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Dans Opération Shylock, Philip Roth demande à Aharon Appelfeld s'il a jamais songé à écrire un récit de survivant, comme Primo Levi. Voici sa réponse : « J'ai essayé à plusieurs reprises d'écrire l'histoire de ma vie dans les bois après mon évasion. Mais tous mes efforts ont été vains. (...) La réalité peut se permettre d'être incroyable, inexplicable, exagérée. Mais l'oeuvre de fiction ne peut, à mon grand regret, se permettre le même genre de choses. (…) On a droit à l'exceptionnel uniquement s'il fait partie d'une structure globale et contribue à faire comprendre cette structure. »
Et en effet, l'histoire d'Aharon Appelfeld est incroyable au sens littéral du terme. À huit ans, il perd sa mère, assassinée par les Nazis. À neuf ans, il fuit le camp de concentration dans lequel il est enfermé avec son père. Jusqu'à l'âge de 13 ans, il survit seul dans la forêt.
Cette « histoire de sa vie », il l'a abordée de multiples fois dans ses romans en rapportant, non pas fidèlement les faits tels qu'il les a vécus, mais en les livrant « au laboratoire de la création ».
Dans La stupeur, dernier roman publié en Israël de son vivant, Aharon Appelfeld délaisse le personnage d'enfant juif, son double, parcourant toute son oeuvre, pour Iréna, une jeune femme chrétienne mariée à une brute, confrontée à l'exécution de ses voisins juifs. Nous voici transportés dans une contrée et un passé qui hantèrent toute sa vie Aharon Appelfeld, celui des années trente et d'un monde rural aujourd'hui disparu où la haine et la violence des hommes à l'égard des Juifs trouvent un troublant prolongement dans la violence qui s'exerce quotidiennement contre les femmes.
La peur poisseuse, pétrifiante, irrigue les pages du livre de bout en bout.
C'est celle d'Iréna, abrutie par les viols quotidiens qu'elle subit de la part de son mari et par les effroyables maux de tête qui ne la quittent guère, reportant jour après jour sa décision de s'enfuir :
« La peur nous tranforme en insectes. Elle avait énoncé plus d'une fois cette mise en garde pour elle-même, mais cela ne l'avait pas poussée à agir, et encore moins à prendre des risques. »
C'est aussi celle de ses voisins juifs qui, depuis des générations, courbent l'échine en espérant que la soumission les préservera du pire :
« Ensuite Ilitch leur a dit de creuser une fosse et ils ont creusé. En silence, sans une plainte. le père semblait croire que s'ils accomplissaient leur tâche correctement, ils seraient sauvés. Je ne comprends pas cette pensée naïve. On dit que les Juifs sont intelligents. Où est leur intelligence? Ils ont vu la même chose que nous. Pourquoi ne se sont-ils pas enfuis? »
Mais la peur parfois reflue suffisamment pour permettre à celle qui en est la proie de trouver en elle les ressources pour agir. Ainsi, Iréna après l'assassinat de ses voisins juifs, prend-elle enfin la fuite, laissant derrière elle son mari, sa maison, et son village. Elle rend visite à sa tante Yanka qui vit seule dans la forêt. Avec pour seuls compagnons son chien et le souvenir de l'être aimé, Yanka est si habituée à sa solitude que toute compagnie humaine lui est un fardeau. Iréna ne s'attarde donc pas, et part sans but précis à travers la campagne, s'arrêtant pour boire et manger dans des auberges où elle se heurte aux insultes et à l'hostilité des hommes, mais aussi à la solidarité et à l'affection des femmes. Elle apprend que tous les Juifs ont subi le même sort que ses voisins et que certaines femmes, comme elles écrasées sous le poids de la culpabilité, reçoivent la visite des fantômes des Juifs assassinés.
D'autres fois encore, la peur s'évanouit et Iréna se met à déclamer d'une voix qui ne lui appartient plus : « Jésus était juif. Son père et sa mère étaient juifs. Quiconque s'en prend aux Juifs s'en prend au corps de Jésus. » L'incompréhension et la fureur que ses paroles déclenchent ne l'empêchent pas de continuer à livrer sans relâche son message messianique à ses concitoyens.
C'est un roman que j'ai achevé il y a plusieurs jours déjà et sa lecture, je ne le cache pas, ne m'a pas été facile. Pas tant en raison du sujet (enfin quand même si, en partie à cause de lui), mais surtout en raison de la forme adoptée, celle du conte, ou plutôt celle d'un songe fangeux et angoissant. Et pourtant, c'est cette même forme qui, à mon sens, rend ce livre à la fois si beau et si puissant. Des jours après l'avoir achevé, il continue à me hanter. Aussi, j'en recommande sans hésitation la lecture. Pour sa grande beauté, et aussi pour que cette voix immense, celle d'un homme ayant réchappé de justesse à la rage méthodique qui extermina les siens ne s'éteigne jamais.
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La stupeur est l'ultime roman d'Aharon Appelfeld, publié en 2017, il meurt quelques mois plus tard en 2018.
La stupeur, c'est un Cri, une déchirure dans L Histoire, un appel au secours, une culpabilité dévorante mais aussi l'attente de l'espoir incarné par Iréna, une jeune femme catholique ukrainienne.
Iréna nous renvoie me semble -t-il sans équivoque à Saint -Irénée dont la mission était de transmettre la règle de foi qu'il avait reçue : un seul Dieu, notre origine, un seul sauveur, le Christ, un seul salut, notre espérance pour tous.
Iréna est une femme qui porte en elle l'universalité de beaucoup de femmes, mariée à un homme qui l'a brutalise , la viole, en en faisant sa " chose sexuelle", c'était la vie de beaucoup de femmes alors.
Iréna vit comme tant d'autres dans un petit village ukrainien à côté de juifs qui sont principalement des épiciers, Par simple méconnaissance de l'autre, les villageois les haïssent, surtout les hommes.
Le point culminant se fait jour , lors de l'occupation allemande, on leur fait creuser une fosse puis on les assassinent sans autre forme de procès.
Iréna y assiste, impuissante, dans une peur constante qui la paralyse.
Puis, c'est le déclic, elle décide de partir, pour fuir son mari et les fantômes des Juifs assassinés dont elle se reproche de ne pas les avoir secourus.
Elle fuit au départ sans but, puis son errance prend des allures mystiques, elle devient une espèce " de prophète" sous l'apparence de Saint Jean-Baptiste , elle va d'auberge en auberge expliquer que Dieu était juif et que l'on a commis un grand Mal en laissant assassiner les Juifs.
Une grande et belle sororité se dégage de ce roman, les femmes la comprennent, l'écoutent, la secourent tandis que les hommes l' insultent, la maltraitent.
Ce roman a aussi une allure de fin du monde, le typhus envahit les villages et tue chaque jour.
Es-t-on arrivé au jour du Jugement dernier ?

