On part venger sa honte et on revient deux fois plus honteux !
En vérité, mon cher Tybert, dit-il, le monde est bien méchant: on n'y connaît plus la charité; on ne songe qu'à tromper les autres comme si la mauvaise foi n'était pas toujours punie.
Qui tout désir, tout perd.
Ainsi disent-ils : "Mieux vaut prévenir que guérir." Et moi, Renard : "J'aime mieux rendre les coups avant de les avoir reçus."
Le seigneur Isengrin se met debout
et empoigne Renart par le collet.
Il lui assène un tel coup de poing
que l'autre en lâche un pet.
La pêche aux anguilles : comment Ysengrin fut pris dans la glace
Ça se passe un peu avant noël
quand on met les jambons dans le sel.
Le ciel est clair et étoilé,
et l'étang est si gelé,
là où Ysengrin doit pêcher,
qu'on peut danser dessus,
mis à part un trou qui est là
que les paysans ont fait.
Un seau y a été abandonné.
Renart arrive tout joyeux,
et il appelle son compère :
« Seigneur, fait-il, venez par ici.
Il y a là quantité de poissons,
et aussi l'ustensile avec lequel on pêche
les anguilles, les barbeaux,
et autres bons et beaux poissons. »
Ysengrin dit : « Seigneur Renart,
prenez le donc par un côté
puis attachez-le moi bien à la queue. »
Renart le prend puis le lui noue
autour de la queue du mieux qu'il peut.
« Frère, fait-il, il faut maintenant vous
comporter très adroitement
pour que les poissons arrivent. »
Il s'enfonce alors dans un buisson,
puis met son museau entre ses pattes
de manière à voir ce que fait le loup.
Ysengrin, lui, est sur la glace,
le seau dans le trou d'eau
rempli de glaçons; ça commence bien !
Sa queue est dans l'eau gelée
et scellée dans la glace.
Celui-ci cherche à soulever
le seau qu'il croit pouvoir tirer vers le haut.
Il s'y essaye de plusieurs façons,
mais ne sait comment faire, alors il s'inquiète.
Il se met à appeler Renart,
qui ne veut plus rester là,
car déjà l'aube a percé.
Renart lève la tête
puis ouvre les yeux et le regarde :
« Seigneur, fait-il, abandonnez donc votre tâche,
allons-nous en, très cher ami,
nous avons pris assez de poissons. »
Alors Ysengrin lui crie :
« Renart, fait-il, il y en a trop !
J'en ai tant pris que je ne saurais dire combien. »
Et Renart se met à rire,
puis lui dit carrément :
« Celui qui convoite tout, perd tout. »
La nuit passe, l'aube perce,
au matin le soleil se lève,
les chemins sont blancs de neige.
Alors monseigneur Constant des Granges,
un vavasseur bien aisé
qui demeure au bord de l'étang,
se lève avec sa maisonnée,
qui est toute gaie et joyeuse.
Il prend un cor et appelle ses chiens,
puis ordonne de mettre sa selle,
tandis que sa maisonnée pousse des cris.
Renart l'entend, alors il prend la fuite
jusqu'à sa tanière et s'y engouffre.
Ysengrin, lui, reste dans l'embarras,
et il fait de grands efforts, et il tire,
peu s'en faut que sa peau ne s'arrache.
Mais s'il veut partir d'ici
il lui faudra se séparer de sa queue !
Boire le vin frais, ça ne chagrine pas le bon Dieu. S'il ne voulait pas qu'on en boive, il l'eût fait ch'ti, aigre ou amer.
Le Livre de la Sagesse dit la vérité :
à tout convoiter, on se retrouve les mains vides.
Je me permets de te le dire franchement :
tel qui pense tout avoir pour lui tout seul
se retrouve sans rien.
C'est une honte de perdre son bien et ses richesses
par excès de convoitise.
Si aujourd'hui Renart n'est pas dans de mauvais draps,
c'est qu'il aura été un habile orateur ;
s'il s'en sort indemne,
c'est qu'il sait faire une omelette sans casser les oeufs.
J’ai réalisé tous les dessins et ensuite j’ai écrit le texte. C’est moi qui est composé entièrement ce texte en vieux français de cuisine. Finalement, j’ai l’impression d’avoir rédigé le commentaire de mes dessins.