Je suis restée à cette place jusqu'à ce que le sang coule d'entre mes jambes. Quand j'ai grandi, je suis devenue celle que l'on cache. Le père et le frère ont commencé à me regarder comme si je leur cramais le visage. Mon corps a changé. Tout poussait trop vite pour eux et quand la petite fille s'est sauvée, il était déjà trop tard.
Les valises, c'est toujours des souvenirs de vie.
Putain je t'aime ! Il a suffit qu'un jour comme d'habitude je fume mon joint en regardant chez la vieille du quatrième à essayer de mater ses seins quand elle lave le sol. Là, j'ai vu ton visage de Madone, entre toutes les fenêtres, le linge pourri qui sèche, les balcons pleins comme des décharges & des odeurs de gravillon. Un visage de princesse au milieu des ordures. De gros yeux noirs qui mataient dans ma direction. J'étais encore le torse à poil car je venais de me branler devant YouPorn en essayant tout ce que j'avais laissé derrière moi, les potes, ma vie, mon quartier, ma rue d'avant [...] Comment je t'aime ! ...
La dame d’ouvrir dedans m’a dit que les souvenirs traversent la peau des familles. Ce qu’il y a au plus profond reste en nous, à travers les enfants, les petits-enfants et les petits-enfants des enfants.
Certains souvenirs vous consument si vous les laissez enter.
Baba, il est comme tous les pères de mes copains. Ils ne parlent pas , travaillent comme des esclaves, des boulots de merde qui salissent et éclatent votre corps en morceaux. Ils n'embrassent pas, mangent et dorment tout seuls, font l'amour à maman, juste pour enfanter, et des garçons de préférence. les filles, c'est que des problèmes. Ils sont comme des ombres à vivre à côté de vous sans vous voir. Les seules paroles dont on pourraient se souvenir quand on sera plus âgé, ils les prononcent avec leurs poings. Ils vous évitent mais ils tapent fort, très fort, pour dire qu'ils sont là. Si tu dois trouver un sens à ton existence, ce sera dans les coups de ton père.
une fille, ça s'échappe pas. c'est un oiseau dans une cage fermée à double tour. A moi, des ailes me poussent. je me suis souvent blessée en essayant de les couper.
Je cours, je cours, je ne m'arrête plus. Les larmes m'inondent le visage. Le jour se lève à peine et le paysage défile. Du bleu, du vert, du gris, j'en ai plein la tête. J'aperçois enfin l'horizon. Mes pieds touchent l'eau saumâtre de la baie de Somme. Je n'avais pas revu la mer depuis l'enfance. Je cours comme un fou vers le large. Je ne me souviens plus si je sais nager. L'infini m'appelle. Je ne sais que ça. Je plonge la tête la première dans le froid de la Manche en hurlant cette phrase que ma mère me chuchotait tendrement à l'oreille, ces fois où mon père n'en était plus un : "C'est pas grave, fils, quand tu grandiras, tu auras oublié."
J’ai découvert un monde à part. La république des sans-sommeil, ceux qui ne veulent pas sentir la lumière parce qu’ils ont peur de se voir eux-mêmes. J’en ai rencontré des gens, je pourrais pas tout vous dire, mais il s’en passe des choses la nuit à Barbès. Je crois qu’il y a rien de plus beau qu’une ville qui dort. Je cours, je cours, je cours et quand mon coeur est au bord de mes lèvres, je monte sur le toit de mon immeuble pour sentir l’aube qui s’empare de la nuit. Juste les premières minutes. Là, Paris, où j’étouffe, se laisse enfin voir. Loin des abysses du vice et de la morsure du jour qui brûle.
Je ne suis pas un Emmaüs de l'amitié