AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,59

sur 22 notes
5
3 avis
4
4 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
«Luanda se précipite à toute allure vers le Grand Désastre. Huit millions de personnes hurlant, pleurant et s'esclaffant. Une fête. Une tragédie. Tout ce qui peut arriver arrive ici. Ce qui ne peut pas arriver arrive aussi.... Nous baignons dans la lumière. Nous sommes plongés dans l'obscurantisme et la misère.
(...) Bienvenue à Lua. Entrez et laissez la raison à l'extérieur.»(p 78)

C'est un conseil à suivre pour tout lecteur de «Barroco Tropical» qui va se laisser entraîner à la suite de Bartolomeu Falcato, jounaliste-écrivain borgne, dans son enquête folle au sein de cette ville qu'il lui arrive de détester mais qu'au fond il adore.

Lua, («diminutif affectueux avec lequel nous autres Luandais appelons notre ville») Luanda, Sao Paulo da Asunçao de Luanda son beau nom ancien, va vous absorber, vous allez vous y perdre dans un rire... qui s'étrangle parfois dans une grimace de dégoût et de douleur. 

Ville démesurée, grouillante, décharge à ciel ouvert, où nul ne sait si celui qu'il croise va le tuer ou le sauver, ville de l'amour fou mais aussi de grande Peur ; où tous ceux qui s'en éloignent, parce qu'on leur conseille vivement ,s'ils veulent rester en vie, ou parce qu'ils veulent fuir, y reviennent même au péril de leur vie. Car on ne peut rester longtemps loin de cette vie foisonnante et violente, fascinante à l'égale de Kianda la belle chanteuse dont est amoureux Bartolomeu.

«Je suis dramatique par culture et par formation. Nous autres, Angolais, nous sommes un peu dramatiques, n'est-ce pas ? Nous aimons l'outrance.» nous dit-elle.

L'outrance se retrouve dans tous les personnages principaux et secondaires :

Une mère des saints brésilienne qui veut revenir à la source africaine des rites de candomblé et souhaite à 80 ans se remarier avec un beau noir qui finalement se transformera en un portugais plus très jeune, tenancier de «l'Orgueil grec», «une des dernières tavernes portugaises au monde», où elle délivre ses oracles.
Lulu Banzo Pombeiro mari et impresario de Kianda. «Ma grand-mère, elle, a une expression qui définit avec une précision cruelle un type comme Lulu Banzo Pombeiro : «Certaines personnes, même très bien chaussées, ont toujours l'air de marcher pieds nus».
Nubia une ancienne Miss Angola qui se prend pour la vierge et parle depuis l'au-delà, après avoir été jetée d'un hélicoptère par les sbires du régime dictatorial qu'elle a eu l'audace de dénoncer, et veut se faire engrosser par Bartolomeu en qui elle voit la réincarnation de Joseph.
Une Fillette-Chien à la tête d'une meute dont Bartolomeu guette l'apparition dans la décharge du Golfe «Entre nous, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre la ville et la décharge.(...) Des gens vivant au milieu des ordures c'est quelque chose de courant. Ce qui m'intéressait c'était de vérifier l'allégorie -- une petite fille développant la capacité de communiquer avec des chiens à cause d'une incapacité à se faire entendre des êtres humains.» p 115

Des anges noirs qui dansent sur un toit d'immeuble, 

et... ce n'est qu'un petit aperçu de ce qui vous attend.
C'est grâce à cette démesure, reflet d'une réalité, que José Eduardo Agualusa, jouant sur différents registres, du roman d'amour à l'enquête politico-policière sans oublier une grande poésie, dénonce les abus et la cruauté d'une société à la dérive. Ils nous permet d'en supporter la vision dantesque comme leur fantaisie, leur inventivité et leur folie permettent à ceux qui y sont immergés d'y survivre. Et pour qualifier ce roman pourquoi ne pas utiliser le beau nom employé par Kianda en en-tête de ses notes : L'Elucidaire.
Merci à Babelio et sa masse critique et aux Editions Métailié pour m'avoir offert cette belle lecture qui m'a permis de découvrir une autre facette de José Eduardo Agualusa dont j'avais aimé «Le marchand de passés».
Commenter  J’apprécie          180
Bartolomeu Falcato, écrivain-documentariste se retrouve seul. Sa maîtresse, la chanteuse Kianda le quitte. Au moment où elle lui annonce cette nouvelle, une femme, un mannequin que Bartolomeu a rencontré quelques jours plus tôt dans un avion tombe du ciel devant leurs yeux, lors d'un orage aussi terrible que soudain. Ensuite, Kianda avertit Barbara Dulce, la femme de Bartolomeu qu'il avait une liaison. Barbara Dulce le quitte et emmène leurs filles. Puis on annonce à l'écrivain qu'on cherche à le tuer.

