Lecture commune : A l'ombre des jeunes filles en fleur

Rhô !!! Pat la provoc ! Prêt à se déguiser en mufle pour un bon mot ! Nous voilà bien 😅

Et c'est pas Marcel qui va nous aider sur ce coup là.... la société qu'il dépeint a tellement érigé les femmes en accessoires oiseux et cantonné leur intelligence à l'usage des toilettes et des salons qu'on peinera à s'émanciper de ces représentations.

Les hommes ne sont pas mieux lotis ceci dit, ils s'illusionnent, pontifient ou servent de faire valoir. Il y a, hormis dans la puissance d'analyse que déploie le narrateur, une grande vacuité dans tous ces jeux.

" On peut tout faire aux hommes qui vous aiment, ils sont si idiots".

Et c'est Odette qui le dit. 

Bah voilà, quand je vous le disais ! On est tous rhabillés pour l'hiver avec Proust ! 

Plus j'avance dans ma lecture, plus ça me rappelle pourquoi je n'ai jamais lu les suivants

" J’aurais dû me dire tout cela (qui d’ailleurs n’a rien de très agréable, car la bienveillance des hauts esprits a pour corollaire l’incompréhension et l’hostilité des médiocres ; or, on est beaucoup moins heureux de l’amabilité d’un grand écrivain qu’on trouve à la rigueur dans ses livres, qu’on ne souffre de l’hostilité d’une femme qu’on n’a pas choisie pour son intelligence, mais qu’on ne peut s’empêcher d’aimer). "

Isacom a dit :

Plus j'avance dans ma lecture, plus ça me rappelle pourquoi je n'ai jamais lu les suivants

Pour quelle raison plus particulièrement ? 
Je vois très bien qu'on ne puisse pas supporter son "nombrilisme" par exemple mais, d'un autre côté, il bâtit une cathédrale sur son nombril ! et ça m'intéresse presque malgré moi.

J'ai lu les deux premiers quand j'étais très jeune : le premier j'avais kiffé (je pense, parce que j'étais fière d'arriver à le lire, je me sentais très adulte ) ; le deuxième m'avait vite lassée, il n'y avait plus l'attrait de la nouveauté sans doute...
Et maintenant, ma relecture pâtit de la comparaison avec ce que j'ai lu depuis : les phrases à rallonge, Claude Simon fait ça tellement mieux. Et je viens de découvrir Galsworthy, qui écrit à la même époque que Proust. Lui aussi décrit les travers de la bonne société, mais il le fait avec une très grande subtilité, en deux phrases c'est louché, au travers de petits détails tellement bien vus.

Ce qui me surprend au fil de ma lecture, c'est l'obsession pour certains tours d'esprit, la manière dont ils reviennent au moindre prétexte. Plus jeune, j'avais été subjuguée par la manière dont le narrateur décortique les sentiments de Swann pour Odette à qui je prêtais, malgré ou à cause de sa vulgarité une forme de puissance formidable. Aujourd'hui je trouve la pauvre Gilberte complètement insignifiante, existant à peine le temps d'accrocher l'amour du narrateur, amour qu'il ne lui reconnaît même pas comme propre.
La métaphore de la cathédrale sur le nombril me plaît beaucoup, Hélène. C'est tout à fait cela. Je le lis comme j'écouterais quelqu'un me bercer de ses plaintes auxquelles il ne croit pas vraiment lui-même mais qui permettent de passer un agréable après-midi dans un mi-clos vaguement nostalgique. Comme un thé chez une grand-tante neurasthénique avant de plonger dans d'autres sensations plus fortes.

Galsworthy, je note, Isa, merci ! 😊

Pour Claude Simon et Galsworthy, je plaide l'ignorance : j'ai lu La Route des Flandres  il y a très longtemps (en fait, à peu près la même époque que Proust) et je ne m'en souviens pas assez pour comparer ; je n'ai jamais rien lu de Galsworthy. 
Il me semble que ce qu'on peut trouver dans Proust de plus personnel c'est sa façon de décortiquer le moindre sentiment ou émotion, d'aller à la racine et d'en tirer toutes les conséquences. Ceci dit, c'est très idiosyncrasique (pour faire ma pédante ) : je ne peux/veux pas imaginer que tout le monde aime à la façon de Proust par exemple. 
Je me rend compte que je reste un peu sur ma réserve quant à ses analyses mais ses phrases ont tendance à m'emporter sans que je résiste

Ah mais oui, Galsworthy, c'est la dynastie des Forsyte ! Que je crois avoir commencé il y a une éternité... 😅

J'ai fait une grosse pause de 2 jours, d'abord pour finir un livre court puis ce matin pour finir un polar trop captivant commencé hier soir.
Ce soir je reprends Proust !

Bah moi j'entrelarde Proust d'un vrai-faux polar. Au début, j'avais commencé par du 100% Recherche mais c'était un peu trop fort pour moi ! 😄

Moi également, je suis sur 3 LC, j'avance donc assez lentement. ;-)

Ah oui, 3 LC, quand même !! 😅 et c'est quoi les deux autres, Sandrine ?

Oui, ça j'aime bien chez Proust le "décorticage" des émotions (ou la "cathédrale sur le nombril" ), l'écriture me plaît, sans conteste. Mais les personnes dont il parle m'apparaissent tellement sans intérêt... "un thé chez une grand-tante neurasthénique"   Je le préfère lorsqu'il parle des choses : son magnifique parallèle entre coucher du soleil et fleurs d'intérieur, par exemple, c'est très beau, très évocateur.
J'en suis au "deuxième premier janvier", et je lis Amanda Gorman à côté.

Pour ma part, j'entrelarde Proust avec Le Comte de Monte-Cristo, tome 1 

Je suis à Balbec pour "prendre les bains" et soigner la nervosité de notre cher narrateur. 

Je suis au 1/3 et j’ai commencé cet après-midi Blake & Mortimer, tome 29 : Huit heures à Berlin  :-)

Moi aussi autant j'apprécie le côté auto-analyse (même nombriliste) mais difficile de ne pas saturer côté milieux et personnages. En plus j'ai eu la très, très mauvaise idée d'alterner avec Les trois soeurs   de Tchekhov. Autre lieu, même époque, et même bonne société en à la fois (quel paradoxe !) plus déclassé et plus déphasé. D'où un polar hier soir !

C'est vrai qu'on a l'impression d'un monde immobile, complètement sclérosé, avec des personnages qui jouent leur rôle. Et ils n'attirent que rarement la sympathie ;-)
Ce qui me plait c'est tout bêtement la manière dont l'auteur décrit tout ce petit monde, avec un style brillant bien sûr, mais surtout avec une ironie que je perçois mieux à cette relecture.
En fait, curieusement, et je ne sais pas si d'autres ressentent la même chose, j'ai l'impression quand je lis que quelqu'un me lit ce texte à voix haute en me faisant sentir toutes ses subtilités ! Un peu comme si Guillaume Gallienne me faisait la lecture !! Je ne suis pas trop amateur de textes lus à voix haute, mais là c'est typiquement le genre de texte qui gagne à l'être !!