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4,05

sur 71 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  


Jardins d'exil publié aux Éditions du lointain, est le premier roman de ce jeune auteur. C'est un récit très étonnant, car construit d'une manière éclatée, ce qui déstabilise le lecteur habitué à des structures plus conventionnelles et, sans doute, plus policées.

Ici les ruptures sont constantes, le monde vole en éclats, entre Ve siècle av JC et XXIe s, entre Montreuil, le Caire, Al-Bariya au Maroc, L'Espagne, Israël, L'Iran, la Crête ..., entre bars de nuit, laboratoires de recherches, appartements et hôpital, entre aventures et "bitures"... L'entrée dans le roman par un rêve d'ivrogne, un rêve sans queue ni tête a priori est d'ailleurs annonciatrice de ce monde désarticulé.

Et pourtant, on s'y fait et même, on s'y laisse prendre : Laura, jeune soeur du héros Alejandro survivra-t-elle à sa leucémie ? Aemilia, jeune alexandrine des débuts de l'époque byzantine, est-elle morte des suites d'une leucémie ou a-t-elle été assassinée ou n'a-t-elle pas réussi à surmonter la douleur du départ de son amante Théodora repartie pour Antioche ?

Les personnages aussi sont attachants : les doutes et complexes du grand frère Alejandro vis-à-vis de sa jeune soeur Laura, les questions qui taraudent les exilés comme Azadeh, Hakim, Youssef, le personnage de Sacha aussi est intéressant. le titre "Jardins d'exil" a beau être au pluriel, il ne rend compte que d'une petite partie du roman.

Le roman est aussi rempli de références culturelles diverses mais passionnantes : l'origine de la religion copte, l'histoire de la reine Théodora, les progrès scientifiques liés aux greffes ou liés aux possibilités de recherches par l'étude de l'ADN.

Je trouve toutefois que dans les premières pages le recours aux métaphores est excessif et maladroit : "les zones les plus reculées de mon cerveau prennent alors les commandes [...] un cadavre pompéien de spaghettis [...] Une ultime nuée de fumée sonne comme un chant du cygne gastronomique..." Heureusement, cela ne dure pas. Les scènes érotiques et dans une moindre mesure les scènes d'alcoolisation tombent presque toujours à plat, transformant le lecteur en voyeur puisque ces descriptions n'ont pas d'autres enjeux véritables. C'est dommage, car ce récit valait mieux.

J'ai repéré aussi quelques coquilles qui ne sont pas passées au crible de l'éditeur : p 88 "Il m'a toujours aimé" P197 "Mais tu m'as rassuré" p 213 "Elle organise, transfert" p 220 " Une dictature vielle" "p 287 " Azadeh était déçu" Surprenant, car je suppose que ce livre a été lu et relu avant d'être édité. Ce premier roman mérite le meilleur !

