Le Canon de Kra, initialement publié dans le journal de Spirou avant de sortir en album, est l'histoire par laquelle j'ai découvert (au collège, c'était il y a un an) Yoko Tsuno. Forcément, il conserve une place de choix dans mon palpitant, déjà bien encombré. Il faut dire que Yoko Tsuno est une héroïne pas comme les autres (OK, j'avoue, j'étais un peu amoureux). Femme forte, intelligente, sensible, loyale, électronicienne aussi bien qu'experte en arts martiaux et pilote d'avion. Ouf ! de quoi impressionner n'importe qui (surtout quand il est au collège). A l'époque elle ne sont pas si nombreuses que ça à être des action girls libérées, belle, mais ne comptant pas sur leurs charmes pour réussir.
Excellente série, même si les derniers albums en date ont perdu de leur superbe, Yoko Tsuno présente l'avantage de ratisser large, pouvant plaire aussi bien aux filles qu'aux garçons, aux amateurs de science-fiction et de fantastique, mais également aux adeptes de récits d'aventure plus conventionnels. Néanmoins, il faut avouer que la science-fiction se taille la part du lion, notamment avec les épisodes concernant les vinéens (peuple extra-terrestre, à la peau bleu, ami de Yoko)
Le Canon de Kra est justement un de ces récits d'aventure classique, lorgnant du côté du roman d'espionnage et de James Bond. Fleming n'aurait d'ailleurs surement pas renié le pitch : Peter Hertzel (aperçu dans le Feu de Wotan) et le Colonel Tagashi (vu dans la Fille du Vent) confient une mission à Yoko, Pol et Vic. Dans le petit État du Kampong, en bordure de l'isthme de Kra, le trafiquant d'armes japonais Sakamoto s'est fait livrer des obus de 50 centimètres de diamètre, taille correspondant à un canon géant (genre grosse Bertha) installé par les Japonais en 1943. Sous le couvert d'un transport de déchets nucléaires, les trois héros sont chargés d'enquêter sur Sakamoto et de localiser le terrible engin dont le trafiquant veut se servir pour s'approprier le Kampong, à l'aide de tirs d'obus nucléaires, fabriqués à partir des déchets radioactifs
Afin de mener à bien sa mission,
Roger Leloup dote notre héroïne d'un avion, le colibri, qu'il invente de toute pièce (il en réalise même une maquette, afin de pouvoir le dessiner sous tous les angles). Celui-ci est à l'image de son pilote, agile, robuste et rapide. le soin pris par l'auteur, lorsqu'il le dessine, ne laisse guère de doutes quant à sa passion de l'aéronautique. Avant de finir l'album on lui a fait la remarque que sa création ressemblait un peu au F-16 américain. Il intègre donc des planches contenant le chasseur pour que le lecteur mesure bien la différence entre les deux. Leloup est un passionné de sciences et d'ingénierie, il n'est donc pas étonnant que son héroïne phare soit électronicienne. Sorti en 1984, le Canon de Kra fait écho à la guerre Iran Irak, durant laquelle Saddam Hussein a tenté d'user de la même technique de l'obus nucléaire que cherche à mettre en oeuvre Sakamoto.
Ainsi, fasciné par les progrès techniques, Leloup n'oublie pas qu'il peuvent également être utilisés à des fins militaires.
Pas forcément le plus représentatif de la série, le Canon de Kra est néanmoins un excellent épisode dans lequel Yoko nous éblouie de ses multiples talents (guerrière, diplomate, pilote, leader...) Bref, un classique à lire et à relire sans modération.