Un dernier roman qui reste un espoir, une lueur dans un monde brutal et violent.
C'est peut-être le message humaniste d'Aharon Appelfeld.?
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Dernier roman de Aharon Appelfeld, « La stupeur » paraît en 2017. Ecrit sous la forme d'un conte, l'auteur reprend différentes thématiques récurrentes dans son oeuvre comme l'antisémitisme ou les maltraitances faites aux femmes. Il y dénonce l'archaïsme de la société dans l'application qu'elle fait de ses idées préconçues, de sa morale patriarcale et de son ignorance.
Cette forme de récit composée d'éléments imaginaires et généralement destinée à un public d'enfants, aboutit inéluctablement à une conclusion dont on doit tirer la leçon dans la vie réelle, « la morale de cette histoire ». Par-là, il s'adresse bien à un public large, des plus incultes aux plus érudits, des cerveaux les plus simples aux autres.
Irena est mariée à Anton, un gaillard bourru qui la bat quand il a trop bu, qui l'abuse matin et soir et renverse sa soupe dans l'évier quand elle est froide. Il n'a que faire des violents maux de tête d'Irena ni de sa stérilité. Quand cette dernière voit ses voisins juifs, la famille Katz, alignés devant leur magasin, tenus en joue par le gendarme du village qui finit par les abattre durant une nuit, elle se résout à fuir...
L'histoire est simple mais elle véhicule un échantillonnage parmi les grands maux qui avilissent l'humanité.
Les violences faites aux femmes et leur place dans la société patriarcale. Il écrit : « - un mari reste un mari, même s'il vous bat. Une femme a besoin d'un homme. »
L'antisémitisme, l'exterminations des juifs, cette haine aveugle et infondée des juifs. Il écrit : « ...Tu sais en quoi les juifs sont différents de nous ? Ce qu'ils ont, qui nous manque ? - Quoi donc ? - Ils ont la force d'ignorer la mort. » Mais aussi comme une justification : « - parce que ce sont les ordres. » et « - Je ne suis qu'un gendarme. Les allemands sont des gens cultivés depuis toujours. Ils ne peuvent pas faire quoi que ce soit de contraire à la raison. »
Le personnage d'Iréna n'est pas sans rappeler le mythe du juif errant, personnage de légende immortel car il a perdu la mort et qui erre de part le monde en apparaissant de temps en temps à ses contemporains. Pour Iréna se sera l'occasion de colporter sa certitude que Jésus était juif.
Cet ouvrage est le chant du cygne de l'auteur. Il situe son conte dans la région de Czernowitz en Ukraine, là où il est né, comme un retour au point de départ. La boucle est bouclée.
Traduction de Valérie Zenatti.
Editions De l'Olivier, Points, 271 pages.
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Malgré la pureté du message, la pertinence de la dénonciation et du parallèle entre femmes abusées et juifs mis au ban, unis par une ingénue devenue prophète, ce roman est très lent, répétitif, poussif. Court et simple, il martèle son propos tant et si bien qu'il lasse et agace (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/04/10/la-stupeur-aharon-appelfeld/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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En regardant le titre de ce livre, je me suis fait la réflexion que stupeur est un mot rare, que j'emploie très peu.
Ce mot ne va pas me quitter pas pendant ma lecture. J'éprouve ce sentiment d'incrédulité sidérée, cauchemardesque, à chaque page.

