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Cécile Lombard (Traducteur)
EAN : 9782864245674
131 pages
Editions Métailié (09/02/2006)
3.6/5   81 notes
Résumé :
À Luanda, à la fin de la guerre révolutionnaire, Félix Ventura, le bouquiniste albinos crée de faux passés qu’il vend aux nouveaux riches.

Ses clients sont des entrepreneurs prospères, des hommes politiques, des généraux, tous ont assuré leur avenir. Il leur faut donc transmettre à leurs enfants un bon passé.
Félix leur construit des généalogies flatteuses, des portraits d’ancêtres, des mémoires brillantes.
Il en vit bien, jusqu’à l’arri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Félix Ventura est bouquiniste à Luanda (Angola), mais il est surtout connu pour son métier de « créateur de passés », qu'il vend à des clients désireux de transmettre à leurs héritiers une généalogie flatteuse et honorable. Hommes politiques ou d'affaires, anciens militaires ou révolutionnaires, nombreux sont ceux qui ont eu recours à ses services et lui ont ainsi permis de vivre confortablement et paisiblement.
Mais un jour, un mystérieux étranger lui demande de lui construire une biographie angolaise. Ventura, réticent, s'exécute néanmoins, Mal lui en a pris : pour une fois, le passé qu'il a créé se réveille, surgit dans le présent et bouleverse celui-ci, au grand dam des protagonistes.
Curieux roman que voilà, où le narrateur est un gecko qui vit dans la maison de Ventura, et dont on apprend qu'il était un homme dans une vie antérieure . En plus de nous relater les événements, le gecko nous livre le récit de ses rêves et les souvenirs de cette vie humaine.
Entre rêve et réalité, cette fable teintée de fantastique interroge sur la mémoire et la façon dont elle (re)construit le passé, plus ou moins fidèlement, plus ou moins consciemment, et sur les conséquences de cette démarche sur le présent et le futur.
Ce texte poétique m'a offert ce paradoxe qu'il a beaucoup de charme et est agréable à lire, mais qu'il est en même temps difficile à cerner : je n'ai pas trop compris où voulait en venir l'auteur, faute peut-être de ne pas suffisamment connaître le contexte angolais. Pour avoir déjà lu d'autres romans d'Agualusa, je suppose qu'il a voulu une nouvelle fois dénoncer les dérives de la politique de son pays, qui n'a toujours pas digéré son tumultueux passé post-colonial, fait de dictature et de guerre civile.
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Jose Eduardo Agualusa m'a conduit a Luanda, en Angola, un peu au sud des tropiques. Je n'ai pas vu grand chose, confine la plupart du temps dans une maison. Je me suis surtout promene dans sa prose, chaude, tropicale, poetique, avec des effluves de realisme magique et des relents de Borges. Baroque.


J'ai croise un gecko (un lezard salamandrin? une salamandre lezardophile?) qui voit tout et raconte tout, y compris ses reves et ses souvenirs d'une vie anterieure, ou il etait homme; j'ai rencontre un noir albinos feru de livres qui invente des genealogies prestigieuses (force preuves a l'appui) a tout ceux qui le sollicitent, habillant leurs reves les plus extravagants de realite.


Mais pour ne pas me montrer Luanda, Agualusa m'a entretenu de Lisbonne, Rio de Janeiro, New York, Berlin, Paris, le Vatican, le Pakistan, l'Inde. Il a essaye de m'eblouir, convocant Eca de Queiros, Bakounine, Bruce Chatwin, Montaigne, Borges (le gecko n'est pas une reincarnation de Borges, voyant de nuit et affectionnant des termes desuets?), les fugues de Bach, la musique cubaine. Vers la fin du livre j'ai cru comprendre: Luanda traine trop de souvenirs des horreurs de la guerre fratricide declenchee apres la decolonisation.


La prose d'Agualusa est affriolante. Je pourrais en tirer de nombreuses citations (je le ferai peut-etre). Il suggere des considerations sur la memoire, son poids, sa construction ou sa deconstruction, assez singulieres, sinon tout a fait novatrices. La memoire qu'on delaisse, la memoire qu'on s'invente. Des speculation sur la relativite de la verite: "la grande difference entre la dictature et les democraties, c'etait que dans le premier systeme il n'y a qu'une verite, la verite imposee par le pouvoir, alors que dans les pays libres chacun a le droit de defendre sa propre version des evenements. La verite, a-t-il dit, est une superstition". Et plus loin: "la verite aussi est en general ambigue. Si elle etait exacte elle ne serait pas humaine. ... permettez-moi de citer Montaigne: rien ne semble vrai qui ne puisse sembler faux".


