Citations sur Le garçon qui voulait dormir (13)
Les paroles convaincues agissent en secret et arrachent imperceptiblement les pousses fragiles plantées dans nos jardins secrets.
Tu dormais tranquillement, tu étais si beau. Il me semblait que c'était toi qui vivais la vraie vie, pas nous qui étions dans la plus grande confusion.
Je relus plusieurs fois le passage. Je n'avais jamais entendu une histoire avec ce rythme. Les fait enchâssés, la ponctuation, la tension qui montait. J'entendis soudain mon père s'écrier: "Franz Kafka a forcé des barrages. Ses chevaux galopent, mais il sait où il les conduit." J'ignorais alors que ce compliment dissimulait une accusation très dure contre lui-même.
Isidore était un employé de banque qui prenait soin autant de son apparence que de son appartement de célibataire, qui lisait de la littérature et de la philosophie, avait un abonnement au théâtre et à la salle de concerts. Il était couvert de femmes. Ses vertus exceptionnelles, sa curiosité, sa culture et sa pensée autonome avaient élevé une barrière en lui et la petite bourgeoisie juive.
Mon père avait des règles d'airain : ne pas mettre en avant son "moi", ni en parlant ni en écrivant. Exprimer une opinion ou un sentiment avant l'exposition des faits est inconcevable. Porter attention aux détails constitue la plus belle parure du langage. Faire preuve de finesse, toujours. Ne jamais se prendre au sérieux. Réserver un espace à l'ironie, qui distingue entre un homme qui pense et un homme qui se contente d'aligner les mots.
Mon père avait des règles d’airain: ne pas mettre en avant son «moi», ni en parlant ni en écrivant. Exprimer une opinion ou un sentiment avant l’exposition des faits est inconcevable. Porter attention aux détails constitue la plus belle parure du langage. Faire preuve de finesse, toujours. Ne jamais se prendre au sérieux. Réserver un espace à l’ironie, qui distingue entre un homme qui pense et un homme qui se contente d’aligner des mots.
Elle est belle, encore jeune, pourquoi me consacre-t-elle tant de temps ? me demandais-je.
J'avais envie de lui dire que sa vie était aussi importante que la mienne, mais son expression concentrée, sa manière d'être immergée dans chacun de ses actes me disaient que ces considérations lui étaient étrangères.
Plus encore : elle m'apparaissait comme une femme fière dont la vraie vie était intérieure.
Et à d'autres moments une femme qui avait renoncé à sa vie au bénéfice des autres.
Qui sait ce qu'elle avait traversé, où elle avait laissé ses parents ? De toute façon, tous ceux qui n'étaient pas nés ici avaient traversé un grand nombre d'épreuves.
Il m'arrivait d'avoir envie de m'écrier : Toi aussi tu es être plein de beauté, tu es digne d'attention. Mais chaque fois, je pensais que j'aurais l'air stupide.
Non loin de notre carré de tentes, les réfugiés vivaient dans la tristesse. Nous les apercevions lors de la course du matin ou au retour de l’entraînement dans les champs, et lorsque nous passions devant leurs baraques, nous les entendions parler notre langue maternelle. Ils vivaient encore dans les ghettos et les camps, faisaient du trafic de marchandises et devises. De leurs baraques s’échappaient des effluves de plats cuisinés qui faisaient surgir des visions de la maison, comme un fait exprès.
Rentrer à la maison. Qui n'a entendu au fond de lui ce murmure ? Rentrer à la maison est un cri du cœur qui enfle en chacun de nous chaque fois qu'une douleur aiguë l'assaille, ou bien lorsqu'une décision est requise et que l'on est tenaillé par des doutes écrasants, ou encore, la plupart du temps, lors d'une heure sombre, quand on ploie tout entier sous le poids de nos échecs, alors à ce moment-là s'ouvre le merveilleux portail qui invite à entrer dans la première maison, la maison éternelle qui se tient devant nous, intacte.
"Tout homme est appelé à retourner dans sa ville natale", me dit un jour un convalescent, me surprenant avec cette opinion qui lui tenait à coeur, mais si peu partagée par les autres.
Je pensais que les êtres mûrs avaient tendance à évoquer le passé avec regret ou nostalgie, mais tel n'était pas le cas ici : le présent était bien plus important à leurs yeux. "Nous avons sacrifié notre vie pour ce présent, nous avons rompu avec nos parents, quitté nos maisons pour le construire."