Il y a la stupeur d'Irina, que je partage, quand elle découvre un matin, par sa fenêtre, ses voisins juifs, les Katz, un couple et leurs deux filles, alignés à genoux devant leur maison, l'épicerie du village.

Il y a la mienne, quand Irina, après s'être un peu offusquée de cette situation auprès du gendarme qui garde la famille agenouillée, rentre chez elle, prépare le repas de son mari, réfléchit à son envie de le quitter, retourne interroger l'une des jeunes filles agenouillées, infirmière, sur les migraines dont elle, Irina, souffre, repart chez elle et enchaîne les heures et la nuit suivante, comme d'habitude, alors que ses voisins sont toujours dans la même situation : alignés, agenouillés ou assis, devant leur maison, avec interdiction de bouger. Irina, apitoyée mais à peine concernée.

La mienne encore, quand les gens du village, dans les heures qui suivent, pillent le magasin et la maison des Katz, en toute impunité, sans se cacher d'eux toujours douloureusement immobilisés devant leur porte, en affirmant haut et fort qu'ils ont assez enrichi le commerce de cette famille pour avoir maintenant le droit de prendre…

La mienne toujours, en lisant les échanges d'Irina avec des voisins ou des gens de rencontre, d'un antisémitisme primaire et tranquillement revendiqué.
« Les Juifs nous prennent tout. Ce n'est pas sans raison que Dieu les hait, siffla la femme avec une moue.
- Chez nous, on les a tués, dit Iréna, effrayée par sa propre voix.
- En apparence.
- Ils ont réellement été assassinés.
- Vous les chassez de là et ils ressurgissent derrière la haie. On ne peut pas éliminer de telles créatures. Ma maison est pleine de papier collant accroché aux murs. Est-ce que les mouches ont été exterminées pour autant ? » conclut la femme volubile… »

Et enfin la stupeur que j'imagine de l'auteur, se voyant rapporter ces scènes tellement hallucinantes de cruauté que je ne peux croire qu'il les ait inventées pour le besoin du livre. Sa stupeur d'avoir à décrire, narrer cette bassesse humaine, quotidienne, ancrée, et presque anecdotique si les conséquences n'en étaient terrifiantes. Stupeur, étape qui précède celle de la honte, dont parle Primo Levi qui n'a jamais pu s'en défaire : celle d'appartenir au même genre humain que les bourreaux.

