Que savons-nous de ceux qui nous embrassent alors que nous sommes encore des enfants ? Rien. Nous les embrassons en retour et c’est tout…
"Au bout d'un long moment, elle s'est redressée, a essuyé ses yeux, son nez et sa bouche avec le tissu de sa robe trop large, et m'a demandé pardon. Je cherche encore quoi répondre, j'ignore de quoi elle voulait ainsi que je la pardonne, j'ignorais qu'une mère puisse un jour demander pardon à son fils."
Il me semblait que c'était là le sens caché de ma vie, fuir mon père et chercher sans cesse ma mère enfuie.
Que savons-nous de ceux qui nous embrassent alors que nous sommes encore des enfants? Rien. Nous les embrassons en retour et c'est tout, on les serre du plus fort que l'on peut et ils nous répondent en nous serrant plus fort encore.
Cette vie ne m'a guéri de rien, elle était juste possible, quand aucune autre ne l'était, et surtout pas celle que je venais de quitter. C'était une vie de silence et de vide, d'absence et de présence aigüe aux choses, aux variations de la lumière, au mouvement immobile des eaux, aux parfums, à la texture de l'air. C'était une vie où enfin je trouvais une place, en retrait de toutes choses mais tranquille, un corps que l'on emplit d'air et d'embruns, un cerveau qu'occupent tout entier le bruit de la mer et du vent, la fréquentations des oiseaux. J'écrivais parfois. [...] Les années ont filé ainsi, je passais l'automne et l'hiver à sillonner les côtes, à me saouler de vent, à me perdre sur les sentiers, à mâchonner des herbes et à dormir dans les rochers, à boire du whisky tandis que l'air me rabotait la peau, à écrire des lives qui paraitraient six mois plus tard.
Que savons-nous de ceux qui nous embrassent alors que nous sommes encore des enfants ? Rien. Nous les embrassons en retour et c'est tout, on les serre du plus fort que l'on peut et ils nous répondent en nous serrant plus fort encore.
Comment ma tante a-t-elle pu me laisser seul?J'avais onze et venais d'enterrer ma mère.
J'ai vu la voisine sortir de sa maison, ..... j'ai entendu ses mots quand elle a parlé de mon père, de sa maladie et du jour où l'ambulance était venue le chercher, des dizaines de fois où elle était allée le voir à l'hôpital et le pauvre homme, c'était sa seule visite, ses enfants l'avaient abandonné, si c'est pas terrible de nos jours la solitude, ces gens qu'on enterre sans personne, qui meurent sans que leurs enfants s'en soucient. Je me rappelle avoir pensé confusément que c'était aux parents de s'occuper de leurs enfants et pas le contraire.....
En dépit de ce que j'avais pu lui raconter de mes relations avec mon père, elle concluait toujours de la même manière, par cette phrase imparable : "Mais ça reste ton père". Je n'ai jamais compris ce qu'on entendait par là, ce qui faisait des liens familiaux des liens si différents des autres qu'on ne puisse les rompre quant tout nous y menait, quand on finissait par les trouver trop lâches ou étouffants.
Comme ma mère je pourrais mourir et mes yeux s'emplissent de larmes, et comme elle je m'avance vers le vide, et sous mes paupières et dans ma tête flotte le visage de Chloé (...). Je ne pourrai jamais mourir aussi bien qu'elle, je le sais. Jamais. Chloé est née et je sais désormais que je ne pourrai jamais mourir.