En général, j'évite instinctivement ce genre de romans historiques "grand public" : je sais d'avance qu'ils me feront soupirer et m'arracher les cheveux au cours de ma lecture, car médiocres d'un point de vue littéraire et approximatifs d'un point de vue historique. Mais quand j'ai eu l'occasion de mettre la main sur cette biographie romancée de
Lorenzo Da Ponte, personnage fascinant pour lequel j'entretiens une certaine affection, j'ai craqué. J'ai donc lu "
Lorenzo le Magnifique", en espérant une bonne surprise.
Le début du roman, consacré à la jeunesse de ce fils de cordonnier juif devenu prêtre catholique, puis poète à Venise, est plutôt de bonne facture. Ce n'est évidemment pas de la grande littérature, le style est celui d'un roman de gare, mais l'ascension de Lorenzo, son instabilité permanente, sont assez bien rendues. Puis le récit se perd en route dans la deuxième partie, au moment du départ de Venise, là où le véritable Da Ponte est censé entamer sa carrière viennoise. Pourquoi être allé inventer un périple maritime le menant jusqu'en Inde, détour sans intérêt puisqu'il est traité en quelques lignes, et des voyages fictifs en France et en Angleterre n'apportant rien, hormis deux ou trois femmes supplémentaires à séduire pour notre héros ?
C'est là qu'apparaît le côté superficiel du roman, sans cesse les événements sont survolés, rien n'est approfondi. 400 pages en gros caractères suffiraient à peine à évoquer tous les rebondissements d'une telle existence ; quand on y ajoute des péripéties inutiles, on ne peut que passer à côté de l'essentiel. D'ailleurs le sens des priorités de l'auteur laisse perplexe. Expédier en moins de deux pages une entrevue à Versailles auprès de
Louis XVI et Marie-Antoinette, et consacrer trois fois plus de temps à une énième partie de jambes en l'air avec une quelconque aristocrate, est-ce bien sérieux ?
Reste le cas des erreurs et approximations historiques, hélas attendues... Il ne s'agit pas de critiquer les petits arrangements avec la réalité : par exemple, Da Ponte est arrivé à Vienne en 1781, Métastase est mort en 1782 et la première représentation des "Noces de Figaro" a eu lieu en 1786, mais les trois événements peuvent se dérouler à la même période dans le roman, pour des impératifs narratifs tout à fait défendables. En revanche, comment peut-on systématiquement écorcher le nom de la ville natale de Da Ponte ? Qualifier Talleyrand de "prince" et le duc de Wurtemberg de "roi", alors que ces titres ne leur seront accordés qu'au siècle suivant ? Prétendre que Mozart n'a écrit qu'une seule fois pour le chant avant les "Noces de Figaro", alors qu'il a composé une dizaine d'opéras, des messes et des motets, avant ses trente ans ? Affirmer qu'un opéra fait gagner à ses auteurs la somme insensée de 50 000 florins, cent fois plus que ce que rapportait réellement une telle oeuvre à l'époque ?
Au vu de tous ces défauts, comment puis-je accorder trois étoiles à ce roman ? le fait est qu'au bout du compte, "
Lorenzo le Magnifique" n'est pas une lecture si désagréable. Comme un téléfilm sentimental de l'après-midi, on sait que ce n'est pas très bon, mais on se laisser porter et on arrive au bout de l'heure et demie de programme, un peu honteux, sans avoir vu le temps passer...
Cinq étoiles pour
Lorenzo Da Ponte, une étoile pour
Jacqueline Monsigny : une moyenne de trois étoiles, le compte est bon.