En fin de compte le livre m'a laisse un peu confus. Trop de materiaux, eparpilles, qui m'ont eparpille (en me charmant, il est vrai), dont je n'ai pas completement saisi le propos. Comme si Agualusa n'avait voulu que m'epater par sa verve, par des images bigarrees, par une ecriture bariolee. J'ai senti que la fin est parachutee, comme par un procede de "deus ex machina", a peine raccordee a tout ce qui precede. La fin se mesure a la memoire historique angolaise, mais tout le reste? C'est comme si, ne en Angola, Agualusa se cherchait, cherchait par ce livre sa vraie patrie, son ultime identite: africaine? portugaise? sud-americaine? lusophone? Je pencherais por cette derniere alternative: il a sejourne dans beaucoup d'endroits, sous divers climats, en diverses epoques de sa vie, et je crois deviner que partout, toujours, c'etait en lusophonie.


Il m'intrigue, Agualusa; je m'y replongerai.





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Félix Ventura est un angolais albinos. On pourrait dire que cette différence était de mauvaise augure pour sa vie, mais ses talents en généalogie et son ingéniosité pour inventer des passés à des personnes qui en auraient besoin font que son "infirmité" devient anecdotique et renforce un certain côté sorcier moderne et invocateur d'esprits défunts.

Le titre et le résumé sont trompeurs car en réalité, ce roman qui a des traits de réalisme magique, est une satire sur la société angolaise (et le monde contemporain en général) et notre rapport aux souvenirs , aux mensonges, à nos rêves et aux vérités qu'on manipule pour vivre "mieux".

C'est un roman déconcertant par moment, avec des passages brillants et plein de finesse et de bon sens. L'une des grandes originalités de ce récit est le fait d'avoir choisi comme narrateur de certaines parties un humain réincarné en gecko qui nous décrit les faits et gestes de Félix Ventura autant qu'il nous parle de ses souvenirs de vie humaine et des enseignements de sagesse qu'il en retire.

Même si je me dis que beaucoup de choses m'ont échappé, c'est le genre de littérature qui bouscule nos certitudes et nos croyances occidentales que j'aime à lire de temps à autre pour sortir de mes schémas de pensées trop bien établies pour voir le monde et l'humanité autrement. C'est le genre de roman auquel il faut repenser, qui demande un temps de pause et de réflexion après sa lecture pour apprécier et comprendre sa portée.
Et pour toutes les raisons que j'ai évoqué je pense que José Eduardo Agualusa est très clairement un romancier qui mérite qu'on s'intéresse à son oeuvre - et dont la poétique n'est pas sans rappeler celle d'une autre écrivain lusophone africain : Mia Couto.

Une très belle découverte grâce à un défi Babelio!
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Quelle drôle de découverte je viens de faire là ! Auteur inconnu au bataillon (à mon bataillon littéraire du moins), José Eduardo Agualusa mérite pourtant le détour.

L'histoire est censée être centrée sur Félix Ventura, un albinos qui créé un passé fameux à de riches hommes angolais. Jusqu'au jour où il invente un passé et une généalogie à José Buchman, un photographe blanc qui souhaite se poser en Angola...

La plume de l'auteur est fraîche, imagée, poétique. Le récit paraît anodin (il est même dépourvu de fil conducteur) mais il se cache dessous des questionnements sur la vie, le mensonge, le passé, la vie après la mort.
A petites doses, l'auteur nous révèle aussi quelques informations sur l'Angola : ses paysages, sa faune et sa flore, sa vie quotidienne, sa politique, son passé historique.

Et quoi de plus surprenant que la forme choisie ? Car c'est un gecko qui nous narre cette drôle d'histoire (pour les ignorants comme moi, le gecko est une sorte de lézard ou de salamandre). Et souvent, c'est par le biais d'un rêve qui relie cet animal aux personnes qui l'entourent que le lecteur avance. Eh oui, il y a bien une touche de fantastique dans ce récit. Non seulement par ces rêves étranges, mais aussi par la nature même du gecko qui a été humain par le passé.

