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Dernier roman de Aharon Appelfeld, « La stupeur » paraît en 2017. Ecrit sous la forme d'un conte, l'auteur reprend différentes thématiques récurrentes dans son oeuvre comme l'antisémitisme ou les maltraitances faites aux femmes. Il y dénonce l'archaïsme de la société dans l'application qu'elle fait de ses idées préconçues, de sa morale patriarcale et de son ignorance.
Cette forme de récit composée d'éléments imaginaires et généralement destinée à un public d'enfants, aboutit inéluctablement à une conclusion dont on doit tirer la leçon dans la vie réelle, « la morale de cette histoire ». Par-là, il s'adresse bien à un public large, des plus incultes aux plus érudits, des cerveaux les plus simples aux autres.
Irena est mariée à Anton, un gaillard bourru qui la bat quand il a trop bu, qui l'abuse matin et soir et renverse sa soupe dans l'évier quand elle est froide. Il n'a que faire des violents maux de tête d'Irena ni de sa stérilité. Quand cette dernière voit ses voisins juifs, la famille Katz, alignés devant leur magasin, tenus en joue par le gendarme du village qui finit par les abattre durant une nuit, elle se résout à fuir...
L'histoire est simple mais elle véhicule un échantillonnage parmi les grands maux qui avilissent l'humanité.
Les violences faites aux femmes et leur place dans la société patriarcale. Il écrit : « - un mari reste un mari, même s'il vous bat. Une femme a besoin d'un homme. »
L'antisémitisme, l'exterminations des juifs, cette haine aveugle et infondée des juifs. Il écrit : « ...Tu sais en quoi les juifs sont différents de nous ? Ce qu'ils ont, qui nous manque ? - Quoi donc ? - Ils ont la force d'ignorer la mort. » Mais aussi comme une justification : « - parce que ce sont les ordres. » et « - Je ne suis qu'un gendarme. Les allemands sont des gens cultivés depuis toujours. Ils ne peuvent pas faire quoi que ce soit de contraire à la raison. »
Le personnage d'Iréna n'est pas sans rappeler le mythe du juif errant, personnage de légende immortel car il a perdu la mort et qui erre de part le monde en apparaissant de temps en temps à ses contemporains. Pour Iréna se sera l'occasion de colporter sa certitude que Jésus était juif.
Cet ouvrage est le chant du cygne de l'auteur. Il situe son conte dans la région de Czernowitz en Ukraine, là où il est né, comme un retour au point de départ. La boucle est bouclée.
Traduction de Valérie Zenatti.
Editions De l'Olivier, Points, 271 pages.
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Iréna, 27 ans, est une jeune paysanne ukrainienne qui vit dans un petit village, dans la maison de son enfance. Elle est mariée à Anton, qui la maltraite et la viole chaque jour. La jeune femme souffre de violents maux de tête et rêve de partir retrouver sa tante Yanka, qui vit recluse dans la forêt. Un matin, Irena découvre que ses voisins, une famille juive qu'elle connaît depuis toujours, ont été arrêtés et sont alignés devant leur maison. Ilitch, un vieux gendarme, les surveille. Il respecte « les ordres ». Lesquels viennent des Allemands, « des êtres responsables et cultivés ». Durant deux jours, le père, la mère et deux filles, vont être humiliés et pillés avant d'être assassinés juste devant chez eux. Irena, stupéfaite de ce qu'il vient de se produire, s'enfuit. Assaillie par des visions de ses anciens voisins qu'elle n'a pas réussi à secourir, elle part sur les chemins pour proclamer que Jésus était Juif et qu'il faut cesser de faire du mal à ses descendants.