Lien : http://www.lirelire.net/2024..
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Dans un rêve prémonitoire inaugural, le narrateur entrevoit sa soeur dévorée par les flammes d'une décharge en feu. Cette scène est à l'image de ce premier roman: brillante et imparfaite, fascinante et maladroite. Elle introduit Alejandro, jeune chercheur en ADN ancien, ex-étudiant déçu par la médecine, qui vivote à Montreuil dans le contexte électrique des printemps arabes, noyant son stress lors de sorties alcoolisées entre potes. Deux événements bouleversent son quotidien: la leucémie de sa soeur et la découverte d'un manuscrit ancien datant du VIème siècle. le jeune homme se lance dans un sauvetage éperdu, jetant un pont entre l'intime et l'histoire, les désordres du corps et ceux de l'âme, le monde arabe et l'Europe. Procédant à un retour sur soi existentiel, il s'interroge sur le commencement et la fin: la famille, Dieu, les civilisations, la science...Vastes sujets développés de façon parfois anarchique, mais toujours intéressante.
Yanis Al-Taïr donne beaucoup de lui-même: on perçoit le scientifique en lui, l'analyste rigoureux, un esprit rationnel mais imaginatif qui fait souvent défaut aux romans exclusivement "littéraires".
Le foisonnement des idées laisse cependant passer des fautes d'orthographe et des tournures alambiquées qu'il aurait sans doute fallu traquer pour aboutir totalement le roman. Mais ce témoignage initiatique, à la fois cartésien et poétique, est un éclairage universel de l'angoisse actuelle. C'est un récit absolument de son temps, comme j'estime qu'il est essentiel que la littérature le soit.
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Ce roman a rencontré des difficultés à éveiller mon intérêt : l'abondance des sujets (trop) variés en est la cause. Quel était le fil de cette histoire ? Où cela allait-il me conduire ? La trame est peu claire : chapitre après chapitre, le lecteur passe de la vie du narrateur, Alex, et de sa famille (partie que je qualifierais de roman "pur"), au printemps arabe de 2011, à la valeur de la médecine française, à l'évolution de notre monde voire à la physique quantique (parties qui tendent vers l'essai).
Le seul fil conducteur ténu (que j'oserais comparer au fil d'Ariane dans le labyrinthe), est l'histoire d'Aemelia et Theodora qui se déroule à l'époque byzantine. Cette histoire trouve des résonnances dans la partie actuelle (2011) du texte.
A partir du déroulement de la vie et des événements intimes du narrateur, l'auteur s'enfonce dans des sujets parfois très pointus.
Au départ, nous faisons la connaissance d'Alex, ayant étudié la médecine qui a bifurqué aux cours de ses études pour devenir paléogénéticien à l'Institut des Mondes anciens. Il vit à Montreuil loin de sa famille. Lorsqu'il apprend que sa soeur qu'il ne voit plus depuis quelques années est atteinte d'une forme grave de cancer, il lâche tout pour s'en occuper. Il est aussi en contact avec un ami archéologue, Sacha qui se trouve au Musée du Caire lors du printemps arabe et qui tente de rentrer en France en emportant en fraude un papyrus gardé dans une boîte métallique qui pourrait apporter des éclaircissements quant à l'histoire de nos deux Byzantines du "fil rouge". Voilà pour la mise en place de l'histoire.
Le registre de langage est soutenu et très précis dans les domaines scientifiques : je n'ai d'ailleurs toujours pas vraiment compris les passages concernant la physique quantique. J'imagine qu'un tel sujet est difficile à vulgariser. C'est là que l'on ressent la formation d'ingénieur de l'écrivain dont c'est le premier roman.
Lors de ses réflexions sur le passage de l'être humain sur terre et l'évolution de notre monde, je n'avais plus l'impression de lire un roman mais plutôt un essai. Même impression avec le thème de la médecine.
J'ai également regretté quelques fautes grammaticales , fautes d'orthographe et/ou coquilles.
Les sujets sont intéressants : les relations familiales et amicales sont finement perçues et décrites, on y trouve beaucoup de sensibilité et de force. Les sujets "satellites" ont l'air d'être maitrisés (je ne suis pas scientifique d'où ma réserve).
Mon seul regret finalement : cette avalange de sujets "sérieux", pointus même plutôt dignes d'un ou plusieurs essais au milieu d'un roman de fiction qui demande à être un peu plus léger à digérer. - Oui je l'admets, j'ai toujours eu du mal à comprendre les sciences et quand je crois y être arrivée eh ben il s'avère que non !
Globalement, j'ai quand même passé un bon moment de lecture, ce n'est qu'un premier roman. L'auteur peut sûrement s'améliorer simplement en se limitant en nombres de sujets et peut-être en vulgarisant mieux les sujets scientifiques.
Je lui souhaite d'ailleurs une longue et belle carrière d'écrivain.
Merci à Babelio et aux Editions du Lointain pour cette découverte dans le cadre d'une masse critique privilégiée.

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Encore une fois merci à Babélio pour sa masse critique privilégiée,  pour la découverte de Jardins d'exil de Yanis al Taïr et pour l'envoi du roman publié aux éditions du Lointain.
Nombre de fois je me suis demandée où l'auteur voulait en venir en parcourant les pages de son livre, nombre de fois je me suis sentie à côté de tous ces thèmes sociologiques évoqués par l'auteur en quantité plus que fournie.
Nombre de fois aussi je me suis dit qu'il fallait que je continue à avancer dans ma lecture car je sentais bien que les liens se resserreraient à un moment ou à un autre.
Malgré tout, l'écriture de ce nouvel auteur m'a bien convaincue car je l'ai trouvée très fluide, très sensible et c'est ce qui a fait que je n'ai plus vu les pages défiler.
Je me doutais bien que ce roman à la quête initiatique aurait une certaine profondeur et que je devrais me faire une opinion qu'à la fin de ma lecture.
Il y a des romans comme celui-là qui paraissent tellement incernables au départ,  tellement digressifs sur la longueur, tellement bourrés d'infos qu'on se dit que l'auteur foisonne d'idées hein Mr Yanis, ça doit bouillonner là-haut!
Cela dit j'espère que les prochains livres seront un peu mieux structurés et que les idées se bousculeront un peu moins car on frôlerait l'indigestion ce qui n'est certes pas recommandable quand on veut prendre du plaisir dans ses propres lectures.
Mais je reste convaincue que Mr Yanis saura encore nous surprendre, j'en suis certaine. le meilleur reste à venir.

