La Pays Basque m'enchante, je me flatte d'apprécier son air désuet, son climat trop humide, ses gâteaux trop sucrés, son ambiance nostalgique qui glorifie le bon vieux temps, celui des années folles, de l'Art Déco, des Hispano Suiza conduites par des aristocrates en exil et des industriels d'avant la crise (celle de 29, bien sûr). Toute la Côte Ouest de l'Hexagone est festonnée de villas à colombages, plus baroques et vieillottes les unes que les autres. On les croirait sorties d'un roman policier, décor idéal pour assassiner de riches héritières ou de vilains fraudeurs du fisc. Une certaine villa du Touquet a récemment fait parler d'elle, mais ce n'est qu'une bagatelle à côté des somptueuses demeures construites entre 1850 et 1930 à Biarritz. Certains propriétaires n'hésitent pas à acheter des centaines de m2 de terrain autour de leur villa pour préserver leur "privacy".
En 1854, l'Impératrice Eugénie, issue de la grande noblesse espagnole, lance la mode en se faisant construire à Biarritz un palais qui donne directement sur la plage. Elle se rapproche ainsi de son pays natal, dont la frontière est à quelques kilomètres.
Les bains de mer sont le privilège d'une classe sociale qui vit de ses rentes et organise des séjours et des réceptions fastueuses. La bonne société se retrouve là pour des cures d'air et de soleil, pour parler affaires ou politique, nouer des alliances, profiter de la vie. La Côte devient mondaine, les femmes en crinoline déambulent sur la plage, les messieurs en redingote prennent le train. Les artistes suivent, puis les riches industriels qui ont les moyens de faire construire de grandes demeures richement décorées, entourées de parcs et de plantes exotiques.
Les
villas de Biarritz conservent le souvenir de la folie de leurs propriétaires. Elles sont certes cossues, certaines se prennent pour des châteaux gothiques ou Renaissance; on y retrouve des influences coloniales, méditerranéennes, elles rivalisent de luxe et de volupté, l'Orient d
Flaubert et de Loti n'est pas loin.
Elles ont failli disparaitre: trop loin, trop chères, trop démodées, elles ont connu des heures de solitude et de désamour. Leur valeur comme patrimoine architectural a fini par être reconnue, et d'anciennes familles ou de nouveaux milliardaires reviennent hanter leurs patios, leurs pergolas et leurs jardins.
Si vous passez par Biarritz, allez prendre une glace à l'hôtel du Palais, juste pour apprécier le luxe des salons et la vue sur la mer. Tenue correcte exigée!