Quand j'ai commencé ce livre, c'était un peu par curiosité (titre presque oxymoresque dans sa compostion), un peu par défi (qu'est-ce qu'on peut bien attendre d'une analyse soi-disant sérieuse sur les connards?), un peu par attirance du vulgaire (connard, dans un titre, quand même...).
Ma lecture a commencé par de l'agacement, la définition de cette espèce invasive me semblant traîner en longueur, ainsi que les pourtant inévitables précautions sémantiques : un con est très différent d'un connard. D'où la mise en place de termes comme la connardise (défaut de celui qui est un connard), connarde (pas connasse ! ), la connarderie, (système d'organisation sociale fondé sur la connardise. Rem : la tolérance d'une société à la connardise individuelle la conduit à un état de connarderie générale).
Dès la partie deux, l'humour guilleret de l'auteur s'est effacé devant les implications sexistes, machistes et inciviles de l'attitude des connards que je reconnaissais à la lecture.
La partie trois finissait de me convaincre que ce n'était pas un essai en forme de blague, c'était une étude assez réfléchie et même annonciatrice du pire... "Un seul connard suffit rarement pour faire disparaître le respect d'une règle, il faut qu'il soit en quantité suffisante. Il existe un effet de seuil, c'est-à-dire un certain nombre de connards, au-delà duquel les choses changent subitement de nature."
Les parties quatre et cinq me plongeaient dans le désarroi : Manifestement, l'organisation de notre société semble être connardogène, c'est-à-dire qu'elle fabrique à la pelle du connard : société du spectacle, rézosossios, culte de la consommation, culte de la performance...
Une touche d'espoir dans le dernier chapitre? Comment éviter de songer au Connardicide (pas besoin d'expliquer ! ) quand on voit combien de connards imbuvables se pavanent en liberté autour de nous... On peut d'ailleurs définir le connard comme quelqu'un « qui n'a pas honte » ce qui est fréquent dans plein de domaines, notamment ceux où le narcissisme, le pouvoir ou l'appât du gain sont recherchés. Alors comment lutter ? En fuyant, en jouant collectif pour leur mettre la honte et déjouer leurs minables manoeuvres, en usant d'humour aussi pour supporter cette société...
Faisons donc de la connardologie : plutôt que s'en prendre aux boucs émissaires (hommes, jeunes, pauvres, banlieusards, immigrés, musulmans, etc...), identifier les connards parmi eux. Aborder les problèmes du vivre-ensemble par ce prisme.
"Ce salutaire exercice de pondération permet d'identifier le point commun à l'immense majorité des fauteurs de troubles, sans stigmatiser leurs catégories sociales d'appartenance. Ce principe est résumé par une sage maxime : « Il y a des connards partout. »"
Enfin, pourquoi lire ce livre? Pour répondre tout seul à la seule question qu'il laisse de côté jusqu'au bout : et moi dans tout ça?
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Il se croit tout permis, multiplie les nuisances, épuise la patience de chacun et pourrit la vie de tous. Il est partout : au travail, dans la rue, sur les routes, dans les transports, les magasins, à la tête de certains États et jusqu’au cœur de nos familles. Il frappe sans prévenir et laisse ses victimes – le plus souvent des femmes, qu’il vise en priorité – humiliées, atterrées, indignées, excédées. À la fin, si l’on additionne l’ensemble de ses incivilités, il coûte des milliards en nettoyage, heures perdues, retards, fatigue, burn-out, calmants, frais de justice… Et pourtant, personne ne le met en cause.
Écrire le mot connard en gros sur la couverture d’un livre comme celui-ci, c’est amusant et ça ressemble à un coup de com’. L’auteur tient donc à préciser qu’il aurait préféré utiliser un terme moins vulgaire, plus académique comme butor, discourtois, égoïste, gougnafier, goujat, incivil, inconvenant, incorrect, indélicat, insolent, irrespectueux, irrévérencieux, malappris, mal élevé, malotru, malpoli, malséant, mufle, narcissique, offensant, sans-gêne… mais aucun ne convenait.
En effet, un individu intellectuellement limité ne peut être véritablement tenu pour responsable de sa connardise. Une personne en pleine possession de ses capacités intellectuelles se comportant comme un connard par négligence ou distraction peut en revanche légitimement être jugé coupable de connardise : il aurait dû se donner la peine de réfléchir. Dans ce cas, il y a une forme de complaisance ou de paresse dans son comportement. Il en va de même pour le connard pris de boisson (l’alcool est un puissant enconnardisateur) : il n’était pas obligé de boire.
Les dictionnaires les plus usuels de la langue française, le Grand Larousse et Le Petit Robert ne font curieusement pas de réelle distinction entre les termes con et connard. On les excusera en rappelant que l’argot n’est pas leur spécialité. Le Wiktionnaire, dictionnaire universel libre et en ligne, est en revanche plus précis. Par connard, il désigne :
« Quelqu’un qui se comporte de façon déplaisante ou déplacée, par manque d’intelligence, de savoir-vivre ou de scrupules. »
La personne qui se plaint a beau être physiquement présente, il considère au fond qu’elle n’est pas vraiment là moralement ; n’étant pas son égale, elle n’est pas digne d’être véritablement reconnue et écoutée. Elle ne mérite pas de le critiquer. Bien sûr, le connard ne va pas le lui dire en face, il n’est pas idiot (encore que) mais la victime le perçoit – et c’est précisément ce qui provoque sa colère : non seulement le connard est nuisible, mais en plus il manque de respect !