Les scènes de violences contre ses voisins, ont un effet décalé sur Irina. Leurs souvenirs vont la hanter, et, les violences de son mari lui étant devenues insupportables depuis longtemps, elle quitte son village. Commence alors une errance étrange, scandée par des rêves, des hallucinations, qui l'amènent à des manifestations publiques de mysticisme : « Jésus était juif. Son père et sa mère étaient juifs. Maintenant que nos Juifs ont été assassinés, le corps de Jésus souffre plus encore »
Déclarations diversement accueillies… Les hommes la traitent de sorcière. Seules des femmes, de plus en plus nombreuses, s'y montrent sensibles.

Ce qu'Aharon Appelfeld a voulu écrire dans ces cent dernières pages, celles du cheminement sans but précis d'Irina, mais plein de ses convictions religieuses obsédantes, comment le savoir ? Peut-être l'espoir que ce qui a été perpétré taraude les mémoires et les consciences. Peut-être aussi celui que les hommes, juifs et chrétiens, sachent voir et entendre que leurs croyances ont la même origine, et que rien ne les distingue aux yeux d'un éventuel être suprême : « (Jésus) ne s'est pas converti. Ce sont les autres qui se sont convertis. Lui était juif et l'est demeuré ».

Si ce livre doit rester un grand livre pour moi, ce sera pour sa première partie. Je ne pourrai rencontrer de nouveau le mot « stupeur », sans penser à Aharon Appelfeld.
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Alors que partout dans une Ukraine occupée par les allemands sévit un antisémitisme violent et primaire, que la population juive est massacrée à tour de bras, une paysanne assiste dans l'indifférence générale au martyr de ses voisins, des épiciers juifs pour lesquels elle éprouve des sentiments ambivalents.
Meurtrie, bouleversée de ne pas avoir su les sauver, victime elle-même de violences conjugales, cette femme réagit en décidant de quitter mari et village pour se réfugier chez sa tante dans la montagne puis ensuite là où la porteront ses pas. En chemin, bercée par des souvenirs, torturée par des cauchemars, en proie à des visions, possédée par une voix qui n'est pas la sienne, lui vient une illumination: celle que Jésus était juif. Et de ce fait "quiconque assassine un juif, assassine Jésus". Voilà le message qu'elle va transmettre de fermes en auberges, telle une Marie Madeleine hallucinée et alcoolisée, se heurtant à l'hostilité masculine ou trouvant la compréhension auprès des femmes.

Avec La stupeur, Aharon Appelfed aborde une nouvelle fois ses sujets de prédilection: son pays natal et la shoah - cette fois celle-ci vécue non pas du côté des victimes mais de celui des bourreaux. Son récit prend l'allure fort surprenante d'une parabole biblique au rythme lancinant qui désarçonne autant qu'il fascine. Je l'ai lu d'une traite, cherchant à comprendre le but exact poursuivi par l'auteur mais sans jamais y parvenir. Cependant, ce dont je suis certaine c'est qu'il donne à penser sans pour autant fournir les réponses aux questions qu'il suscite.
Je suis tout à fait incapable de dire si j'ai aimé ou non ce roman très étrange par son fond et sa forme - innovante dans l'oeuvre d'A.Appelfeld. En tout cas il ne m'a pas laissée indifférente.
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Iréna, 27 ans, est une jeune paysanne ukrainienne qui vit dans un petit village, dans la maison de son enfance. Elle est mariée à Anton, qui la maltraite et la viole chaque jour. La jeune femme souffre de violents maux de tête et rêve de partir retrouver sa tante Yanka, qui vit recluse dans la forêt. Un matin, Irena découvre que ses voisins, une famille juive qu'elle connaît depuis toujours, ont été arrêtés et sont alignés devant leur maison. Ilitch, un vieux gendarme, les surveille. Il respecte « les ordres ». Lesquels viennent des Allemands, « des êtres responsables et cultivés ». Durant deux jours, le père, la mère et deux filles, vont être humiliés et pillés avant d'être assassinés juste devant chez eux. Irena, stupéfaite de ce qu'il vient de se produire, s'enfuit. Assaillie par des visions de ses anciens voisins qu'elle n'a pas réussi à secourir, elle part sur les chemins pour proclamer que Jésus était Juif et qu'il faut cesser de faire du mal à ses descendants.

