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EAN : 9782915320626
274 pages
City Editions (01/02/2006)
5/5   1 notes
Résumé :
Cela fait déjà quinze ans que Serge Gainsbourg a quitté la scène, laissant un vide immense dans cette chanson française dont il était l'un des monstres sacrés et qu'il a marquée de son empreinte.
Gainsbourg était un cas unique, un personnage complexe aux multiples facettes. Il y a Gainsbourg et ses chansons éternelles, ses traits de génie, son amour pour la musique, les mots et les femmes, sa tendresse pour sa famille. Et puis il y a Gainsbarre et ses coups d... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Génie des mots et de la mélodie, compositeur, musicien, poète, écrivain, réalisateur, peintre, rien que ça... il fut l'une des personnalités les plus singulières et controversées durant plus de trois décennies. Aujourd'hui encore il a ses détracteurs et ses adorateurs, dont je fais partie. Serge Gainsbourg c'était l'ambivalence. Côté pile : Gainsbourg le perfectionniste à la timidité exacerbée ; côté face : Gainsbarre, alcoolisé, irrévérencieux, souvent grossier dont nous connaissons tous les frasques et les provocations sans que je n'aie besoin de revenir sur le sujet. Que vous l'aimiez ou pas, il a incontestablement marqué notre patrimoine culturel de son immense talent. L'oeuvre dense et les textes sublimes qu'il a laissés après lui en sont la preuve.

Samedi 2 mars 1991, Serge Gainsbourg s'en va. J'ai bientôt 17 ans comme Hubert Allin qui signera cette biographie des années plus tard, en 2006. Mon père est assis sur le canapé du salon, il vient de couper la télé, le regarde vide, il allume une gitane, en aspire fébrilement une bouffée, la recrache, silence... Auréolé des volutes de sa fumée, il pleure.

Lucien Ginsburg naît à Paris en 1928. Issu d'une famille d'exilés russes d'origine juive qui s'installe en France à la fin des années 20, il développe très tôt des aptitudes à jouer du piano. C'est que Joseph son père est pianiste et grand amateur de peinture aussi il insuffle sa passion à Jacqueline l'aînée, et aux jumeaux : Serge et Liliane. Lucien est un enfant solitaire, curieux, il est aussi bon élève. À 13 ans il dessine au fusain, prend des cours à l'Academie de Montmartre, fume sa première gitane (la première d'une longue série) et porte l'étoile jaune. Nous sommes en 1941 et comme grand nombre de familles juives les Ginsburg vont connaître l'angoisse des rafles et de la déportation, évènements qui ne sont pas étrangers au mal-être que ressent peu à peu le jeune homme, il n'a pas 15 ans, qu'il nourrit déjà une aversion pour son visage qu'il trouve extrêmement laid et dont il assimile les signes distinctifs au fait d'être juif. Les années passent, il découvre le sexe en la compagnie des prostituées, il joue la nuit dans des piano-bars, et surtout il découvre les pouvoirs magiques de l'alcool en effectuant son service militaire, l'alcool dont l'ivresse ne le quittera plus car il vient de découvrir là le remède à tous ses maux.
Un mariage plus tard avec Elisabeth (qui se soldera rapidement par un divorce) il officie comme pianiste au cabaret le Milord l'Arsouille, il a rajouté un A et un O à son nom et se fait désormais appeler Gainsbourg. Il débute sur scène à l'hiver 1957, tout le gratin mondain se hâte pour l'y voir et écouter "Le poinçonneur des Lilas". C'est ainsi qu'il est repéré par Jacques Canneti le directeur artistique de chez Philips, il a 30 ans et sort un premier album de 9 titres, il chante "l'alcool, les femmes et l'adultère". En pleine période des "Yéyés" il fait figure d'ovni à côté de Sylvie, Johnny, Eddy, Cloclo and Co. le public boude, on lui reproche ses textes à connotation misogyne, il est blessé dans son amour propre aussi n'hésite-t-il pas à composer pour les autres. "La Javanaise" paraît sur l'album de Juliette Gréco dès 1963 mais c'est une ravissante et naïve jeune femme répondant au nom de France Gall qui va lui apporter la notoriété et la reconnaissance qu'il désire tant avec "Poupée de Cire, poupée de Son" et le très ambigu "Les Sucettes".

Dès lors sa carrière est lancée, son ascension est fulgurante et ne s'arrêtera plus. Il prend sa revanche et s'affiche aux bras des plus belles femmes, il compose pour elles, ses muses, Bardot, Deneuve, Birkin... de chaque passion amoureuse, de chaque rupture naîtra une chanson. Il n'est pas encore Gainsbarre qu'il alimente les médias de ses provocations auxquelles il a déjà pris goût, les prémices sont là...

Difficile de résumer une telle biographie en quelques lignes mais pour vous donner envie de la lire, je vous dirai simplement que c'est l'une des plus complètes que j'ai eu l'occasion de lire. Pas moins d'une vingtaine de photographies magnifiques viennent agrémenter ce récit dans lequel Hubert Allin évoque avec beaucoup de respect la carrière musicale de l'artiste, les femmes qui ont jalonné sa vie, ses enfants aussi, il dissèque de nombreux extraits de chansons pour nous en offrir une analyse sensible. Je retiendrai celle du titre "Melody" sur l'album "Histoire de Melody Nelson" qui a provoqué une vive polémique à sa sortie dans les bacs en 1971 et qui pourtant est l'un de ses albums les plus accomplis puisque les sept titres qui le composent sont tous liés par le personnage de Melody. Melody ou la "Lolita de Nabokov" à qui Jane prête sa voix fluette et juvénile, titre qui aujourd'hui est la référence gainsbourienne par excellence.

