage entre ses dires et ses actes est observé mais non jugé.

Dans ce livre pas de présentation des personnages et des événements précédents. Nous savons seulement que pendant ce retour sur le passé, nous sommes à Nagasaki au lendemain de la guerre.

C'est mon troisième Ishiguro et à chaque fois on passe d'un univers à un autre. C'est toujours une (bonne) surprise.
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Admirateur d'Ishiguro (je tiens "Never let me Go" pour un chef d'oeuvre), j'ai voulu lire son premier roman écrit au début des années 80 et sorti en France dans l'anonymat.
"A Pale View of Hills" est le plus japonais des livres de ce romancier anglais né au Japon de parents japonais mais très jeune installé en Angleterre.
On y pressent déjà les qualités de ses romans futurs : un style élégant, un goût pour l'allusion et la demie-teinte, la capacité à jongler avec les temporalités dans un constant va-et-vient entre les époques.
Pour autant, je n'ai pas été conquis par cette histoire qui cherche son rythme sans le trouver. A la fois trop longue et trop courte, elle peine à nous faire rentrer dans l'intimité de ses personnages et à nous faire partager leurs émotions.
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