Cet ouvrage de l'écrivain israêlien Aharon Appelfeld,  dernier roman publié de son vivant , n'a jamais aussi bien porté son nom « La stupeur ».
La stupeur, c'est cet état dans lequel Iréna se retrouve plongée à la suite du meurtre de ses voisins juifs, les Katz, et qui transforme ce récit en un conte mystique. Les premières pages qui décrivent longuement comment la famille juive est humiliée et dépouillée plongent déjà le lecteur dans une étrangeté particulière, causée principalement par le fait qu'Irena n'arrive pas à saisir ce qui est train de se jouer, à savoir un prélude à la grande catastrophe : la Shoah.
Au court du récit, les visions et souvenirs d'Irena font connaître la jeune femme : portrait de ses parents, violence de son mari, relations qu'elle entretenait avec les Katz, et avec Adéla en particulier, la fille aînée. Des rapports teintés de méfiance et d'envie car Adéla avait son âge et était instruite. C'est en soi un antisémitisme banal que l'auteur nous décrit au coeur de ce village qui ressemble à tant d'autres mais la violence faite aux Juifs atteint son paroxysme , au point qu'Irena ne le supporte plus.
Le meurtre de la famille Katz est donc un choc pour la jeune femme qui, hébétée, hagarde, va traverser les villages, allant de tavernes en auberges, pour proclamer sa vérité naïve qui va à l'encontre de ce que les curés de son enfance ont toujours prêché : Jésus était Juif. Dans les « Zones nettoyées de ses Juifs », Irena est accueillie par les quolibets, les menaces et les coups des hommes tandis que les femmes la protègent et font des tavernes des lieux de refuge, de partage et de parole.

L'errance qui constitue l'essentiel du roman est avant tout la quête d'une réparation et d'une rédemption. Dans ce récit aux accents très mystiques, Aharon Appelfeld nous décrit, à côté des violences faites aux Juifs, celles faites aux femmes. Et c'est dans cette violence que les uns et les autres se retrouvent unis. Qu'il s'agisse de la paysanne, de la prostituée ou de la femme distinguée, il n'y a pas de hiérarchie, pas de différence entre chacune d'elles. Victimes elles aussi du pouvoir de ceux qui décident, elles incarnent le dernier soutien fait aux Juifs (cacher un enfant, vivre dans le souvenir chéri d'un fiancé juif, avoir un amant juif) et se dressent contre la violence des hommes. Et toutes à leur manière tentent de sauvent ce qui reste d'humanité.

Un roman très troublant et déroutant qui laisse en soi l'idée, qu'au coeur des ténèbres, il existera toujours une lueur d'espoir, ici portée par les femmes ukrainiennes.
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La stupeur est l'ultime roman d'Aharon Appelfeld, publié en 2017, il meurt quelques mois plus tard en 2018.
La stupeur, c'est un Cri, une déchirure dans L Histoire, un appel au secours, une culpabilité dévorante mais aussi l'attente de l'espoir incarné par Iréna, une jeune femme catholique ukrainienne.
Iréna nous renvoie me semble -t-il sans équivoque à Saint -Irénée dont la mission était de transmettre la règle de foi qu'il avait reçue : un seul Dieu, notre origine, un seul sauveur, le Christ, un seul salut, notre espérance pour tous.
Iréna est une femme qui porte en elle l'universalité de beaucoup de femmes, mariée à un homme qui l'a brutalise , la viole, en en faisant sa " chose sexuelle", c'était la vie de beaucoup de femmes alors.
Iréna vit comme tant d'autres dans un petit village ukrainien à côté de juifs qui sont principalement des épiciers, Par simple méconnaissance de l'autre, les villageois les haïssent, surtout les hommes.
Le point culminant se fait jour , lors de l'occupation allemande, on leur fait creuser une fosse puis on les assassinent sans autre forme de procès.
Iréna y assiste, impuissante, dans une peur constante qui la paralyse.
Puis, c'est le déclic, elle décide de partir, pour fuir son mari et les fantômes des Juifs assassinés dont elle se reproche de ne pas les avoir secourus.
Elle fuit au départ sans but, puis son errance prend des allures mystiques, elle devient une espèce " de prophète" sous l'apparence de Saint Jean-Baptiste , elle va d'auberge en auberge expliquer que Dieu était juif et que l'on a commis un grand Mal en laissant assassiner les Juifs.
Une grande et belle sororité se dégage de ce roman, les femmes la comprennent, l'écoutent, la secourent tandis que les hommes l' insultent, la maltraitent.
Ce roman a aussi une allure de fin du monde, le typhus envahit les villages et tue chaque jour.
Es-t-on arrivé au jour du Jugement dernier ?