Une drôle d'aventure donc, un petit plaisir qui me laissera un goût sucré (comme les nombreuses papayes dégustées par les personnages), le souvenir d'une lecture douce et étrange.
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Parfois, sur la route littéraire, on croise des histoires surprenantes; un style, un propos, une poésie qui nous touche mais sans trop savoir pourquoi. Il est des romans qu'on ne pourrait expliquer; parce qu'une fois la lecture terminée, on se pose des questions sur ce qu'il vient de se passer...
C'est ce qui m'est arrivé avec le marchand de passés. En lisant la quatrième de couverture, je m'attendais à tout sauf à ça.
Le narrateur, un gecko qui fut autrefois un homme, tel Shéhérazade nous raconte la vie qui passe dans la maison qu'il a choisie, celle de Félix Ventura. Entre rêve et réalité, à travers de très courts chapitres qui peuvent paraître décousus, le lecteur est quasi hypnotisé par le récit.
La force du roman de José Eduardo Agualusa n'est pas dans la trame de l'histoire, d'ailleurs très peu consistante en soi. Mais bien dans les questions qu'il suggère, sur le poids du passé, la fierté de soi-même, l'histoire de chacun, le mensonge, la réalité tronquée, la solidité des souvenirs...
Au passage, en toile de fond, quelques bribes de l'histoire de l'Angola nous seront révélées. Un écriture poétique, un récit onirique, teinté de fantastique; qu'on hésitera à qualifier de doux ou de violent.... une lecture bien étrange.
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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Au catechisme, un vieux pretre a la voix mourante et au regard fatigue a tente, sans conviction, de m'expliquer en quoi consistait l'Eternite. Je pensais que c'etait un autre nom pour les grandes vacances. Le pretre parlait d'anges et je voyais des poules. Jusqu'a aujourd'hui, d'ailleurs, les poules sont ce que je trouve le plus semblable aux anges. Il nous parlait de la beatitude et je voyais les poules en train de gratter au soleil, de creuser des nids dans le sable, de faire rouler leurs petits yeux de verre, en une pure extase mystique. Je ne parviens pas a imaginer le paradis sans poules. Je ne parviens meme pas a imaginer le bon Dieu, allonge paresseusement sur une molle couche de nuages, sans le voir entoure d'une gentille legion de poules.
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Il pleut. De grosses gouttes d'eau, poussées par le vent violent, se jettent contre les vitres. Félix, assis face à la tempête, savoure à lentes cuillerées une purée de fruits. C'est ce qui a constitué son dîner ces derniers soirs. Il prépare lui-même une papaye, en l'écrasant avec une fourchette. Il ajoute ensuite deux maracujas, des fruits de la passion, une banane, des raisins secs, des pignons de pin, une cuillerée à soupe de muesli, d'une marque anglaise, et un filet de miel.
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"Dora, la Cigale — Berceuse pour un fleuve — le grand succès du moment." Sa voix brûle dans l'air. Ces dernières semaines, c'est elle qui a été la bande-son du crépuscule. Je connais les paroles par cœur.

Rien ne passe, rien n'expire
Le passé est
un fleuve qui dort
et la mémoire un mensonge
aux mille formes.

Dorment les eaux du fleuve
et en mon sein dorment les jours
dorment
dorment les blessures
les agonies,
dorment.

Rien ne passe, rien n'expire,
Le passé est
un fleuve endormi
Il semble mort, c'est à peine s'il respire,
réveillez-le et il bondira
dans un grand cri.
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Il a changé de sujet. Il a raconté qu’il avait assisté, quelques jours plus tôt, à la présentation d’un nouveau roman d’un écrivain de la diaspora. C’était un emmerdeur, un indigné professionnel, qui bâtissait toute sa carrière à l’étranger, en vendant au lecteur européen l’horreur de la nation. La misère a beaucoup de succès dans les pays riches. Le modérateur, poète local, député du parti de la majorité, avait fait l’éloge du nouveau roman, en même temps qu’il fustigeait l’auteur parce qu’il trouvait que son point de vue sur l’histoire récente du pays était falsifié. Une fois le débat ouvert, tout de suite, un autre poète, lui aussi député, et plus connu pour son passé de révolutionnaire que pour son activité littéraire, a levé la main :
– Dans vos romans, vous mentez volontairement ou par ignorance ?
Il y a eu des rires. Un murmure d’approbation. L’écrivain a hésité trois secondes. Puis il a contre-attaqué :
– Je suis menteur par vocation, a-t-il hurlé. Je me régale à mentir. La littérature est le seul moyen que possède un véritable menteur pour se faire accepter socialement.
Il a ensuite ajouté, plus sobrement, en baissant la voix, que la grande différence entre les dictatures et les démocraties, c’était que dans le premier système il n’y a qu’une vérité, la vérité imposée par le pouvoir, alors que dans les pays libres chacun a le droit de défendre sa propre version des événements.La vérité, a-t-il dit, est une superstition. Louis Félix, cette idée l’a impressionné.
– Je pense que ce que je fais est une forme avancée de la littérature, m’a-t-il confié. Moi aussi je crée des intrigues, j’invente des personnages, mais au lieu de les garder prisonniers dans un livre je leur donne vie, je les jette dans la réalité.
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Vous êtes resté longtemps à l'étranger, à voyager, vous n'avez pas idée de ce que nous avons vécu dans ce maudit pays. Luanda est plein de gens qui ont l'air très lucides et qui tout à coup se mettent à parler des langues impossibles, ou à pleurer sans raison apparente, ou à rire, ou à lancer des imprécations. Certains font tout ça à la fois. Il y en a qui se croient morts. D'autres qui sont morts pour de bon et que personne n'a encore eu le courage de prévenir. Certains croient qu'ils peuvent voler. D'autres y croient tellement qu'ils volent pour de bon. C'est une fête des fous, cette ville, il y a par ici, dans ces rues pleines de décombres, dans ces quartiers aux alentours, des pathologies qui n'ont même pas encore été répertoriées.
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