Voilà pour les premières pages. le reste est à l'avenant. Pas un personnage n'est à l'abri d'une mésaventure jusqu'à la fin du livre. Tous plus barrés les uns que les autres, ils évoluent dans une Luanda totalement pourrie : ses dirigeants sont corrompus, reviennent à des croyances anciennes certaines cruelles voire meurtrières, les bâtiments même neufs s'écroulent ou vieillissent très mal. Bartolomeu, pour sauver sa peau devra tenter de faire la lumière sur tous les mystères qui l'encerclent. Il ne peut faire confiance qu'à peu de monde, Mickey, un SDF et Dalmatien, un chauffeur de taxi.

Ce roman est parfois totalement "déconnecté" d'une certaine réalité, mais toujours un détail ou des faits ou des personnages ramènent l'écrivain et le lecteur à la réalité : "l'insolite est toujours présent et intimement mêlé au prosaïque et au quotidien" (4ème de couverture). C'est une tendance que l'on retrouve tout au long du roman, et l'on ne sait parfois ce qui est de la réalité et ce qui est de la fiction. J-E Agualusa invente-t-il tout ou puise-t-il aux sources de la vraie vie ? le futur vu par lui n'est pas forcément très engageant. Mais est-ce réellement le futur ? Les situations qu'il décrit (corruption, compromissions, prostitutions, argent facile, ...) ne sont-elles pas déjà dans le présent ?

Au travers d'une histoire rocambolesque, abracadabrantesque comme dirait JC (non, pas "LE" JC, l'autre, le nôtre à nous Français. Notre ancien président !) l'auteur amène une réflexion intelligente et intéressante sur l'évolution des sociétés, du monde en général.

Si en plus je vous dis que l'écriture est très belle, très drôle et que la narration l'est également, vous comprendrez mon emballement.
Commenter  J’apprécie          70
Angola, de nos jours. le narrateur, Bartolomeu, est journaliste. Un jour qu'il se promène en compagnie de sa maîtresse (en fait de promenade, celle-ci lui signale qu'elle veut rompre), les deux amants voit une femme leur tomber sous le nez – au sens propre car la femme tombe d'un avion. Il se trouve que Bartolomeu connaît cette femme et il se remémore leur unique rencontre.
Après ce démarrage sur les chapeaux de roues, l'auteur ralentit son rythme et dans un troisième chapitre nous présente pas moins de 15 personnages secondaires (dont la ville de Luanda, personnage à part entière)

Ce livre m'a fait une impression très forte: les personnages sont vivants et bien campés : le narrateur est tour est tour énigmatique, énervant, sensible et attachant. Sa maîtresse, la belle chanteuse, star internationale, est également mystérieuse et on ne comprend ses motivations de rupture qu'à la fin, lorsque celle-ci les expose dans son "élucidaire", terme qu'elle préfère à journal.

Bartolomeu va ensuite mener l'enquête sur l'accident de la femme tombée de l'avion dans un Angola soumis à la corruption et où narguer le pouvoir en place a pour conséquence de se retrouver à l'hôpital psychiatrique chez le redoutable Tata Ambroise, enchaîné et privé de tout dignité.
De nombreuses histoires se croisent et s'entrecroisent : celle de la fillette-chien qui erre dans les bidonvilles, celle du père de Kianda, un ancien terroriste, celle de deux jumeaux qui a force d'opiniâtreté réalisent leur rêve de devenir stylistes, celle de Barbara Dulce la femme trompée de Bartolomeu, celle de Dalmatien (un chauffeur de taxi) et de Mickey (un autre homme) , je vous laisse découvrir la raison de leur surnom.
Ce livre fait la part belle à la musique (Barroco Tropical du titre est une chanson de Kianda) : musique Africaine mais aussi portugaise et brésilienne

Un livre que je recommande fortement puisque l'histoire est intéressante d'un côté et que le contexte est également captivant. Des réflexions sur la démocratie, l'esclavage , la place de la langue et des dialectes ........
Lien : http://lajumentverte.wordpre..
Commenter  J’apprécie          20
Roman choral, déconstruit, même si l'intrigue reste linéaire, sur l'Angola d'aujourd'hui et sur la colonisation et la place des différentes communautés, et les rapports entre ethnies et avec le Brésil et le Portugal. Teinté de fantastique, avec le Candomblé et la magie noire, le roman est violent, sombre, désabusé, désespéré et cynique. Pour public averti.
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (62) Voir plus




{* *}