Un dernier roman qui reste un espoir, une lueur dans un monde brutal et violent.
C'est peut-être le message humaniste d'Aharon Appelfeld.?
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Je n'ai pas réussi à rentrer dans ce roman, impossible d'entrer en empathie avec les personnages. La manière d'écrire apporte un sentiment d'irréalité, on a l'impression que l'héroïne trimballe une telle indécision qu'elle nous transmet. L'idée de montrer la lourde exploitation d'une femme (et de juifs) dans la Pologne est intéressant, mais l'intensité n'y est pas, comme si l'auteur n'y croyait pas.
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Il s'agit d'une rédemption, non pour soi comme chez Dostoïevski, mais d'une rédemption pour les autres. L'histoire se déroule dans la Pologne occupée par les nazis, peuplée aussi d'Ukrainiens (frontières mouvantes et tragiques), tous unis dans un antisémitisme séculaire et traditionnel, une sorte de “normalité” locale que l'auteur a vécu, de près, de trop près. Suite à l'assassinat d'une famille juive voisine, l'héroïne, comme frappée par une révélation, confirmation plutôt, se fait “apôtre” de la nature juive de Jésus, nature combattue par l'église et les catholiques, contre toute évidence. Ses soutiens seront des prostituées et de nombreuses femmes maltraitées, niées, collègues de misère… Ceci se termine mal… Et Dieu dans tout ça ?
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Avis mitigé
Le fond, le contexte, les faits vecus par ces villageois, les juifs qui sont assassinés et les voisins non juifs qui culpabilisent ou se mettent du coté de l oppresseur sont affreux, atroces, impossible a imaginer.
L heroine en est l exemple : elle a refusé, repoussé, s est battue pour sauver ses voisins, les a aidé, nourri, encouragé....mais ne les a pas sauvés.
Et elle part en "croisade" pour que cela ne survienne plus jamais, habitee, aidee ou frappee, saoule....
C est affreux, horrible.
Et le livre a cet interet de nous raconter ces histoires qui ont existees.
L ecriture est un peu lente a mon gout.
J essaierai d autres romans de cet auteur.
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Livre beau et puissant par sa forme de conte.
Envoûtement du lecteur par une structure répétitive et presque invariable. Les juifs refusent de mourrir et reviennent hanter les habitants, les femmes sont violées, humiliées elles sont autour d'Irina comme les compagnons avec Jésus.
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En regardant le titre de ce livre, je me suis fait la réflexion que stupeur est un mot rare, que j'emploie très peu.
Ce mot ne va pas me quitter pas pendant ma lecture. J'éprouve ce sentiment d'incrédulité sidérée, cauchemardesque, à chaque page.

Il y a la stupeur d'Irina, que je partage, quand elle découvre un matin, par sa fenêtre, ses voisins juifs, les Katz, un couple et leurs deux filles, alignés à genoux devant leur maison, l'épicerie du village.

Il y a la mienne, quand Irina, après s'être un peu offusquée de cette situation auprès du gendarme qui garde la famille agenouillée, rentre chez elle, prépare le repas de son mari, réfléchit à son envie de le quitter, retourne interroger l'une des jeunes filles agenouillées, infirmière, sur les migraines dont elle, Irina, souffre, repart chez elle et enchaîne les heures et la nuit suivante, comme d'habitude, alors que ses voisins sont toujours dans la même situation : alignés, agenouillés ou assis, devant leur maison, avec interdiction de bouger. Irina, apitoyée mais à peine concernée.

La mienne encore, quand les gens du village, dans les heures qui suivent, pillent le magasin et la maison des Katz, en toute impunité, sans se cacher d'eux toujours douloureusement immobilisés devant leur porte, en affirmant haut et fort qu'ils ont assez enrichi le commerce de cette famille pour avoir maintenant le droit de prendre…

La mienne toujours, en lisant les échanges d'Irina avec des voisins ou des gens de rencontre, d'un antisémitisme primaire et tranquillement revendiqué.
« Les Juifs nous prennent tout. Ce n'est pas sans raison que Dieu les hait, siffla la femme avec une moue.
- Chez nous, on les a tués, dit Iréna, effrayée par sa propre voix.
- En apparence.
- Ils ont réellement été assassinés.
- Vous les chassez de là et ils ressurgissent derrière la haie. On ne peut pas éliminer de telles créatures. Ma maison est pleine de papier collant accroché aux murs. Est-ce que les mouches ont été exterminées pour autant ? » conclut la femme volubile… »