Et le dernier point, pour l'éditeur qui devrait absolument refaire un point avec ses correcteurs car à la publication il reste encore des coquilles dans le livre. Et croyez-moi, avec un minimum d'exigence à la lecture j'aurais préféré voir l'orthographe et ses accents à leur place plutôt qu' absents pour je ne sais quelle raison.
J'ai vraiment cru recevoir des épreuves non corrigées c'est pour dire...
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Voilà aujourd'hui un premier roman d'un jeune auteur Yanis Al-Taïr dont j'ai eu envie de découvrir la plume après avoir reçu une proposition lors d'une Masse Critique exceptionnelle. Je remercie donc l'éditeur et Babelio pour m'avoir sélectionnée.
Nous sommes en 2011, Alejandro se réveille après une nuit bien arrosée dont il ne garde aucun souvenir et après avoir fait un très mauvais rêve dans lequel il a vu sa jeune soeur Laura sortir des flammes. En se réveillant, il voit les pompiers débarquer dans son petit studio : il s'est endormi en laissant une casserole sur le feu !
Tout cela est très déstabilisant pour lui car cela ne lui était jamais arrivé, et le lecteur ne saura qu'à la fin du roman ce qu'il a fait durant cette étrange nuit...
De plus, au petit matin, Alejandro découvre un message de son père lui demandant de le rappeler d'urgence : sa soeur Laura est très malade, on a découvert qu'elle avait une leucémie. Lui qui ne l'a pas revu depuis trois ans, reprend contact avec elle et puisqu'il est le seul membre de la famille habitant Paris, il décide d'emménager chez elle pour l'aider, s'occuper du chat et la suivre pas à pas, dans son combat contre la maladie.
En parallèle, son ami Sacha, archéologue d'origine russe, cherche à fuir l'Egypte qui s'embrase tandis que les manifestants de la place Tahrir scandent "dégage Moubarak". Son passeport russe ne lui facilite pas la tâche. Il a réussi à sauver du pillage du musée du Caire un mystérieux journal intime qui daterait de l'époque byzantine. En attendant de pouvoir rejoindre Paris, Sacha va, page par page, envoyer à Alejandro des copies de ce précieux papyrus, par mail, afin qu'il en prenne connaissance...avant de le lui amener pour une expertise plus poussée.
Alejandro est en effet chercheur en ADN ancien (ou paléogénéticien si vous préférez) et le papyrus présente sur la dernière page une grande tache de ce qui semble être du sang. Aemilia, l'autrice du journal, aurait côtoyé, alors qu'elle était toute jeune adolescente et déjà mariée, la future impératrice byzantine Théodora dont elle est tombée follement amoureuse...
Tous ces événements bousculent Alejandro qui va tenter de continuer à vivre et à accepter le quotidien, tout en se remémorant son passé et en nous livrant ses réflexions sur le monde qui l'entoure...
Il se souvient en particulier de son enfance au Maroc (à Al-Bariya), de ses jeux avec Laura, de leur mère distante et dépourvue de tendresse et d'indulgence qui travaille dans une ONG à laquelle elle se consacre corps et âme au détriment de sa famille et de ses enfants, tandis que le père enseignant et poète leur offre un peu de rêves.
Il nous parle aussi de ses études de médecine en Espagne, de son voyage à Jérusalem pour y travailler comme stagiaire à l'hôpital, séjour durant lequel sa vie a pris un tournant décisif après sa rencontre avec Sacha, jusqu'à son arrivée à Paris pour y reprendre des études à l'institut des Mondes anciens et à l'exercice de son nouveau métier...
Les souvenirs défilent, heureux ou malheureux, l'incitant à se poser de nombreuses questions sur son karma, ses choix, ses rencontres et toutes les décisions qui ont donné un sens à sa vie...

