In the clothes named fat, titre pour une fois assez judicieusement maintenu en anglais dans la version française, est le récit de Noko, une jeune femme japonaise boulimique. Bien qu'amie avec trois collègues de bureau, elle est au départ victime d'une discrimination insidieuse, tant par le patron, qui lui parle mal, que de ses fameuses amies, qui sous des airs de copines innocentes se demandent pourquoi quand elle sort avec elles, elles ne se font jamais draguer. Elle a bien un copain,
Saito, dans une relation de couple apparemment harmonieuse...Mais un jour
Saito coince pendant l'amour, et reproche à Noko de parler tout le temps de bouffe, ce qui pour le coup semble lui couper l'appétit sexuel...Mais bientôt, le lecteur découvre s'aperçoit qu'il entretien une liaison avec Mayumi, la plus belle des copines de Noko. Assez vite, les choses sont entendues, Mayumi s'en vante, Noko le sait, et la haine s'installe entre les deux. Noko par dépit rencontre un homme, un vieux qui adore les grosses femmes. Il lui verse près d'un million de yens mais pour renoncer à mincir, ce qu'elle veut néanmoins faire absolument. Entre la fréquentation d'un institut, mais surtout la pratique de se faire systématiquement vomir avant de s'empiffrer, elle va peu à peu maigrir, maigrir...Sombrant dans l'anorexie, non sans quelques démêlés au bureau avec Mayumi, la protégée des collègues et de la hiérarchie, qui ne se gêne pas pour lui faire des coups bas. Noko est mise au placard, en l'occurrence au sous-sol de la société qui héberge déjà quelques autres bannis.
Mais cette nouvelle silhouette va contre toute attente poser bien des problèmes à Noko...Non seulement elle ne se sent pas heureuse, mais sa relation qui avait été fragilisée avec
Saito s'arrête complètement, car contre toute attente, il la préférait grosse.
J'ai apprécié cette lecture, qui traite des difficultés de la différence, du harcèlement qui s'ensuit souvent, peut-être plus encore au Japon, cette société bien plus homogène que la nôtre où chacun a plutôt intérêt à être dans la norme sociale. Les jalousies entre copines sont parfaitement illustrées, les comportements discriminants d'une hiérarchie machiste sont mis en exergue. Enfin, j'ai apprécié le traitement subtil de l'attitude de
Saito, qui semble réellement balancer entre Noko et Mayumi. Il est attiré par les formes de Noko, mais il succombe à Mayumi justement influencé par la question des normes sociales, du regard des autres...Il n'est pourtant pas si bien avec Mayumi, qui le soumet pour humilier Noko, mais il a honte de Noko qu'il n'ose pas présenter à ses collègues de travail masculins. Un portrait psychologique assez étudié et réussi, donc.
Ce manga publié il y a déjà une vingtaine d'années peut apparaître très direct, il nomme les choses. Personnellement, j'apprécie. Malheureusement, il n'est pas sûr qu'un tel manga qui serait publié aujourd'hui en France pourrait être épargné par une censure partielle sous forme de réécriture. Au train où vont les choses, traiter quelqu'un de gros, qui plus est s'il s'agit d'une femme, va bientôt vous envoyer directement en prison...