Pour commencer, je tiens à remercier Émilie, stagiaire aux Éditions du Chemin : c'est grâce à elle que j'ai découvert
Benoît Anciaux et « Luminis Electi – Tome 1 : La Grande Chasse ».
Benoît Anciaux s'était fait connaître dans les années 2000 en créant la revue « Ado-Livres ». Avec « La Grande Chasse », édité en juillet 2013, il se lance dans « un haletant thriller de science-fiction en sept volumes » (sic).
Magie du titre : les Élus de la Lumière. Terraque, Aude, Blanche, Irina, Blanka, Alba, Anna et bien d'autres encore ont toutes un point commun : elles ont été repérées par le Grand Maître de la secte des « Luminis Electi ». Certaines de ces 212 jeunes filles, nées le 21/12 des années 1990, 1991 ou 1992, seront des élues : à quoi les reconnaitrons-nous et quel sera leur destin ? Mystère ! La secte enlève ces jeunes filles : certaines tomberont dans un piège habilement tendu par un amoureux de circonstance, sélectionné par la secte ; d'autres seront kidnappées par les Chasseresses de la secte. Une fois enlevées, leur conditionnement va commencer : suite au prochain tome !
Le livre a des bons côtés. Au fil des 21 chapitres et des 209 pages, vous avez un aperçu du monde des sectes ; vous « découvrez » les phases de chasse, de rabattage, d'endoctrinement, de régulation des nouvelles recrues et d'élimination des récalcitrants, les rôles et responsabilités de chacun. de l'action, un peu de suspense et un trait d'humour (page 181).
Mais les mauvais côtés l'emportent. D'abord, il faut une sacrée mémoire pour s'y retrouver au milieu des noms de toutes ces jeunes femmes et de leurs rabatteurs. Et puis, quel but poursuit le Grand Maître ? Aucun indice ne vous sera fourni. En quatrième de couverture, on évoque des équipes surentraînées : n'exagérons rien. Les kidnappeurs courent vite puis ils se jettent sur leurs proies, les assomment ou les droguent, et le tour est joué : il ne s'agit pas de Yamakasi. Et puis, ce « Grand Val », vous y croyez ? un territoire entouré de barbelés, ceint de miradors, propriété de la secte « Luminis Electi », où la police ne se risque pas. Et puis, c'est à fleuret moucheté que l'auteur dénonce le monde des sectes. Et pourquoi avoir naïvement travesti les noms de Silvio Berlusconi (en Silvio Arlequino), de Vladimir Poutine (en Vladimir Soutine), du mouvement des Femen (en mouvement des Women) et du
Guide Michelin (en Guide Gachelin) ? Et pourquoi tant de maladresses ? Alba vit dans un squat, soit, mais, en fait de squat, il s'agit d'un appartement de type HLM de luxe : pas crédible. Une des jeunes femmes se trouve face à face (page 173) avec un mastodonte de 100 kg, les joues dodues, un triple menton, un peu gros mais très musclé (sic) : pas crédible. le Grand Intendant a tantôt une voix fluette (début du livre) et tantôt (page 168) une voix qui tonne (sic) : pas crédible. Une des filles (page 208) entend un soir du bruit à 200 mètres derrière elle (sic) : pas crédible. Et pourquoi un des rabatteurs (page 150) irait nuitamment déposer le corps quelque part dans la campagne pour qu'il ne passe pas longtemps inaperçu ? Pas logique. Et puis le livre a un petit côté « Da Vinci Code » avec son Ordre des Filles des Templiers et ses Congrégations des Filles du Feu ou des Filles de l'Air, des filles chargées de protéger le Bien et de détruire le Mal, réalisant les 4 prophéties de l'Apocalypse (sic), mais l'imitation est bien pâlotte. Vous avez entre les mains un livre pour ados : ce qui compte, entre autres, c'est le rythme (des chapitres courts et enlevés), la modernité (SMS, PC, Blog, Facebook, Tchat), la mode (fringues, maquillage), la drague et les amourettes. D'accord, mais pourquoi en faire un monde binaire où se succèdent des bons et des méchants, des beaux et des laids, des jeunes et des vieux ? Et puis, fallait-il nous offrir de la psychologie de bas étage et une fixation d'ordre sexuel avec la barbe douce des mecs (
Benoît Anciaux ne cache pas son homosexualité), les cheveux, les jambes fines, les nez retroussés, les taches de rousseur, les fesses, les culottes, les soutien-gorge et les nuisettes des filles ? Stop, on a l'impression de feuilleter un catalogue de lingerie. Et puis, en fait de thriller, l'assassin est rapidement identifié puisque c'est forcément un membre de la secte. Quant à la SF, on la cherche désespérément. Ajoutez quelques fautes de style (adjectif positionné après le nom commun), un tiret coupant malencontreusement un mot (page 138), une faute de mise en page (page 144) et 4 chapitres se finissant exactement de la même façon (ah, c'est voulu ?). Cerise sur le gâteau : du pur gore (en page 150), pas racontable.
Au final, un livre écrit un peu rapidement, mal relu, peu intéressant et à des années-lumière des textes de
Rimbaud, l'idole de
Benoît Anciaux. Mais ce qui compte, c'est le geste, pas le cadeau. Alors, encore une fois, merci Émilie …