Cet ouvrage de l'écrivain israêlien Aharon Appelfeld,  dernier roman publié de son vivant , n'a jamais aussi bien porté son nom « La stupeur ».
La stupeur, c'est cet état dans lequel Iréna se retrouve plongée à la suite du meurtre de ses voisins juifs, les Katz, et qui transforme ce récit en un conte mystique. Les premières pages qui décrivent longuement comment la famille juive est humiliée et dépouillée plongent déjà le lecteur dans une étrangeté particulière, causée principalement par le fait qu'Irena n'arrive pas à saisir ce qui est train de se jouer, à savoir un prélude à la grande catastrophe : la Shoah.
Au court du récit, les visions et souvenirs d'Irena font connaître la jeune femme : portrait de ses parents, violence de son mari, relations qu'elle entretenait avec les Katz, et avec Adéla en particulier, la fille aînée. Des rapports teintés de méfiance et d'envie car Adéla avait son âge et était instruite. C'est en soi un antisémitisme banal que l'auteur nous décrit au coeur de ce village qui ressemble à tant d'autres mais la violence faite aux Juifs atteint son paroxysme , au point qu'Irena ne le supporte plus.
Le meurtre de la famille Katz est donc un choc pour la jeune femme qui, hébétée, hagarde, va traverser les villages, allant de tavernes en auberges, pour proclamer sa vérité naïve qui va à l'encontre de ce que les curés de son enfance ont toujours prêché : Jésus était Juif. Dans les « Zones nettoyées de ses Juifs », Irena est accueillie par les quolibets, les menaces et les coups des hommes tandis que les femmes la protègent et font des tavernes des lieux de refuge, de partage et de parole.

L'errance qui constitue l'essentiel du roman est avant tout la quête d'une réparation et d'une rédemption. Dans ce récit aux accents très mystiques, Aharon Appelfeld nous décrit, à côté des violences faites aux Juifs, celles faites aux femmes. Et c'est dans cette violence que les uns et les autres se retrouvent unis. Qu'il s'agisse de la paysanne, de la prostituée ou de la femme distinguée, il n'y a pas de hiérarchie, pas de différence entre chacune d'elles. Victimes elles aussi du pouvoir de ceux qui décident, elles incarnent le dernier soutien fait aux Juifs (cacher un enfant, vivre dans le souvenir chéri d'un fiancé juif, avoir un amant juif) et se dressent contre la violence des hommes. Et toutes à leur manière tentent de sauvent ce qui reste d'humanité.