Voilà un roman intéressant et bien écrit que j'ai eu du plaisir à découvrir et qui m'a fait passer de très bonnes soirées lectures.
L'auteur nous dépeint un héros sensible et émouvant qui se laisse déborder par ses sentiments mais qui nous apparait terriblement humain. Il a un métier passionnant et plein d'amis mais se cache derrière une façade qui peu à peu, va se craqueler face à la maladie de sa soeur et au fur et à mesure que les souvenirs de son enfance remontent à la surface.
Il y a de très beaux dialogues, un poème émouvant écrit par le père à sa fille, de belles personnes comme bien entendu Sacha mais aussi Azadeh, dont on espère qu'Alejandro comprendra toute la valeur. Des pages superbes comme celles de son premier cours à l'Institut des Mondes anciens ou de sa rencontre avec Sacha sur le chantier de fouilles.
Les réflexions sur la vie, la maladie, les soins médicaux et les différentes approches médicales, l'archéologie, le printemps arabe...sont toutes très intéressantes.
Mon seul bémol est que je me suis parfois perdue car les chapitres alternent tous ces sujets variés sans chronologie particulière comme le sont nos souvenirs lorsque nous nous les remémorons certes, mais le roman me semble-t-il aurait gagné à un peu plus de clarté.
En effet, les réflexions sur la vie de famille d'Alejandro et la maladie de sa soeur Laura, les événements passés comme sa rencontre avec Sacha et la naissance de leur amitié, les histoires d'amour de l'un ou l'autre de ses amis pas forcément toutes importantes, les autres rencontres amicales qui le sont davantage (comme Romain, Youssef...), les pages du journal intime byzantin, les événements politiques contemporains dans les pays arabes, les fouilles archéologiques, les années d'étudiants en médecine et le pourquoi de l'abandon de ses études...tout s'emmêle sans toutefois que le lecteur sache toujours où et quand il se trouve au premier regard.
Le lecteur devra donc trouver le fil directeur en cours de lecture, fil contenu dans le titre du roman soit dit en passant. Comme vous l'aurez deviné, l'exil tient la première place car nous devons tous quitter quelque chose ou quelqu'un durant notre vie, la maladie nous oblige à quitter celui ou celle que nous étions avant, la vieillesse à oublier notre jeunesse...la mort à quitter ceux que l'on aime, l'exil n'est pas que quitter son pays natal c'est renoncer tout simplement au passé.
Enfin, l'auteur établit aussi un lien entre le journal intime de la jeune byzantine et ce que Laura est en train de vivre, un lien qui heureusement ne se vérifiera pas à la fin mais je ne vais pas tout vous raconter. Ce journal mérite une seconde lecture, plus linéaire ce que j'ai fait en terminant le roman. Il est en effet un roman dans le roman tout à fait intéressant à découvrir.
Merci à Babelio et à L'éditeur pour ce partage qui m'a permis de découvrir une belle plume, un auteur engagé et passionné même si comme je l'ai dit je me suis un peu perdue dans la variété des sujets abordés...ce qui est dommage au final mais pardonnable pour un premier roman.
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Alejandro est jeune chercheur spécialisé aujourd'hui dans L ADN ancien, ayant renoncé à ses études de médecine au grand dam de ses parents pour se consacrer à la paléogénétique. Pourtant de la vie à la mort, du présent au passé, la frontière est souvent ténue. Sur fond de printemps arabe, nous allons le suivre dans ses pérégrinations, de Rabat à Montreuil, de Jérusalem au Caire, de Rome à Alexandrie...
Pour le lecteur, le récit démarre à l'image de la vie d'Alejandro, un peu chaotique, le jeune homme brûlant la chandelle par les deux bouts dans un univers nocturne dissolu où le sexe et l'alcool prennent souvent le pas... D'ailleurs, il aime citer l'un des préceptes du poète persan Omar Khayyâm : « Il n'est personne qui sache le secret du futur. Ce qu'il faut, c'est du vin, l'amour et le repos à discrétion. »
