Lu d'une traite, du premier au dernier mot. Comme si Anne me tenait la tête, maintenant ses deux mains sur mes joues pour me dire dans les yeux : « 35 ans, c'est l'âge de tenir la barre. Regarde le ton horizon, ta plus belle chance : il est devant toi, il fait cuire les pâtes, il range son atelier, il change le petit dernier. »
Comme une grande soeur, comme une amie proche le ferait, l'autrice nous livre à travers ce sublime roman l'histoire du regret. Celui d'avoir quitté un mari qu'elle aimait parce que la routine, les gosses, l'étouffement du quotidien, et puis merde.
On peut aspirer à vivre follement même après 30 ans, on peut vouloir retomber amoureux, se prioriser, être plus léger, se réinventer.
On peut quitter l'amour de sa vie parce qu'il est devenu trop sérieux, parce que la vie est beaucoup moins romanesque après des mois dans sommeil.
On peut, mais après ?
Après, on vit dans le regret. On est
Romain Gary qui meurt de soif à côté d'une fontaine.
Après le Takotsubo nous poursuit, le bonheur nous heurte.
Après les voyages ne nous émerveillent plus, le corps est inutile, les conversations ne sont plus qu'imaginaires.
Parce que si Anne aime encore follement Joachim, si elle aimerait tant retrouver leur couple, lui reste inflexible. A l'amour démesuré, il lui oppose le silence. La violence du silence, le mépris du « lu ».
Connaissez-vous un amour plus fort que celui vous alimentez seul ? Un amour que vous façonnez, qui part évidemment de votre vécu commun mais que vous actualisez. Votre mari sait vous parler, vous faire jouir, vous connaît. Il est calme, présent. Et au fil des mois, il est de plus en plus merveilleux. Evidemment, il n'est plus là pour faire la gueule pendant le repas ni pour laisser traîner ses chaussettes au fond du lit.
Alors que notre génération revendique l'indépendance et la liberté, la possibilité de dire merde et va au diable à un homme qui nous balance son pouvoir financier au beau milieu d'une nuit blanche, Agathe nous tend un verre d'eau. Elle nous invite à inspirer , expirer et doucement, elle nous chuchote l'histoire de la chèvre de Monsieur Seguin.
J'ai follement envie de lire son roman précédent, et celui d'avant.
Agathe, si je te croise dans un salon je viendrai te faire une bise pour te remercier d'avoir écrit ce superbe livre.
Évidemment, achetez le !