Je sais le poids des morts. Et je sais le mauvais sort. Je sais la perte et le saccage, le goût du sang, les années perdues et celles qui coulent entre les doigts. Je connais la profondeur des sables, j'en ai éprouvé la résistance, la matière meuble, équivoque. Je sais que rien n'est fiable, que tout se défait, se fissure et se brise, que tout fane et que tout meurt. La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse.
On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l'ignorent, et le découvrent en se perdant.
Nos vies sont les mêmes. Nos vies se débattent, crient dans la nuit, hurlent et tremblent de peur. Infiniment nous cherchons un abri. Un lieu où le vent siffle moins fort. Un endroit où aller. Et cet abri est un visage, et ce visage nous suffit.
Ce qu'on oublie n'existe pas. Ce qui s'efface de nos cerveaux s'efface aussi de nos corps, de notre sang, de notre vie, ne laisse aucune trace, ne creuse aucune empreinte, sinon celle d'un vide absolu, vertigineux et froid.
Et si la vie n'est rien d'autre que ce fil ténu qui nous rattache les uns aux autres, le mien était définitivement déficient, fragile et glissant, comme rongé par le sel.
On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l'ignorent, et le découvrent en se perdant.
Infiniment nous cherchons un abri. Un lieu où le vent siffle moins fort. Un endroit où aller. Et cet abri est un visage, et ce visage nous suffit.
On a passé tellement d’heures, de nuits, de jours entiers dans l’obscurité du sous-sol. On descendait des bières par packs entiers, on fumait du matin jusqu’au soir, nos yeux brillaient et nos cerveaux s’embrumaient, anesthésiés et oublieux. Luis amenait sa guitare, Alex sa basse, et avec Nicolas comme batteur, ils massacraient Smells like teen spirit, Come as you are ou Hey Joe. Lorette et Laetitia nous rejoignaient, on se planquait dans les coins sombres, on baisait à deux pas des autres et on faisait mine de ne pas s’en rendre compte. Lorette me suçait dans la poussière et je la prenais contre le ciment, ses cheveux mélangés aux toiles d’araignées. Le temps passait ainsi, on le tuait en le noyant d’alcool, en le saoulant de musique et de lumières, en le couvrant de sperme et de baisers.
La maison sentait le détergent, la lumière y entrait froide et crue, et le silence y faisait un bruit menaçant.
J’ai 31 ans et ma vie commence. Je n’ai pas d’enfance et désormais n’importe laquelle me conviendra