Mais très vite, deux histoires vont émerger dans le récit, entrer en résonance à quinze siècles de distance, s'entrelacer, se couturer. Alejandro est sollicité par son ami russe, Sacha, oeuvrant comme archéologue en Égypte, pour se pencher sur un mystérieux manuscrit en papyrus découvert lors de fouilles sous la bibliothèque d'Alexandrie. Une indéfectible amitié lie les deux hommes, qui aura son importance dans l'intrigue. Il s'agirait d'un journal intime datant du VIème siècle écrite par une jeune femme de vingt ans, Aemilia, adressée à la jeune Théodora, qui n'est autre que la futur impératrice byzantine, épouse de Justinien Ier. Ce journal rassemble la correspondance des deux jeunes femmes qui s'aimaient d'un amour impossible. À distance entre Montreuil et l'Égypte, mais traversant aussi la distance de 1500 ans, il s'agit de tenter d'élucider l'énigme de ce journal intime dont la dernière page est souillée d'une tâche sombre, comme une tâche de sang qui aurait survécu aux affres du temps. C'est dans ce contexte qu'Alejandro apprend la nouvelle qui va l'effondrer et donner une autre tournure à son existence : sa jeune soeur Laura est atteinte d'une leucémie foudroyante... Ses chances de survivre sont très limitées...
Ces deux histoires vont alors tenir l'édifice de ce récit, comme les deux arcs d'une nef, se rejoignant pour en former la voûte.
Jardins d'exil est un roman foisonnant à plus d'un titre, foisonnant de personnages, d'images, de réflexions théologiques, philosophiques sur l'existence ainsi que nos identités, de passerelles entre les civilisations, entre le passé et le présent.
Dans ce premier roman généreux et enthousiaste, à l'écriture fluide, Yanis Al-Taïr nous invite au bord du monde, à la confluence des frontières, là où tout finit, là où tout recommence.
L'auteur dresse avec intelligence une histoire tissée de ponts, par-delà l'espace et le temps. C'est un foisonnement de questionnements qu'il soulève entre intime et universel, un peu comme deux mains puisant à satiété dans le sable pour y trouver un objet disparu.
Dans ce récit d'amour, de quête initiatique aussi, Yanis Al-Taïr convoque l'intrication quantique, ce lien incommensurable entre les corps, pour tenter de lire là ce qui ne peut être compris ici.
« Ainsi seule la musique intime des êtres persisterait au-delà des siècles, des origines et des frontières. »
Dans la valse ininterrompue des sociétés humaines muselées dans leurs croyances, entre idéaux et désillusions, l'auteur tente de débroussailler l'entrée d'un autre chemin pour mieux comprendre le fracas du monde.
N'y aurait-il pas alors un double inconscient à nous-mêmes, intime et poétique ? L'indéfinissable soi ? Notre véritable identité, au-delà de notre code génétique et de nos origines, lointain écho de nos intuitions et de nos rêves.... ?
Confrontant le mythe d'Adam et Ève aux récits scientifiques, Jardins d'exil nous montre un ailleurs possible... Jardins d'exil comme autant d'autres jardins plus personnels, plus intimes, délimités par notre seul imaginaire.
Si ce premier roman peut donner le tournis à certains moments, - en effet il est grouillant d'idées intelligentes et jubilatoires, à profusion sans doute -, la maladresse du récit est à la hauteur de sa générosité.
C'est un roman généreux à plus d'un titre...
Généreux parce qu'il est empli de questions plus que de réponses,
Généreux parce qu'il dresse la poésie face à la fureur du monde,
Généreux parce qu'il est gorgé d'amour,
Généreux parce qu'il n'oublie pas l'amitié,
Généreux dans sa célébration de la culture du métissage...
C'est pour cette générosité que ce premier roman ambitieux d'un jeune auteur empli de promesse mérite toute notre attention et notre bienveillance.

