J'aime beaucoup la direction que prend l'oeuvre de Brüno. Ici, il retrouve Appollo au scénario, avec qui il a déjà réalisé les séries “Commando Colonial” et “Biotope”. On est loin du clinquant Tarantinesque de la série “Tyler Cross”.
Son graphisme au trait net et aux aplats soignés apporte un force péremptoire au récit, une dureté intransigeante, un ton rude, à l'image de l'écriture ciselée qu'un
Laurent Gaudé utilise dans ces romans. La comparaison avec cet auteur ne s'arrête d'ailleurs pas là, l'aventure ici aussi, n'est qu'un prétexte pour un sujet plus universel sur le destin, sur ces personnages qui se sont brûlé les ailes à côtoyer la richesse du pouvoir, sur la fatalité, c'est avant tout une histoire de malédiction, celle de l'Afrique corrompue par les intérêts occidentaux, des alliances hypocrites des plus grands avec des clans choisis pour leur bonheur et leur malheur, mais aussi la malédiction qui entraîne toute la famille avec elle, celle d'être de fils de... C'est une histoire cruelle, violente, une vision du monde pessimiste mais racontée avec la sobriété du théâtre contemporain et le panache de la tragédie classique.
T'zée est évidemment inspiré de Mobutu, mais l'histoire ne cite jamais le Zaïre, se permettant ainsi de nombreuses tergiversations et inventions autour des personnages. On le voit très peu dans l'histoire, la sienne, d'histoire, est racontée de façon symbolique à travers un match de catch. Pendant ce temps-là, on suit quelques membres de son entourage. La prouesse scénaristique est d'ailleurs remarquable, le personnage qui donne son nom à la bande dessinée brille par son absence. Toute l'action aussi est d'ailleurs absente, évoquée par flash radiophoniques, hormis un évènement mineur pour l'Histoire avec un grand H, mais qui est en réalité le véritable noeud de cette histoire. C'est Hyppolite le véritable personnage central, et c'est autour de lui que se focalise la notion de malédiction.
Beaucoup de non-dits, de regards, de temps morts, de silences, il y a une ambiance de torpeur, de lourdeur intense et pesante, on s'aime, on se déteste, mais le grand homme, tel un dieu omniscient et implacable dirige tout par la simple évocation de son nom. C'est l'Afrique et ses étranges destins, de gens qui finissent déracinés dans leur propre pays, dans leur propre famille, c'est l'Afrique des croyances fantastiques, .
C'est une oeuvre qui joue au chat et à la souris avec le lecteur, une tragédie teintée d'exotisme mais surtout pas un récit d'aventure.
C'est “En attendant Godot au Congo”, c'est du
Laurent Gaudé ou du
Gabriel Garcia Marquez en bande dessinée. Plus je réfléchis à ce que je viens de lire, plus je suis ébloui.