Le fou d’Elsa
Ne ferme pas les yeux Je suis
De ce côté de tes paupières
Je ne puis entrer dans la nuit
Où vont tes regards sans lumière
À quoi souris-tu devant moi
Quelle ombre en toi marche et te touche
Ah j’ai peur de ce que tu vois
Et d’ailleurs que tourne ta bouche
Notre temps passe Ouvre les yeux
Songe au bonheur que tu me voles
(p 81, édition Gallimard 1963)
L’avenir de l’homme est la femme
Elle est la couleur de son âme
Elle est sa rumeur et son bruit
Et sans elle il n’est qu’un blasphème
Il n’est qu’un noyau sans le fruit
Sa bouche souffle un vent sauvage
Sa vie appartient aux ravages
Et sa propre main le détruit.
Toutes les femmes de ma vie
Etaient primevères de toi
Je suis plein du silence assourdissant d'aimer
*********
Connais-tu le pays où la femme est songée
On ne peut pas toujours prier
Ou boire de l'eau de citerne
Les nuits sont longues sans lanterne
Malheur à l'homme marié
On ne peut pas toujours prier
(Air à danser)
J'ai tout mon temps d'homme passé
Sans lendemain dans les fossés
Attendant une aube indécise
La mort à mes côtés assise
Enfant-roi du palais chassé
La veille où Grenade fut prise.
Je suis la croix où tu t'endors
Le chemin creux qui pluie implore
Je suis ton ombre lapidée.
Le Fou d'Elsa, le Tiers Chant
Car tu peux dire de moi Ceci est mon
peuple
*
Tu descends lentement de terrasse en
terrasse
Mon bel amour à pas de lune dans ma
nuit
Quel être suis-je et d'où l'image
Il y a des choses que je ne dis a Personne Alors
Elles ne font de mal à personne Mais
Le malheur c'est
Que moi
Le malheur le malheur c'est
Que moi ces choses je les sais
Il y a des choses qui me rongent La nuit
Par exemple des choses comme
Comment dire comment des choses comme des songes
Et le malheur c'est que ce ne sont pas du tout des songes
Il y a des choses qui me sont tout à fait
Mais tout à fait insupportables même si
Je n'en dis rien même si je n'en
Dis rien comprenez comprenez moi bien
Alors ça vous parfois ça vous étouffe
Regardez regardez moi bien
Regardez ma bouche
Qui s'ouvre et ferme et ne dit rien
Penser seulement d'autre chose
Songer à voix haute et de moi
Mots sortent de quoi je m'étonne
Qui ne font de mal à personne
Au lieu de quoi j'ai peur de moi
De cette chose en moi qui parle
Je sais bien qu'il ne le faut pas
Mais que voulez-vous que j'y fasse
Ma bouche s'ouvre et l'âme est là
Qui palpite oiseau sur ma lèvre
O tout ce que je ne dis pas
Ce que je ne dis à personne