« Si nous ne sommes pas là nous non plus, ils vont nous arranger la république. Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change. Est-ce clair ? »
Le Guépard - Giuseppe Tomasi di Lampedusa

Je remercie Babélio et les Éditions du Lointain pour l'envoi de ce roman totalement inclassable.
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Roman des finitudes et des renaissances…

Un premier roman publié dans une maison d'édition confidentielle, un premier roman écrit par un auteur ambitieux qui ne veut rien de moins que confronter la grande mort des civilisations à la mort si banale des êtres humains, confronter la grande Histoire à notre intimité la plus inéluctable, reliant ainsi notre implacable condition de mortels à travers les civilisations qui renaissent elles de leurs cendres, inlassablement.

« de nouveau égaré dans un monde disparu, je n'ai plus à me préoccuper de la réalité »

De cette ambition, énorme il faut le dire, en résulte un roman qui a les qualités et les maladresses d'un premier roman d'une telle envergure. Un récit où l'enthousiasme, la sincérité, la fraîcheur, l'art romanesque le dispute à un foisonnement nerveux et une érudition grandiloquente. Pour toutes ces raisons, grâce et à cause d'elles, j'ai aimé lire Jardins d'exil, je l'ai trouvé attachant. Je le reprenais chaque fois avec curiosité, avec plaisir et même avec étonnement, celui de me faire réfléchir et de m'apprendre des choses. N'en déplaisent à celles et ceux qui n'ont vu que ses points faibles, avis, parfois très durs, que je comprends et respecte mais dont je ne partage pas la sévérité, bien au contraire. C'est un livre attachant pour lequel je ressens de la gratitude et beaucoup de bienveillance.

« La tragédie individuelle souvent s'efface devant la marche de l'histoire. Pourtant, combien le ballet ininterrompu des peuples parait dérisoire face aux drames d'une vie, unique et irréversible. Suivant le point de vue que l'on adopte, le lien entre l'intime et le monde bascule ainsi sans cesse entre engagement et renoncement. Rejeter la multitude tout autant que l'isolement. Chercher la compagnie tout autant que la contemplation. Fragile équilibre si déterminant pour notre santé mentale et par ricochet pour celles des sociétés ».

Alejandro est un jeune homme d'une trentaine d'années qui vit à Montreuil. Après avoir tenté des études de médecine, sa rencontre avec Sacha, un archéologue russe, à Jérusalem lui a fait prendre un tout autre chemin professionnel, au grand dam de ses parents : au lieu de s'occuper des vivants et de tenter de traquer la mort en eux, il s'occupe désormais des morts en cherchant des traces de vie en eux : il est désormais en effet chercheur en ADN ancien.
Nous sommes en 2011, le printemps arabe s'épanouit, il est tenu au courant de la progression des événements par le biais de Sacha, présent en Egypte, qui a réussi à sauver du musée du Caire un journal intime datant du VIè siècle, un journal taché de sang qu'il va parvenir à faire parler. C'est le journal d'une jeune femme centrée sur la correspondance amoureuse entre elle et la future impératrice byzantine Théodora.

Alejandro va devoir mener de fronts plusieurs problèmes en ce mauvais alignement des planètes : sauver ce journal, mais aussi et surtout sauver sa soeur qui vient d'apprendre qu'elle souffre d'une leucémie foudroyante. La vie de ces deux femmes, celle du VIè siècle et sa soeur sont désormais au coeur de la vie chamboulée du jeune homme, entrelacées, entrant en résonance l'une et l'autre, bouleversement qui est l'occasion pour lui de faire un point sur son enfance, ses souvenirs avec ses parents si différents l'un et l'autre, ses études, ses amis, ses amours, la vie nocturne à Montreuil.
L'occasion pour lui de développer de multiples réflexions philosophiques sur la finitude des hommes, sur celle des civilisations, sur la renaissance de celles-ci. Mais aussi d'élaborer des digressions personnelles sur la médecine, les religions, le rôle de l'art comme moyen d'apaisement des souffrances humaines, les modes de vie plus sains et les médecines alternatives qui guident. Tous ces jardins d'exil qui permettent à l'homme de s'élever de sa condition.

« Si la médecine nous répare, l'art nous soigne ».

Yanis Al-Taïr a ainsi attaqué de front plusieurs thématiques, ce qui peut paraitre non seulement périlleux mais aussi quelque peu indigeste. Il n'est est rien, certes ça foisonne mais jamais l'auteur ne prend le risque de nous perdre.
Il est vrai que certains développements peuvent sembler trop érudits, trop développés par rapport à l'histoire mais cette volonté de jouer à l'équilibriste avec plusieurs thématiques afin de donner de la profondeur au récit et de répondre à sa problématique de la finitude et de la renaissance, est contrebalancée par le talent de la narration de l'auteur ainsi que sa plume fluide. Ces digressions, si elles adoptent parfois un ton scolaire, permettent cependant de faire des pauses bienvenues dans le déroulé de l'histoire qui, seule, aurait manqué de relief.

