Citations sur La venin, tome 3 : Entrailles (18)
22 septembre 1900. Nous avons réussi à rejoindre Montgomery et à prendre un train pour Saint Louis. Susan et Claire se sont endormies l’une contre l’autre. Je profite du voyage pour coucher sur le papier nos dernières mésaventures. Cette nuit a été éprouvante, surtout pour Susan qui a tout perdu, son mari, sa maison et ses terres, à cause de ces salauds du Ku Klux Klan. Même si nous croyons tous qu’ils ont gagné leur liberté, les Noirs ne vivent pas beaucoup mieux qu’avant. Il faut dire que nous étions au cœur du Dixieland, la terre de naissance du Klan. Je le pensais disparu, mais il est encore là, tapi dans l’ombre, à attendre son heure. Note : Susan a réussi à sauver de l’incendie une photo de son mari Tom. Elle a voulu absolument que je la colle dans mon carnet en souvenir de lui.
Je pensais que le racisme était réservé au Sud, mais je vois que les Blue Belles qui tiennent à faire croire qu’ils voulaient nous sauver de l’esclavagisme ne sont pas mieux que les autres. Et tu as beau être blanc de peau, tu es un esclave tout comme moi. Regarde, tu vas crever ici, dans la fange, pour quelques miettes, pendant que ton patron se gave dans son palais. Tu as la gueule aussi noire que la mienne.
Ce sont des puits de pétrole. On fouille la terre pour trouver ce liquide qui sert de carburant pour les lampes, les machines… Les journalistes l’appellent l’or noir ! C’est devenu la nouvelle richesse des États-Unis d’Amérique. Comme les pionniers ou les premiers chercheurs d’or, tout le monde s’est mis à forer à la recherche de cette nouvelle substance.
Vous connaissez tous ce pays aussi bien que moi. Il est tenu par les politiciens de Washington, les banquiers, les capitaines d’industrie, les gros propriétaires terriens. La légende du self-made-man est là juste pour nous faire rêver et nous faire taire. Ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse. Quand ils ne la font pas s’effondrer pour s’enrichir un peu plus. Et ce sont toujours les mêmes qui trinquent : nous ! Le seul moyen est de lutter pour vos droits. […] Ces pour ces raisons-là qu’il faut vous battre. Le travail ne doit pas rendre malade et encore moins vous tuer.
Je dois tout faire disparaître car les plus beaux rêves partent toujours en fumée.
Non, la guitare, c’est la mienne. Grand’pa l’ancien de la plantation, m’a appris à jouer quand j’étais môme. D’ailleurs, pourquoi ça devrait être celle de mon mari ? Les femmes n’auraient pas le droit de savoir jouer d’un instrument ? Étrange question, surtout venant d’une femme.
Abraham Lincoln vous a peut-être affranchis, mais vous ne serez jamais des humains comme nous ! Il a volé nos terres pour vous les donner. Et regarde, vous vivez dessus comme des animaux ! Quant au président Grant, il a réussi mettre un coup d’épée au Klan, mais il ne nous a pas détruits complètement. Vous verrez, niggers, que la suprématie blanche l’emportera au cœur du Dixieland et partout ailleurs.
Ces messieurs doivent appartenir à une de ces sociétés secrètes. Chaque grande université en a une. Une fois diplômés, les heureux élus se cooptent entre eux et créent des réseaux invisibles aux yeux des êtres humains comme nous. Bon sang. On a une photo avec trois des cadavres qu’a semé la Venin sur sa route. Je crois qu’on tient une pièce du puzzle ! Il faut qu’on trouve qui sont les deux autres sur la photo. Par contre, celui au centre me rappelle quelqu’un, mais je ne sais pas qui.
Dire qu’on est bloqués ici par la police du comté pour des dépositions ! Expliquer comment treize ouvriers ont pu trouver la mort ? Ce sont eux qui nous ont attaqués quand même !!! Et il y a le cadavre d’un sergent déserteur devenu chasseur de primes, tué en plein cœur par le couteau d’un mystérieux éclaireur indien… C’est une histoire de fous ! Qui va croire ça ? Si l’agence nous lâche, on va devoir fuir et se cacher un long moment…
J’ai rapporté ça d’un voyage au Mexique. Ici, en Floride, on a le sapotier blanc. Il est beaucoup plus sucré, mais il n’a pas ce goût de cacao. Il n’y a pas toujours besoin d’acheter des produits manufacturés. Dans la nature, on peut trouver ce qu’il faut vivre. J’ai passé mon enfance à New York, la tête dans les livres, à apprendre les noms des fleurs, des insectes, des arbres. C’était pour oublier la grisaille de la ville et la fumée noire des usines. En fait, il me manquait ça. Regarde comme c’est beau et luxuriant. Bon. On va le faire ce gâteau ? Mais même si la nature est généreuse, elle n’offre pas ce genre de moments. Tu sais, je suis heureuse que tu sois venue avec moi. Je me sentais seule depuis un moment. Je ne suis plus toute jeune, et je voyage moins. Alors l’occasion de rencontrer des gens se faisait plus rare. Ça me rappelle des moments que j’ai passés avec ta mère quand elle était petite… Oh, pardon ! Je ne veux pas te rendre triste…