Et enfin la stupeur que j'imagine de l'auteur, se voyant rapporter ces scènes tellement hallucinantes de cruauté que je ne peux croire qu'il les ait inventées pour le besoin du livre. Sa stupeur d'avoir à décrire, narrer cette bassesse humaine, quotidienne, ancrée, et presque anecdotique si les conséquences n'en étaient terrifiantes. Stupeur, étape qui précède celle de la honte, dont parle Primo Levi qui n'a jamais pu s'en défaire : celle d'appartenir au même genre humain que les bourreaux.

Les scènes de violences contre ses voisins, ont un effet décalé sur Irina. Leurs souvenirs vont la hanter, et, les violences de son mari lui étant devenues insupportables depuis longtemps, elle quitte son village. Commence alors une errance étrange, scandée par des rêves, des hallucinations, qui l'amènent à des manifestations publiques de mysticisme : « Jésus était juif. Son père et sa mère étaient juifs. Maintenant que nos Juifs ont été assassinés, le corps de Jésus souffre plus encore »
Déclarations diversement accueillies… Les hommes la traitent de sorcière. Seules des femmes, de plus en plus nombreuses, s'y montrent sensibles.

Ce qu'Aharon Appelfeld a voulu écrire dans ces cent dernières pages, celles du cheminement sans but précis d'Irina, mais plein de ses convictions religieuses obsédantes, comment le savoir ? Peut-être l'espoir que ce qui a été perpétré taraude les mémoires et les consciences. Peut-être aussi celui que les hommes, juifs et chrétiens, sachent voir et entendre que leurs croyances ont la même origine, et que rien ne les distingue aux yeux d'un éventuel être suprême : « (Jésus) ne s'est pas converti. Ce sont les autres qui se sont convertis. Lui était juif et l'est demeuré ».

Si ce livre doit rester un grand livre pour moi, ce sera pour sa première partie. Je ne pourrai rencontrer de nouveau le mot « stupeur », sans penser à Aharon Appelfeld.
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LA STUPEUR d'AHARON APPELFELD
Irena a perdu ses parents et vit depuis 8ans avec Anton son mari qui l'a violente tous les soirs malgré ses plaintes. Les récoltes sont mauvaises, deux vaches sont mortes, Irena pense partir se réfugier chez sa tante Yanka. Un matin elle découvre la famille Katz, des commerçants juifs, à genoux sur la place du village sous la surveillance d'un gendarme par ordre des allemands. Les paysans en profitent pour piller leur magasin. Irena leur donne de la soupe tout en se disant que leur sort est juste, en effet, petite, ils lui avaient refusé du chocolat. Anton continue de la maltraiter, personne ne vient secourir les juifs sur la place et le gendarme leur demande de creuser une fosse, ordre des allemands. Irena fuit rejoindre Yanka. Elle a des visions, les juifs morts et son mari à sa poursuite.
Une représentation de St Jean Baptiste va lui être une révélation et elle va partir prêcher dans la campagne.
Un livre qui bien que baignant dans les contrées habituelles d'Appelfed, est beaucoup plus étrange avec une connotation mystique appuyée. Une belle lecture.
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J'étais vraiment disponible pour recevoir les mots de cet auteur juif si intéressant et si bien traduit. le charme a vite été rompu, environ au tiers du livre.
L'Ukraine occupée par les nazis, l'antisémitisme "ordinaire" des voisins du village, tout cela est bien décrit. Tout comme la condition de la femme au service total de son homme.
Le génocide dans une certaine indifférence est bien vu, d'une certaine façon horriblement explicable par la pauvreté ambiante.
Mais quand le personnage principal, chrétien, Irena, se transforme en prophétesse qui répète ad nauseam que Jésus était juif et patati et patata, quel pensum ! J'ai pensé à Me too , à l'"Alchimiste" de Coelho (qui ne m'a pas trop plu) mais ... j'ai lu jusqu'au bout. En vain !
Selon moi, ce dernier livre n'était point nécessaire. Je n'ai pas apprécié cet amalgame antisémitisme- féminisme et cette leeeenteur répétitive-répétitive et répétitive...
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