« Faire disparaitre la structure éphémère d'un corps suit toujours le même processus inexorable de décomposition brutale qui engage la vie de milliers de microorganismes, d'insectes et de charognards, bénéficiant de cette masse de chair fraiche. Unique consolation d'une vie qui revient à la vie, pourtant crainte par les adeptes de la crémation qui y voient une violation ultime de leur être. Mais tout est déjà là, prêt à être activé dès l'arrêt du coeur. Rien de plus naturel donc que ce processus cyclique qui se met en ordre de marche sans nous prévenir, en silence ».

J'ai pu voir des critiques virulentes sur les clichés véhiculés par ce livre, sur les nombreuses thématiques juste survolées, sur les scènes de sexe trop suggestives et d'un autre temps, je n'ai pas du tout ressenti pour ma part ces reproches. J'ai vu et ressenti les liens que l'auteur voulait établir entre notre condition, perpétuellement mortelle, et ces civilisations cycliques. Les thématiques abordées sont loin d'être survolées (mon bémol porte au contraire sur une érudition trop forte) et les scènes de sexe peu nombreuses et secondaires.

Je referme ce livre en ayant le sentiment d'avoir passé un bon moment de lecture, un moment de lecture différent de ce que j'ai l'habitude de lire, d'avoir été touchée par les personnages de ce livre mais aussi par cet auteur dont je me promets de suivre les livres à venir. Un grand merci à Babélio et aux Editions du Lointain pour l'envoi de ce roman inclassable.
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Cette critique est susceptible d'être biaisée. Babelio ne garantit pas son authenticité

Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains tant les sujets sont précis et demandent de la concentration.
L'auteur nous fait beaucoup voyager, au travers du parcours de son personnage principal, tel un Zadig.
On apprend beaucoup en lisant l'histoire d'Alejandro: sur le printemps arabe, sur la biologie, la maladie, l'histoire, l'archeologie... mais surtout sur les questions existentielles, le sens de la vie, sa finitude.
Mais ce que j'ai le plus apprécié, c'est la plume de l'auteur.
Une écriture chantante, musicale et d'une très grande poésie.
Je ne peux que conseiller ce livre aux grands amoureux de la langue française.
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Jardins d'exil est le premier roman d'un écrivain doté d'une plume de grande qualité et d'une belle maîtrise de la construction romanesque.
Les personnages qu'il met en scène constituent un kaléidoscope de culture, de religion et de pays principalement situés sur l'axe méditerranéen. Yanis Al-TaÏr va nous entraîner dans un tourbillon spatio-temporel.

Alejandro vit à Montreuil. Célibataire, la trentaine, il mène une vie de bohème, fréquente les bars, les boites et la communauté cosmopolite. Alejandro est chercheur en ADN ancien. Alors qu'il suivait des études de médecine, sa rencontre avec Sacha, un archéologue russe, dans la ville sainte de Jérusalem au début des années 2000 va constituer une révélation et le faire changer de voie : s'occuper des morts (archéologie) plutôt que des vivants (médecine).

Le roman démarre en 2011, avec le printemps arabe et la volonté de la jeunesse de faire tomber de leur piédestal les dirigeants autocrates au pouvoir dans la plupart des pays de l'axe méditerranéen.

Alejandro va devoir gérer de front différents problèmes qui vont se percuter : par le biais de Sacha, sauver du pillage du musée du Caire un journal intime datant du VIème siècle et faire parler ce journal, tâché de sang, une correspondance amoureuse entre deux femmes dont l'une n'est autre que la future impératrice byzantine Théodora.
Dans le même temps, il est confronté à des problèmes familiaux : un père et une mère qui ne sont plus sur la même longueur d'ondes et surtout sa jeune soeur qui vient d'apprendre qu'elle est atteinte d'un cancer virulent.
Il va lui falloir faire face à toutes ces problématiques et les gérer au mieux. C'est l'occasion pour lui de faire le point, d'évoquer son enfance, son adolescence, ses vingt ans… sa famille, ses amis, ses amours... Séville, le Maroc, le Caire, Jérusalem, Paris, Montreuil…

Sauver sa soeur et sauver le journal intime, voilà la mission qui attend Alejandro.

