La meilleure façon de manger végétal

Une "bible" à ne pas mettre dans les mains des fidèles sensibles.
Car "ces pensées font vivre un enfer"

C'est prêcher une convaincue que de vouloir diffuser l'information et la mise en pratique d'une alimentation plus "Vraie, plus Végétale, plus Variée", saine, durable, majoritairement végétale".
J'ai moi-même une "alimentation saine et durable", et une passion pour les livres de "Vivre Autrement"/Vie pratique" (j'ai une formation de libraire et un blog "écolo et littéraire", avec des recettes "veggie" car je suis végéta*ienne).

Mais je baigne dans le monde des livres pratiques, de la cuisine majoritairement végétale, de l'alimentation saine et durable au sens large...depuis suffisamment de temps pour dire que ce livre n'est pas du tout recommandé si on est pas assez solide pour prendre du recul, amener un peu de souplesse, avoir une relation apaisée et décomplexée à l'alimentation.



Voyant se multiplier sur Instagram les partages encensant la (bien)venue de cette "bible", de la part d'influenceuses culinaires ou membres du corps médical en qui j'ai confiance, j'avais très très hâte à sa sortie.
"Enfin une ressource française regroupant pédagogie nutritionnelle, informations diététiques étayées sur l'alimentation végétale et mises en pratiques !"
Validée par ses pairs, cette somme ne pouvait qu'être bienvenue !
Je commande donc mon livre en librairie, et l'ouvre, tout excitée.

"Ces pensées qui me font vivre un enfer"
Et là, je me retrouve PLONGÉE dans ce avec quoi je lutte depuis 15 ans, ce qui m'amène à trouver refuge, repères, sécurité et liberté dans les livres. L'orthorexie (restrictive)
Un TROUBLE ALIMENTAIRE imposant de contrôler ce qu'on mange pour que cela corresponde à une norme , des règles {ortho}.
C'est une MALADIE, aux graves conséquences quand elle flirte avec l'anorexie et la restriction.
Mais je vois avec la profusion médiatique, éditoriale, "thérapeutique", SOCIALE ...que ces INJONCTIONS ne concernent pas que les personnes souffrant de TCA.

Je pense qu'il ne faut pas s'étonner qu'on CONFONDE végéta*isme et TCA parce-que...je le regrette...la déroute alimentaire ne relève plus d'une pathologie mentale individuelle mais de TROUBLES SOCIÉTAUX.
La majorité n'a plus AUCUN REPÈRE à force d'injonctions multiples.

C'est des "meilleures façons de",
visions manichéenne de la diététique, découpages de l'alimentation en calories et nutriments, prescriptions nutritionnelles de "références", et rapports cliniques à la nutrition qui m'ont brisée.
Et dont la découverte du végétal m'avait un peu détachée.


" Gauche, droite, droite, gauche, front kick, balayette et penalty "
En lisant cet ouvrage, alors que j'ai acquis (douloureusement) un recul éditorial, alimentaire, diététique, je me suis retrouvée confrontée :
- au trouble alimentaire (avec les règles, calories, représentations de l'alimentation en quotas de nutriments, rapports à l'alimentation en termes de quantités précises et qualités orthorexiques, "meilleure(s) façon(s) de"...)
-ET aux fonctionnements des hôpitaux dans lesquels j'ai été prise en charge pour remédier à ce TCA : photos cliniques d'assiettes (assez douloureuses pour qui est passé.e par l'hôpital pour soigner un trouble alimentaire), normes, tableaux nutritionnels aliénants, manque de souplesse)



"SANTÉ"?
L'éducation à l'alimentation saine est lacunaire, l'accès à l'alimentation durable inégalitaire, les structures de soins offrent rarement des alternatives saines et durables et les livres, REFUGE de sécurité et de liberté, sèment à PROFUSION des recommandations CONTRADICTOIRES.

A qui se destine cette "bible"?

"A CEUX QUI N'EN ONT PAS"?
Au corps médical, par ses données scientifiques françaises sur l'alimentation végétale et sa précision théorique et pratique ?
Donnant ainsi enfin des références diététiques étayées qui montrent qu'il est possible d'être végéta*ien en bonne santé, d'avoir une alimentation équilibrée et sans carences sans (sur)consommer de produits animaux? Paliant le manque de connaissance et de formation médicales sur le sujet?
Alors pourquoi est-il plus diffusé sur les réseaux sociaux et auprès des mangeur.se.s déjà conscientisé.e.s?

Aux personnes qui souhaitent manger majoritairement végétal mais ne savent pas comment s'y prendre, par manque d'informations fiables ou d'accompagnement médical?
Alors pourquoi faut-il avoir un bagage de plusieurs années de connaissances alimentaires, recul diététique et travail sur soi pour savoir qu'il faut appréhender ce livre avec nuance, que ce sont des principes diététiques généraux à adapter à ses particularités individuelles, des données scientifiques froides auxquelles il faut apporter la chaleur des concessions humaines, au risque d'entretenir les troubles alimentaires et la diet culture ambiante ?

Donc aux personnes possédant DÉJÀ une maturité diététique, un bagage nutritionnel, un recul alimentaire, des connaissances générales et particulières sur l'alimentation majoritairement végétale?

Alors cette somme a pour intérêt d'être enfin une source francophone synthétisant les données disponibles ailleurs (associations médicales nord-américaines, activistes végé, blogs de recettes végétales ou de vulgarisation nutritionnelle, ouvrages de nutrition) ...
mais alimente selon moi les injonctions alimentaires, pour peu que l'on soit légèrement sensible (ce qui est le cas de beaucoup de femmes..)

Elle est bienvenue par ses données étayées, inédite par son sujet, mais pas par la façon dont elle le présente (calories, vision des aliments comme des quotas de macro-nutriments, menus types quantifiés, règles).

Je n'ai aucun intérêt à oser dire ce que je pense.
Je souhaite juste faire part de mon ressenti pour éviter que des personnes sensibles retombent dans les injonctions restrictives et le contrôle alimentaire en lisant des contenus qui entendent honorer l'alimentation saine et durable avec des bases solides et des plats inspirants. souffrant de TCA, je ne recommanderais pas ce livre comme guide pour manger plus végétal auprès d'un (grand) public déjà perdu par les carences éducatives, méconnaissance du végéta*isme et saturé de multiples injonctions alimentaires.
L'intention est louable, mais la présentation douloureuse pour peu qu'on soit sensible à une "diet culture" qui alimente l'orthorexie.

Mais comme on n'est pas à une contradiction près, l'éditeur sort également un livre qu'il présente ainsi :
«au XIXe siècle, la nutrition s'est concentrée sur l'étude des NUTRIMENTS et s'est progressivement enfermée dans le RÉDUCTIONNISME − ce que Gyorgy Scrinis appelle le « nutritionnisme».

Le nutritionnisme RÉDUIT l'acte de manger à celui d'ingérer des NUTRIMENTS.

Il montre comment le nutritionnisme a perverti la recherche en nutrition, les recommandations nutritionnelles, les systèmes d'étiquetage à travers le monde (comme le Nutri-Score), et surtout a été utilisé par le marketing de l'industrie».

Lien : https://madteaandglory.wordp..

Excellent ouvrage. Fouillé, très exhaustif, parfois fastidieux, mais toujours sérieux, scientifique, qui cite toutes ses sources. Une étude extrêmement utile et pragmatique (photos d'exemples d'assiettes en fonction des menus), sans prosélytisme. Très éclairant pour le quotidien de ceux qui veulent mieux manger.