L'autre n'est pas facile. L'autre me bouscule et
m'interpelle.
Me force à me déprendre de mes illusions et de mes faux-
papiers.
Et je vois dans son regard perplexe que je suis moi aussi
l'étranger de quelqu'un.
L'autre est mitoyen. M'oblige à l'écoute et à la politesse.
Qu'il bouge et je tangue avec lui. Qu'il tousse et
Je m'enrhume.
Mais à se côtoyer nos quotidiens nous font plus proches,
presque prochains.
Nous mélangeons nos lieux communs, inventons
des passerelles.
L'autre alors devient autrui,
celui dont je me distingue et m'augmente
Et par qui je m'accomplis.
(Jeux de miroirs, 5)
Le temps a fait des flaques et a laissé ses boues :
des jambes fatiguées, de petites faims inassouvies,
de l'amour rabougri dans un cœur qui fermente
La route nous a distraits, nous pensions avancer
et ce n'était jamais
qu'à l'intérieur de l'horizon qui cerne,
et ce n'était jamais
qu'avec le boulet de son histoire à la cheville.
Les gens qui passent, sous leurs pas tassent des années
perdues peut-être, ou seulement consommées ...
Comment savoir ce qu'il en est des heures qu'on ne compte pas,
des vies qui ne comptent guère ?
la vaniteuse floraison des cimetières
où les noms se fanent sur des pierres qui durent.
Jeux de miroirs
"L'autre, c'est la peur remontée du fond des âges
qui fabrique un étranger."
Non, ce voyage n'est pas le plus facile, celui de l'apprentissage de l'autre à travers ses mots.
Comment savoir ce qu'il en est des heures qu'on ne compte pas,
des vies qui ne comptent guère ?
FAUX DÉPARTS
Quand on ne sait où l’on va, il faut se souvenir d’où l’on vient.
(proverbe africain)
L’éternité
Si nous ne sommes pas assignés à résidence,
nous le sommes à l’instant,
au temps sans fond ni rives
où nous croyons baigner,
que nous portons en nous et produisons
comme le sang.
Ainsi ne seront-nous jamais
Ces morts promis
puisqu’un mort par définition
n’existe pas.
Peut-être croirons-nous nous voir mourir
et nous serons pourtant vivants
aussi longtemps que nous n’aurons pas passé le seuil
que nul ne franchit jamais
sans s’être au préalable dépouillé
de son identité.
Ainsi toujours plus près du terme,
et se sachant mortels,
sommes-nous condamnés à hanter
l’éternité
des derniers moments.
Habiter l'ici-bas est une lourde tâche