L'écriture de Yanis Al-TaÏr est assez exigeante et nécessite un minimum de concentration. Son roman est réussi et se termine par un feu d'artifice où la théorie quantique et la religion catholique sont confrontées dans le cadre d'un séminaire sur le thème du jardin d' Éden. Et là, inutile de vous dire qu'il faut s'accrocher aux branches ! A l'image d'un extrait de la quatrième de couverture que je vous livre en guise de conclusion : « Roman des frontières, frontière du soi, du corps et de notre identité, « Jardins d'exil » dépeint avec justesse et sensibilité l'intrication étroite de l'intime et des civilisations, et nous livre ainsi une réflexion aiguë sur la finitude, notre finitude et celle des sociétés. Pour qu'émerge enfin au bout du chemin un nouveau récit, un nouvel exil »

PS : Merci à Babelio pour l'envoi de ce roman. A toute fin utile, il serait bon qu'il fasse l'objet d'une relecture par un professionnel, pour corriger les quelques coquilles qui s'y trouvent.
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Pour un premier livre, je trouve ce livre vivant, plaisant et j'ai passé un bon moment à le lire.

Vous suivez une brève période -6 mois- de la vie d'Alejandro, le héros du livre. Cela vous conduit aussi à partager les aventures de sa famille, Laura, sa soeur, et ses parents. Puis je pourrais ajouter celles de Sacha, de Jean-Yves, Azadeh, Jérôme, …

Alejandro, jeune chercheur en techniques d'ADN appliquées à l'archéologie, va conjuguer, durant cette période, l'accompagnement de sa soeur, atteinte d'un cancer, les tribulations de Sacha avec un document sauvé du pillage de la grande bibliothèque du Caire -nous sommes pendant les derniers jours du régime de Moubarak, en 2011-, et son amourette avec Azadeh. Avec des flashback réguliers sur d'autres périodes de sa vie, où nous apprenons progressivement à retisser les liens avec son passé et son entourage.

L'ensemble se tient et est cohérent.

Ce livre se lit sur plusieurs niveaux .

D'abor le personnage, né d'une mère Française, d'un père Espagnole et élevé, dans sa jeunesse, au Maroc, avant de venir faire ses études à Madrid, puis à Paris. Ce mélange de culture le rend à la fois, subtile, ouvert aux autres et en même temps instable et manquant d'ancrage. Il est intéressant que tous ses amis aient un peu le même profil. Des profils qui s'attirent. Cela m'a suscité des réflexions sur toute une partie de la jeunesse qui vit à cheval ou deux ou plus de cultures : elle ne s'identifie ni à l'une, ni à l'autre culture et est en perpétuelle recherche de ses racines. C'est une quête de l'identité. Sans connaître l'auteur, le fait qu'il soit né au Maroc et ait vécu à New York et à Paris, je subodore qu'il a transféré ses propres interrogations dans le livre. le choix de Montreuil, ville très métissée, n'est sûrement pas innocent. Je n'aurai pas vu cette histoire se dérouler dans le 7ème arrondissement de Paris.

Ensuite, un deuxième niveau avec la vie familiale, issue du couple franco-espagnole, les deux chemins différents d'Alejandro et de Laura. Là aussi, comment choisissons-nous notre scénario de vie ? le remettons en cause de gré ou de force ?

Le troisième niveau est l'attrait, pour l'auteur, de la physique quantique et toute sa disgression, à la fin, sur la création du monde. J'y associe le titre « Jardins d'exil ». le monde est né d'un besoin de mouvement et celui-ci est permanent. Cette instabilité permanente crée un monde changeant, déstabilisant, qui à court terme, donne envie à tout être humain de retrouver une certaine stabilité, tout en lui donnant envie de changement d'une réalité qui ne le satisfait pas toujours. D'une étape de vie à une autre, d'une génération à l'autre, nous passons par des jardins toujours temporaires. C'est une réflexion riche, intéressante et qui est bien adaptée au contexte de vie du héros.

Le quatrième niveau est celui du parchemin du Caire et de la liaison entre Aemilia et Laura à différents niveaux. Peut-être, pour moi, la partie qui m'a le moins accrochée. Sauf sur un plan : celui des évolutions des techniques d'archéologie. le clin d'oeil de l'histoire, et cela rejoint l'approche des théories quantiques de l'auteur, c'est que, dans le même temps que je lisais le livre, j'ai été à l'exposition « Préhistoria » au Musée de l'Homme. C'est un hasard du calendrier parce que j'y avais réservé une activité pour mon petit-fils, et ce avant même de connaître ce livre et d'être sélectionné pour le lire. Est-ce aussi un hasard que j'attends de savoir si j'ai un cancer, et que j'attends l'annonce comme Laura ? « Il n'y a pas de hasard », dirait l'auteur.


Pour finir, un livre qui marque et interpelle.
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