Un roman très troublant et déroutant qui laisse en soi l'idée, qu'au coeur des ténèbres, il existera toujours une lueur d'espoir, ici portée par les femmes ukrainiennes.
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La souffrance des Juifs, tout le monde l'inflige, tout le monde la subit, le Christ était juif.
Ainsi prêche Iréna, libérée de ses peurs après des années de renoncement face aux violences domestiques, jusqu'au dernier renoncement, celui du courage d'agir face à ses voisins juifs humiliés, torturés et assassinés devant elle sans qu'elle ose agir. Iréna s'enfuit, prend son chemin et s'en va délivrer son message inlassablement.
Aussi inlassablement qu'Aaron Applefeld s'emploie par l'écriture à exorciser son passé, livrant un sens universel dans ce dernier roman bouleversant. J'avais été profondément touchée par l'histoire de cet homme rencontré dans un livre de Philip Roth, découvert par "Mon père et ma mère" dans lequel il explorait les derniers moments heureux de sa jeune vie avant que le nazisme l'arrache à ses parents et le laisse seul à dix ans, enfant juif errant dans l'Ukraine en guerre.
Je n'ai pas encore lu ses autres oeuvres mais cette forme-là de résilience par l'écriture m'émeut et me fascine, tout autant que la profonde humanité sans fard qui transperce sous sa plume, l'ampleur du propos qui s'étend bien au-delà du récit, dans un magistral travail de mémoire recomposée.
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Iréna se lève un matin,comme a l'accoutumée, perclue de douleurs et avec une forte migraine,car son mari très brutal ,l'a violentée une partie de la nuit; Quelle n'est pas sa stupeur en regardant par la fenêtre de voir la famille Katz, ses voisins,debout alignée devant leur épicerie et tenue en joue par le gendarme du village : Illitch.
Nous sommes au début de la seconde guerre mondiale,en Ukraine,le massacre des juifs ,proclamé par les allemands commence.
Durant plusieurs jours ,Iréna va assister ,impuissante,à leur humiliation, aux atrocités dont ils seront victimes,jusqu'au jour où après avoir creusé leur propre tombe ,sur ordre des allemands ,Illitch les fusillera.
Iréna ,le connaissant bien,essaiera en vain de raisonner Illitch.
Cette famille ,ses voisins ont eu des rapports amicaux avec elle ayant travaillé chez eux et ayant leurs deux filles en amies,cette exécution atroce et la brutalite de son mari chez elle va déclencher un choc violent qui va la décider à partir chez sa tante Yanka ,qui vit seule dans la forêt.
Poussée, par une force inconnue,elle part un matin rejoindre sa tante.
Après quelques jours de solitude et de réflexion auprès de sa tante qui est une femme totalement hors de la réalité ," vivant dans son monde",son avenir se révèle à elle: le Christ était juif et ceux qui ont tué les juifs dans les villages,ont tué le Christ,forte de cette affirmation et des visions qui lui apparaissent chaque nuit,elle va aller de village en village répandre ses convictions.
Commence alors pour elle une longue errance,bien accueillie et soutenue par les femmes ,rejetée brutalement par les hommes ,nous la suivons de villages en villages ,d'auberges en auberges.
Mon ressenti: j'ai beaucoup aimé la 1ère partie de l'histoire ,où nous sommes confrontés à la réalité des faits et puis lorsqu'Iréna part " en croisade",j'ai moins " accroché".
En fait ,je pense qu'Aharon Appelfeld s'est totalement identifié à Iréna pour nous faire passer un message.
En effet,la deuxième partie du roman se lit comme un conte cruel il est vrai ,ou le sentiment de résilience est prédominant pour moi.Au travers l'errance d' Iréna ,on sent qu'Aharon Appelfeld a insufflé beaucoup de lui- même dans son personnage,message de profonde humanité malgré les atrocités commises par les allemands sur le peuple juif.
Un roman complexe ,sidérant et parfois déroutant,que je vous recommande si vous ne connaissez pas cet écrivain, et qui pour moi serait l'objet au sein d'un groupe d'une grande discussion.⭐⭐⭐⭐
Merci à Valérie zenatti sa grande amie , pour la traduction.
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Différent des livres déjà lus de cet auteur que j'apprécie autant que son amie et traductrice Valérie Zenatti. Quelque part dans les Carpates (Ukraine?), une jeune femme, régulièrement violée et brutalisée par son mari, souffre de maux de tête de plus en plus violents; elle est stérile ce qui provoque la colère d'Anton et de la famille. Les voisins tiennent une petite épicerie: le père muet depuis le typhus, la mère et ses deux filles dont l'une est retardée et l'autre est en passe de devenir infirmière. Ils sont juifs à un moment où on les extermine partout.
Là après deux jours de mauvais traitements et le creusement d'une fosse, ils sont fusillés. Irena a tenté de les aider mais n'a pas assisté à la fin.
Prise de stupeur, elle fuit les fantômes et son mari: elle part dans la montagne pour retrouver une tante qui vit dans son monde et le Vieux qui est un peu sorcier mais qui aide ceux qui le lui demandent.
Elle déambule de village en village clamant que Jésus était juif ainsi que les siens et que le massacre actuel des juifs est un horreur.
Les hommes s'insurgent comme le curé tandis que certaines femmes l'écoutent et l'aident. Jean-Baptiste parle par sa bouche et cette petite paysanne en est elle-même toute étonnée. Elle ainsi que les autres hommes et femmes marchent à l'alcool, tout le monde est ivre.
J'ai préféré Histoire d'une vie et les deux livres jeunesse; ce livre rejoint la chambre de Mariana qui m'avait aussi déconcertée.45 livres ont été écrits et Valérie Zenatti les traduit peu à peu, pendant des années en complicité avec celui qui a appris l'hébreu pour écrire, et maintenant seule depuis la mort d'Aharon Appelfeld en 2018.

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