Je conclurai ce billet par un extrait de "Requiem pour un con" pour rendre hommage au poète, au dandy, à l'amoureux des rimes, déjà irrévérencieux à l'époque certes mais avec subtilité, qui a réalisé et joué dans de nombreux films. Souvenez-vous : il fait une apparition furtive mais très remarquée dans "Le Pacha" de George Lautner en 1968 (la censure s'attaquera au film jugé trop violent et à la chanson qui sera interdite de diffusion), il y campe son propre rôle face à Jean Gabin :

Écoute les orgues
Elles jouent pour toi
Il est terrible cet air là
J'espère que tu aimes
C'est assez beau non
C'est le requiem pour un con

Je l'ai composé spécialement pour toi
À ta mémoire de scélérat
C'est un joli thème
Tu ne trouves pas
Semblable à toi-même
Pauvre con
...

Magistral !



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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je suis passé du classique à l'impressionnisme, de l'impressionnisme au cubisme, du cubisme au fauvisme, du fauvisme au surréalisme, du surréalisme au dadaïsme, et après j'étais perdu, je n'ai pas trouvé... J'avais une telle maîtrise que je pouvais dessiner une aiguille d'un trait. En écartant et en refermant les deux pointes de la plume à dessin, j'avais le chas de l'aiguille. D'un trait, tac ! C'était une maîtrise que j'avais inventée [...] Mais j'ai douté de moi.

Tout le paradoxe du futur Serge Gainsbourg est résumé dans cette citation. On lui prédisait une grande carrière picturale, il a préféré abandonner. Il affirmait avoir une grande maîtrise, mais se déclarait perdu... À trop vouloir approcher la perfection, sans doute en raison de l'éducation de son père, le jeune homme s'est laissé déborder par son manque de confiance. Ses doutes étaient permanents, même si son orgueil prenait parfois le dessus. Sa carrière de chanteur a également été marquée par ce déchirement intérieur. Au cours des premières années, Serge Gainsbourg souffrait d'un manque de reconnaissance qu'il ne comprenait pas puisqu'il se considérait supérieur aux autres dans la création musicale. Puis il a recherché et fuit en même temps la célébrité, comme s'il ne parvenait pas à trouver sa place. Un dédoublement de la personnalité qui culminera plus tard avec la naissance d'un certain Gainsbarre.
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Lucien avait besoin d'être aimé. Il avait vécu le refus de cette jeune fille comme une énorme gifle psychologique, origine de ses rapports conflictuels avec les femmes et dans l'amour. Lorsqu'il sera célèbre, il aura l'occasion de séduire de nombreuses femmes, mais une question sera toujours présente à son esprit : et si je n'étais pas connu ? De cette angoisse résulte la dualité permanente de son comportement avec les femmes qui allait le mener parfois jusqu'à la violence physique. Entre amour et sexe, son cœur a toujours hésité, même s'il chantera des années plus tard : "L'amour physique est sans issue"...
De sa frustration sexuelle provoquée par la jeune Olga sortira une chanson, "L'Eau à la bouche", apparemment directement inspirée de cette histoire ratée : Écoute ma voix écoute ma prière / Écoute mon cœur qui bat laisse-toi faire / Je t'en prie ne sois pas farouche / Quand me vient l'eau à la bouche [...] / Je te prendrai doucement et sans contrainte / De quoi as-tu peur allons n'aie nulle crainte [...] / Cette nuit près de moi tu viendras t'étendre / Oui je serai calme je saurai t'attendre / Et pour que tu ne t'effarouches / Vois, je ne prends que ta bouche.
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Autre mise en scène pour "No comment" dans laquelle il s'amuse au jeu des questions-réponses pour une nouvelle démonstration provocatrice. Gainsbarre est dans l'embrasure, hanté par le sexe : Si je bande affirmatif pour qui ça no comment / Pour des putes affirmatif et qui d'autre no comment / Brunes blondes affirmatif et rouquine / [...] Obsédé affirmatif sexuel.
Ambiance glauque des boîtes à partouze pour homosexuels dans "I'm the Boy", où les corps se mêlent et s'entremêlent dans un anonymat parfois effrayant : Homme parmi les hommes / Dans le noir ou l'ivoire / Recherchant les symptômes / D'orgasmes illusoires. Dernier couplet en guise d'acte sexuel violent : Putain parmi les putes / J'enfonce dans la fange / Où s'étreignent les brutes / Et se saignent les anges / I'm the boy / That can enjoy / Invisibility / I'm the boy / Le garçon / Qui a le don / D'invisibilité.
J'ai voulu aller au-delà des relations sexuelles entre homme et femme et parler des rapports entre homme et homme, dans tout ce que cela implique de tragique. Idem pour cette phrase de James Joyce (le poète irlandais, auteur notamment d'Ulysse) : "I'm the boy that can enjoy invisibility", le garçon qui a le don d'invisibilité.
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En tout cas, ses blessures mises en musique ne séduisent pas grand monde. Dure réalité. Lors de la sortie de l'album, Serge est invité au côté de Juliette Gréco à participer à une émission de radio sur la RTF.
Les deux artistes ont alors une discussion qui ne laisse aucun doute sur l'état d'esprit du chanteur :
- Juliette Gréco : Êtes-vous agressif ?
- Serge Gainsbourg : Oui, un peu.
- Pourquoi ?
- C'est pour moi une couverture.
- Quelle est la chose au monde que vous détestez le plus ?
- L'imbécillité.
- Quelle est la chose qui vous fasse le plus plaisir ?
- La peinture.
- C'est votre vrai amour ?
- Oui, le seul.
- Qui êtes-vous à vos yeux ?
- Pour l'instant pas grand-chose, je suis une espérance.
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